RÉFLEXION

ÉTUDES UNIVERSITAIRES
Mon anxiété, mon externalité

Une colère sourde gronde au fond de moi et ne cesse de grandir. Je suis furieuse, parce que j’ai toujours cru profondément que l’éducation était un cadeau d’une valeur inestimable.

Mais étrangement, l’université est parfois loin de me donner le sentiment que, légère, je m’élève vers la connaissance. Non, je ne m’abreuve pas à une source paisible, et je suis malheureusement bien loin d’être la seule.

Depuis plusieurs semaines, je me retiens d’écrire ces lignes, parce qu’encore aujourd’hui, malgré tous les nobles efforts qui sont investis, la santé mentale demeure un sujet tabou. Par chance, l’université a entamé une campagne de sensibilisation.

Aux quatre coins du campus, des murales aux couleurs éclatantes ont été installées pour nous rappeler que « tout va bien aller ». C’est drôle, parce que ces arcs-en-ciel d’optimisme ne font qu’accentuer le contraste entre une réalité (trop) colorée et les idées noires que j’ai dans la tête.

C’est vraiment à mourir de rire, parce que depuis que la direction a refait la décoration avec ces centaines d’affiches, aucun professeur ne semble s’être questionné sur la pertinence de nous submerger d’une montagne de travaux et d’examens dont la hauteur rivalise parfois avec celle de l’Himalaya.

Et pendant que tout le monde semble vouloir essayer de nous convaincre que tout est normal, je regarde ma vie prendre des allures de fête foraine, un cirque où le clown semble inexplicablement toujours un peu triste, et je me dis que c’est peut-être seulement moi qui suis un peu folle…

Ironiquement, au cours de ces nombreuses heures passées à la bibliothèque, j’ai fini pas assimiler certaines notions ; et pendant que j’essaie d’entrevoir la lumière au bout du tunnel, mon esprit fait, par moments, d’étranges liens avec des concepts économiques.

C’est ainsi que je me suis mise à réfléchir à la question des externalités. En économie, il y a externalité lorsqu’une partie des coûts ou des bénéfices n’est pas prise en compte au cours de la production d’un bien, et que, par conséquent, la quantité produite n’est pas optimale. Un exemple souvent utilisé pour illustrer ce concept est celui de la pollution entraînée par certaines activités humaines qui, en trop grande quantité, engendre une diminution du bien-être collectif.

Je n’ai aucun doute quant aux bienfaits de l’éducation ; c’est une valeur de société qui mérite d’être cultivée sans retenue. Par contre, je me demande si cette industrie de la connaissance est aussi efficace qu’elle pourrait l’être.

En effet, à force d’évoluer dans le milieu universitaire, je constate que l’anxiété générée par les méthodes pédagogiques utilisées est une grande source d’inefficacité.

Sans remettre en question la nécessité de promouvoir l’éducation, je m’interroge sur la pertinence des moyens utilisés pour parvenir à un transfert optimal de la connaissance, car les exigences académiques actuelles me semblent complètement inhumaines en raison de toute la détresse qu’elles entraînent.

Je me demande si « vouloir nous évaluer à tout prix dans l’unique but de nous donner une note » est un objectif socialement souhaitable ou si cela n’engendre pas plutôt une externalité négative en raison de tout le stress qui en découle. Apprendre doit-il obligatoirement être synonyme de souffrance ?

L’université est un endroit merveilleux pour innover ; artisane de la pensée, elle possède le privilège, mais aussi la lourde responsabilité d’éduquer les adultes de demain.

Je me considère particulièrement chanceuse d’étudier à l’Université de Montréal, mais je pense qu’il est temps que cet établissement utilise son rayonnement international pour améliorer ce vieux dinosaure qu’est le système d’éducation et en faire un endroit où il fait bon apprendre.

En dépit de toutes ces belles affiches accrochées aux quatre coins du campus, les salles de classe sont encore bien loin d’être des « happy land » et la triste vérité, c’est que même si ma détresse n’est pas visible, elle est malheureusement bien réelle.

Mais malgré l’inconfort insoutenable qui me donne souvent l’impression d’être prisonnière du système scolaire, je sais que ce diplôme est aussi la clé de ma liberté. Toutefois, puisque j’étudie en économie, je sais que dans la vie, il n’y a rien de gratuit ; et parfois, je me dis que si rien ne change, c’est peut-être au prix de ma santé que je vais payer ce bout de papier.

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