Quatre initiatives vues du Québec
La Presse
La rémunération au mérite
De plus en plus de commissions scolaires rémunèrent leurs enseignants selon leur performance. Divers systèmes d’évaluation ont été mis en place pour éviter que les professeurs ne choisissent que des élèves doués ou ne calquent leur enseignement sur les tests nationaux. Les évaluations sont aussi de plus en plus utilisées pour les promotions et les congédiements, plutôt que l’ancienneté. L’an dernier, un juge de première instance a jugé inconstitutionnelle une loi californienne obligeant les commissions scolaires à considérer l’ancienneté dans les congédiements, citant la célèbre décision Brown v. Board of Education de la Cour suprême en 1954, qui a mené à la déségrégation des écoles.
LE VERDICT DU QUÉBEC
« Enseigner est une tâche complexe dont on ne parvient pas à évaluer la réussite, dit Line Camerlain. Et si on se concentrer sur l’enseignant, on fait fi du contexte environnemental, on ne s’occupe plus de la pauvreté. Oui, le professeur est une ressource importante, mais il faut investir dans le soutien professionnel. Le prof en lui-même ne compte que pour 15 % à 20 % dans la réussite scolaire. » M
Camerlain cite également un livre publié en 2008 en France, , qui conclut que lier le salaire aux résultats des élèves aux tests nationaux pousse les enseignants à calquer à outrance leur enseignement sur ces tests.Les écoles à charte
Il existe deux différences importantes entre les écoles privées québécoises et celles des États-Unis. Elles ne sont généralement subventionnées que si elles ne choisissent pas leurs élèves par un examen d’entrée mais plutôt par loterie. Et la subvention gouvernementale couvre généralement l’ensemble des droits de scolarité, et non une partie comme ici. Il existe aussi des écoles à charte publiques, comparables aux écoles à vocation particulière ou aux écoles alternatives du Québec, où la direction a de la latitude quant au programme pédagogique, mais pas les conditions de travail des employés. Les écoles à charte publiques reçoivent les mêmes subventions par élève que le reste du réseau public, mais les écoles à charte privées ont en moyenne une subvention inférieure de 28 %.
LE VERDICT DU QUÉBEC
« Les intentions affichées par les partisans des écoles à charte diffèrent beaucoup de leurs intentions réelles, dit M
Camerlain. Ils disent vouloir favoriser la réussie et pallier au manque de profs, mais en réalité il s’agit d’une privatisation de l’éducation, avec une gestion axée sur les résultats. Autre caractéristique, il s’agit souvent d’écoles en milieu défavorisé, qui ont besoin de plus de personnel et de budget, alors que les écoles à charte cachent une volonté de couper ces budgets. » N’y a-t-il pas des bénéfices à une gestion décentralisée à partir de l’école ? « La commission scolaire joue un rôle essentiel. Prenez une école qui a besoin d’une demi-journée de psychologue par semaine. Jamais elle ne trouvera un psychologue qui acceptera ça. Ça prend la commission scolaire pour gérer les besoins des différentes écoles en personnel spécialisé. »Enseigner sans diplôme
La plupart des États américains permettent aux diplômés universitaires d’enseigner dans les écoles même s’ils n’ont pas étudié en éducation, s’ils suivent un programme de formation à temps partiel. Le Wisconsin a tenté d’aller plus loin : une loi qui aurait éliminé l’exigence de la formation à temps partiel et permis d’embaucher des professeurs de langue n’ayant même pas de diplôme universitaire, a été abandonnée à la dernière minute en juillet, dans le cadre de négociations budgétaires. Les enseignants embauchés selon cette nouvelle loi, qui visait à pallier le manque de professeurs dans les écoles rurales, auraient par contre été liés à la commission scolaire les ayant embauchés.
LE VERDICT DU QUÉBEC
« Ce n’est pas parce que quelqu’un est bon en science dans un labo qu’il sera bon pour enseigner, dit M
Camerlain. Il faut au contraire valoriser la formation et la profession d’enseignant. Et ce n’est pas vrai qu’il manque d’enseignants dans les matières périphériques en région rurale. » Au Québec, le certificat en enseignement permettant aux titulaires d’un baccalauréat universitaire d’enseigner après un an plutôt que quatre a été aboli en 1995. Il existe des « tolérances d’engagement », renouvelables chaque année, permettant d’enseigner sans permis, mais elles sont « très rares » selon M Camerlain.Les premiers de classe dans les écoles pauvres
Depuis 1990, le programme Teach for America envoie des finissants universitaires pendant deux ans dans des écoles de quartiers défavorisés des États-Unis. Aucune formation ou expérience en enseignement n’est demandée. Un cours de gestion de classe de cinq semaines est donné, ainsi que du mentorat durant les deux ans. Seuls les meilleurs candidats sont choisis, 800 sur 5300 demandes l’an dernier. L’hiver dernier, une étude du groupe de réflexion Mathematica Policy Research, généralement considéré comme politiquement neutre, a avancé que les enseignants de Teach for America avaient un impact positif sur les résultats de leurs élèves seulement au début du primaire, ou alors dans les écoles particulièrement défavorisées. La courte durée de la formation a notamment été critiquée en 2013 dans un article du magazine
ayant fait grand bruit, par une ex-participante de Teach for America qui avait abandonné le programme après un an.LE VERDICT DU QUÉBEC
« L’objectif est d’engager et congédier qui on veut et de les payer moins cher, dit M
Camerlain. Ils n’engagent pas des super enseignants, mais des enseignants qui ne sont pas légalement qualifiés. Particulièrement dans les écoles défavorisées, ça prend des enseignants chevronnés et du personnel autour d’eux. Les États-Unis ne scorent pas très haut dans les tests internationaux comme PISA. Si des approches comme Teach for America fonctionnaient, les résultats seraient meilleurs. »