Chronique

Les milléniaux, les X et la cote de crédit

Il aura fallu 24 ans. Vingt-quatre longues années avant que le Québec ne retrouve son statut de très bon gestionnaire de ses finances publiques, parmi les meilleurs au Canada.

Cette lente remontée de la cote de crédit du Québec, après 24 ans d’attente, illustre à quel point il faut du temps et de la détermination pour redresser une situation financière. Elle donne aussi une idée de l’ampleur des sacrifices qu’a dû faire la génération X pour y parvenir et la très grande différence des perspectives qui s’offrent aujourd’hui aux milléniaux, qui la suivent.

N’est-il pas opportun de tenir compte de cette différence de fardeau quand on compare les deux générations ?

Vendredi dernier, rappelons-le, l’agence Standard & Poor’s (S&P) a fait passer de A+ à AA- la cote de crédit du Québec. Dit autrement, le Québec figure au 4e des 21 niveaux de cote de crédit pour sa dette à long terme (la Grèce est au 16e niveau). Et hier, le gouvernement du Québec a annoncé un autre surplus budgétaire record, de 2,5 milliards.

Avant ce redressement, la cote du Québec stagnait à A+ depuis 1993, il y a 24 ans, notamment en raison de ses déficits, de sa dette croissante et de deux récessions. La cote de A+ n’était pas mauvaise, mais elle plaçait le Québec avec le groupe des provinces maritimes, alors qu’aujourd’hui, le Québec figure au 3e rang canadien, devant l’Ontario et l’Alberta.

Ce bulletin de santé des finances publiques est une mesure froide, loin de la réalité quotidienne de la population. La hausse de la cote de crédit, diront certains, s’est faite à coups de compressions, qu’il aurait fallu éviter.

Il est vrai que certaines coupes ont été malavisées. Toutefois, la bonne gestion de nos finances permet enfin aux Québécois de gérer autrement leur avenir financier collectif. De recommencer à investir dans l’avenir plutôt que de continuer à gratter les fonds de tiroirs, à faire des coupes et des choix douloureux.

Et bien sûr, de mettre des sous de côté pour absorber l’énorme impact du vieillissement de la population d’ici 2030. Tout n’est pas parfait, loin de là, mais la perspective change du tout au tout.

Non seulement notre meilleure cote nous donnera des conditions d’emprunt plus avantageuses, mais elle consolidera la confiance des investisseurs nationaux et étrangers en la stabilité de notre système. Le Québec, c’est du solide !

En 1993, les jeunes de la génération X s’échinaient à trouver un emploi. Les 15-24 ans étaient alors frappés par un taux de chômage de 18,8 %. Aujourd’hui, les jeunes milléniaux de 15-24 ans ont davantage le choix, avec un taux de chômage de 12,7 % au Québec, plus bas qu’en Ontario (14 %) et en Alberta (13,1 %).

Payer ses ponts et ses routes comptant 

Quand Jacques Parizeau présentait son budget annuel du Québec dans les années 80, le déficit incluait non seulement les dépenses courantes (salaires, etc.), mais aussi les investissements annuels (ponts, routes, etc.). Aujourd’hui, les investissements sont amortis sur plusieurs années et seule une portion de ces investissements figure au budget chaque année, comme l’exigent les normes comptables.

Or, Standard & Poor’s continue de mesurer les déficits en soustrayant les investissements annuels (appelés aussi dépenses en immobilisations). Quand on compare les chiffres du Québec de cette façon, on constate notre grande avance sur les autres provinces.

Cette année, le Québec n’a plus aucun déficit, même après soustraction des 9,4 milliards de dollars de dépenses en immobilisations. En quelque sorte, on peut dire que le Québec paie ses ponts et ses routes… comptant ! Ce portrait s’explique par les versements annuels importants dans le Fonds des générations, amalgamés dans les surplus par S&P.

En Alberta, la crise pétrolière a fait fondre les revenus, si bien que ce même déficit représente 30 % des revenus cette année et sera de 27 % en 2018. C’est comme si le Québec avait un déficit de 32 milliards ! Pas étonnant que l’agence de notation ait décoté la dette de l’Alberta de deux rangs, sous le Québec.

La situation est moins grave en Ontario. En 2018, le déficit prévu – toujours après soustraction des investissements – équivaudra à 4,8 % des revenus. Et en Colombie-Britannique, ce sera 5,9 %. Pendant ce temps, le Québec aura un SURPLUS de 0,3 % en 2018.

Ce n’est pas pour rien que le Québec s’attire les éloges de S&P. « En termes de performance fiscale, le Québec est au sommet du Canada », me dit Paul Judson, l’un des deux analystes de S & P qui a passé au crible les finances du Québec.

Bref, en cette veille de la Saint-Jean-Baptiste, on peut dire que le Québec a pris sa destinée financière en main, et ce sont les jeunes milléniaux qui en profiteront. Bonne Saint-Jean !

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