Catherine Ocelot

L’intervieweuse interviewée

Elle s’est fait remarquer avec l’album Talk Show, dans lequel un ours polaire exerce le métier d’intervieweur. Avec La vie d’artiste, Catherine Ocelot emprunte ce même chapeau (et le micro qui vient avec) pour rencontrer des artistes comme Rafaël Ouellet, Julie Delporte, Micheline Lanctôt ou encore… Catherine Ocelot.

« J’avais envie de mesurer l’impact que peut avoir une entrevue sur l’intervieweur, commence par nous dire Catherine Ocelot. Mon travail est très solitaire, donc j’écoute souvent des entrevues, des podcasts, etc. Je me suis demandé : quel impact ça peut avoir sur un intervieweur de faire 200 entrevues ? Ça m’intriguait beaucoup, j’ai voulu en faire l’expérience. »

Sa rencontre avec le cinéaste Rafaël Ouellet lui a permis de mieux définir le sujet de La vie d’artiste.

« Je l’ai rencontré dans un lancement, on a beaucoup parlé ensemble, et j’avais envie de lui poser plus de questions sur son métier de réalisateur, nous explique Catherine Ocelot, qui commencera au printemps une résidence d’artiste à la Cinémathèque québécoise. À partir de cette discussion, je me suis dit : je veux faire une autofiction mélangée avec des entrevues sur le thème de la vie d’artiste. »

Elle connaissait quelques-uns des personnages comme l’artiste visuel Natacha Clitandre ou l’illustratrice Julie Delporte, mais pas les autres. 

« Je trouvais intéressant de rencontrer des artistes de différentes disciplines, mais aussi d’âges différents. Je voulais connaître leur point de vue sur la vie d’artiste, puis traduire leur propos en mots et en images. »

— Catherine Ocelot

À travers ces rencontres, qui font toutes l’objet d’un chapitre, Catherine Ocelot s’interroge sur sa place en tant qu’artiste. Le dernier volet de l’album lui revient.

« Ce livre fait partie de mon cheminement, nous dit-elle. J’ai l’impression de m’assumer plus qu’avant comme artiste grâce à ces rencontres. Quand Marcel Jean [directeur artistique de la Cinémathèque] me dit que c’est normal d’être un peu narcissique quand on nous demande de mettre nos tripes sur la table, ça a un impact sur moi et ça m’aide à prendre ma place. »

Étudier une espèce

Tous les personnages – sans exception – sont représentés par des oiseaux. « Je me suis dit que ce serait amusant. Une façon de mettre l’accent sur le propos des personnages. Parce qu’en fin de compte, on est tous pareils, sauf pour le contenu et peut-être la couleur. C’était aussi pour montrer qu’on étudiait une espèce, en l’occurrence celle d’un artiste », nous dit Catherine Ocelot.

Qu’est-ce qu’elle a retenu de ces rencontres ? « Ce qui m’a inspirée, c’est de voir comment ils s’assumaient dans ce qu’ils étaient, répond l’illustratrice. Dans leur travail, leur vision, leur démarche artistique. Avec leurs doutes et leurs remises en question, mais aussi leur confiance. Parce qu’ils doivent être forts, ce n’est pas une voie facile. »

Le travail de tous ces artistes, qui sont « très exigeants envers eux-mêmes », est aussi inspirant pour Catherine Ocelot.

« C’est vrai qu’il y a un effet d’émulation à côtoyer des artistes qui travaillent fort et qui réussissent. Mais chacun a sa route. Si je regarde Jimmy Beaulieu [le bédéiste] ou Julie Delporte, par exemple, qui sont traduits, je peux avoir tendance à me dire : oh mon dieu, mais pas moi… Mais si je regarde mon travail depuis que j’ai commencé, j’aurai un autre regard, tout est question d’équilibre. »

Tout un défi

Dans le chapitre qui lui est consacré, Micheline Lanctôt y va d’un « Ils m’auront pas, les criss ! » bien senti pour illustrer sa réaction lorsque ses projets de films sont refusés par les institutions. Elle évoque aussi la difficulté de concilier son travail à sa vie de famille. Une réalité que vit Catherine Ocelot au quotidien.

« C’est un vrai défi », nous dit la bédéiste, qui a mis en scène sa fille de 6 ans dans des moments où elle dessine ou lorsqu’elle a la tête ailleurs. « Il y a tout un investissement de soi dans des projets artistiques. Micheline Lanctôt explique bien que lorsqu’on se lance dans un projet de film, par exemple, ça nous occupe à temps plein pendant deux ans. L’équilibre est difficile à trouver. »

Que fera Catherine Ocelot à la Cinémathèque ? « Je vais établir une liste de films que je veux voir, et je vais en discuter avec un spectateur choisi au hasard », nous explique la bédéiste qui fera une résidence d’environ un an. Par la suite, elle fera un compte rendu illustré de ces discussions, en reprenant les éléments marquants des films et des échanges.

« Après avoir mesuré l’impact des interviews sur l’intervieweur, j’avais envie de voir l’impact que le cinéma peut avoir sur nous. L’effet du dialogue avec un inconnu aussi. »

La vie d’artiste 

Catherine Ocelot

Mécanique générale 

En librairie le 6 mars

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