ANALYSE

Alain Rayes, futur lieutenant de Scheer au Québec ?

OTTAWA — À l’instar de son prédécesseur Stephen Harper, le nouveau chef du Parti conservateur Andrew Scheer commence souvent ses discours à la Chambre des communes ainsi que ses déclarations devant les médias dans la langue de Molière.

Et comme son prédécesseur, M. Scheer compte passer le 24 juin, jour de la fête nationale des Québécois, dans une région du Québec où le Parti conservateur détient un de ses 12 sièges.

Ayant remporté une victoire à l’arraché en coiffant le député de Beauce Maxime Bernier au 13e et dernier tour de scrutin lors du vote pour choisir un nouveau leader, M. Scheer reconnaît qu’il a beaucoup de travail devant lui pour se faire connaître davantage au Québec, et même dans le reste du Canada. Ses proches collaborateurs soulignent qu’il reste encore deux ans et quelques mois avant les prochaines élections fédérales, prévues en octobre 2019.

Même si certains se sont plu à le décrire comme Stephen Harper avec un sourire, Andrew Scheer n’entretient pas la même méfiance à l’endroit des médias. Le nouveau chef conservateur a d’ailleurs assisté au dîner annuel de la tribune de la presse parlementaire, le samedi 3 juin, une semaine après sa victoire, alors que M. Harper avait pris l’habitude de boycotter l’événement tout au long de son règne de neuf ans comme premier ministre.

M. Scheer a d’ailleurs su démontrer son sens de l’humour durant son discours devant les invités, buvant à même un carton de lait afin de se désaltérer pour rappeler qu’il devait sa victoire aux agriculteurs du Québec. Ces derniers se sont mobilisés durant la course à la direction afin de barrer la route à Maxime Bernier, qui avait promis de travailler pour abolir la gestion de l’offre pour les produits laitiers, les œufs et la volaille en cas de victoire.

Si Andrew Scheer reconnaît qu’il a remporté cette longue course grâce à ses appuis au Québec, il sait aussi que le retour au pouvoir des conservateurs aux prochaines élections passe par une plus grande récolte de sièges dans la Belle Province. D’ici quelques semaines, Andrew Scheer compte d’ailleurs nommer un lieutenant du Québec qui aura comme mandat de l’épauler dans cette mission parsemée d’embûches.

M. Scheer compte rencontrer chacun des 98 députés du caucus conservateur afin de déterminer leurs intérêts et leurs intentions aux prochaines élections. Après ces rencontres, il pourra alors commencer à former son cabinet fantôme, qui devrait être annoncé d’ici la fin de l’été, à tout le moins avant la reprise des travaux parlementaires, le 18 septembre.

Le poste de lieutenant du Québec sera sans doute l’un des plus importants. Les noms de quatre députés ont été évoqués : Maxime Bernier, le principal rival d’Andrew Scheer dans la course, Denis Lebel, qui a été lieutenant du Québec durant le dernier mandat de Stephen Harper, Gérard Deltell, qui est reconnu comme un communicateur efficace, et Alain Rayes, dont les talents d’organisateur ne font aucun doute. 

De ce groupe, Alain Rayes pourrait bien avoir une certaine longueur d’avance.

Dans le cas de Maxime Bernier, tout indique qu’il ne souhaite pas occuper de telles fonctions qui l’obligeraient à obéir aux diktats du nouveau chef conservateur et à défendre ses positions, même quand cela va à l’encontre de ses propres croyances. De telles fonctions pourraient donc le mettre fréquemment en porte-à-faux avec son chef. Il serait plus à l’aise dans un poste de critique important, comme aux finances. « Il est clair que nous avons besoin de Maxime au sein de notre équipe. Il faut déterminer le rôle le plus efficace qu’il peut jouer », indique-t-on dans l’entourage de M. Scheer.

Denis Lebel serait davantage enclin à ce qu’Andrew Scheer confie les fonctions de lieutenant à quelqu’un d’autre. Quant à Gérard Deltell, qui a appuyé le député conservateur de l’Ontario Erin O’Toole, troisième dans la course à la direction, il est sans contredit l’une des figures montantes du Parti conservateur au Québec. Ses talents de communicateur font l’unanimité. Mais ce n’est pas le cas pour ce qui est de ses talents d’organisateur.

Le député de Richmond-Arthabaska Alain Rayes s’impose donc comme le choix le plus probable. L’ancien maire de Victoriaville, élu aux élections fédérales d’octobre 2015, est l’un des quatre députés conservateurs du Québec à avoir appuyé Andrew Scheer durant la course, les autres étant Pierre Paul-Hus, Luc Berthold et Sylvie Boucher.

Après sa propre circonscription de Regina-Qu’Appelle, c’est d’ailleurs dans Richmond-Arthabaska que M. Scheer a obtenu le meilleur score au pays dans la course… Interrogé récemment à ce sujet, M. Rayes s’est montré prudent, affirmant simplement que cette décision appartenait au nouveau chef.

Coureur infatigable – il a couru le marathon d’Ottawa le lendemain du congrès qui a permis d’élire Andrew Scheer comme chef à Toronto et il s’est qualifié pour le marathon de Boston –, Alain Rayes est issu du monde municipal et il dispose d’un réseau intéressant, indique-t-on. 

D’ailleurs, le maire de Montréal Denis Coderre avait tenté de le convaincre de demeurer sur la scène municipale en 2015 au lieu de faire le saut en politique fédérale.

S’il se voit confier de telles fonctions, M. Rayes pourrait donc appliquer la recette de Denis Lebel, qui a permis au Parti conservateur de faire des gains au dernier scrutin au Québec : recruter des élus municipaux pour faire le saut sur la scène politique fédérale et obtenir l’appui d’une machine électorale municipale. Avant de poursuivre sa carrière politique à Ottawa, en 2007, Denis Lebel avait été maire de Roberval pendant sept ans.

« Alain Rayes dispose d’un bon réseau dans le monde municipal, c’est indéniable. Et il est un très bon organisateur », affirme-t-on dans les rangs conservateurs.

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