Environnement

Le virage vert de l'Alberta unit les provinces

OTTAWA — Longtemps dépeinte comme le mouton noir de la fédération canadienne dans le dossier de la lutte contre les changements climatiques, l’Alberta est devenue en moins de quelques heures la coqueluche des provinces après que le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley eut annoncé son intention dimanche d’imposer une taxe sur le carbone qui s’appliquera à tous les secteurs.

Cette taxe, qui s’élèvera à 20 $ par tonne de gaz à effet de serre (GES) en 2017 et passera à 30 $ l’année suivante, fait partie du plan de lutte contre les changements climatiques de la province de l’Ouest, où se trouve l’industrie des sables bitumineux.

À l’ouverture d’une rencontre fédérale-provinciale – la première rencontre en sept ans –, le premier ministre Justin Trudeau a salué l’initiative du gouvernement Notley, estimant que l’annonce « était un moment historique, un pas solide et positif dans la bonne direction ».

M. Trudeau avait convoqué ses homologues provinciaux à Ottawa hier, afin de discuter de la position canadienne en prévision de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui aura lieu à partir du 28 novembre à Paris.

VERS UN CADRE PANCANADIEN

Cette rencontre ne visait toutefois pas à établir une cible plus ambitieuse de réduction des GES pour le Canada, le gouvernement Trudeau ayant déjà fait savoir qu’il ira à Paris avec la cible fixée par le gouvernement Harper, soit une réduction des émissions de 30 % par rapport à 2005 d’ici 2030.

M. Trudeau entend convoquer de nouveau ses homologues provinciaux dans les 90 jours suivant la conférence de Paris afin de fixer un cadre pancanadien qui respecterait les particularités de chacune des provinces.

« À Paris, un Canada uni va démontrer que nous sommes sérieux au sujet de la lutte contre les changements climatiques. »

— Justin Trudeau, à l’issue de la rencontre

En lever de rideau, M. Trudeau tenu à inviter Rachel Notley à expliquer aux premiers ministres des autres provinces – et aux Canadiens – les grandes lignes du plan albertain.

« Il faut cesser de nier que cela est un enjeu et commencer à faire notre part. Le Canada est le principal producteur d’énergie du monde. Notre but devrait être de devenir un des producteurs les plus avant-gardistes et progressistes. L’Alberta comprend ses responsabilités uniques relativement à cet enjeu étant donné que nous possédons la troisième réserve de pétrole en importance du monde », a-t-elle déclaré.

Le plan albertain, qui a été salué aussi par les groupes environnementalistes, prévoit que les émissions annuelles de GES de l’industrie des sables bitumineux seront limitées à 100 mégatonnes. Ces émissions ne pourront pas augmenter de plus de 40 %, sauf pour la mise en valeur et le raffinage. En outre, le gouvernement albertain envisage d’éliminer progressivement le recours à l’électricité générée par le charbon d’ici 2030.

Le virage vert de l’Alberta permettra-t-il au Canada de redorer son blason sur la scène internationale ? Plusieurs premiers ministres le souhaitent.

UN « REBRANDING » NÉCESSAIRE

Avant la rencontre, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a soutenu que les autorités canadiennes et les provinces doivent procéder à un « rebranding » du pays sur la scène internationale, d’autant plus que le Canada est vu par plusieurs comme un cancre en matière de lutte contre les changements climatiques du fait que le gouvernement Harper a défendu dans le passé l’industrie des sables bitumineux.

« Le Canada est un producteur majeur d’énergie, d’énergie non renouvelable, oui, mais également d’énergie renouvelable. C’est un pays dont maintenant, avec l’annonce d’Alberta, près de 80 % de la population va être dans un régime de fixation du prix du carbone. Cette histoire n’est pas connue. Elle doit être connue. Elle doit être dite », a affirmé M. Couillard. Il a répété le même message après la rencontre.

D’autres premiers ministres ont fait écho aux propos de M. Couillard, notamment la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, et sa collègue de la Colombie-Britannique, Christy Clark.

« Avec l’Alberta qui pose un geste si fort en ce sens, je pense que nous allons maintenant à Paris comme un pays qui a […] quelque chose de solide à offrir pour ce qui est de notre façon d’aller de l’avant et d’avoir un impact comme provinces et comme nation », a déclaré Mme Wynne.

La seule voix discordante des provinces à se faire entendre a été celle du premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall. 

« Il faut faire mieux au chapitre de notre bilan sur les changements climatiques. Ma province doit faire mieux. Mais nous ne pouvons pas oublier l’économie. »

— Brad Wall

« Quel que soit l’accord auquel nous arrivons à Paris […], nous devons comprendre l’impact que cela aura sur les emplois, sur le secteur de l’énergie qui a déjà subi de lourdes mises à pied », a-t-il ajouté.

En point de presse en début d’après-midi, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a soutenu qu’Ottawa doit imposer des cibles contraignantes pour s’assurer que le Canada diminuera bel et bien ses émissions de GES.

« Il faut éviter une situation où une province pourrait tout simplement décider de ne rien faire. Et c’est malheureusement la situation qui risque de se produire avec ce que M. Trudeau est en train de proposer, s’il laisse ça exclusivement aux provinces », a-t-il soutenu.

— Avec La Presse Canadienne

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.