Livre

Transmettre ses racines par les recettes

Relatos y recetas – Histoire et saveurs de l’immigration latino-américaine à Montréal 

CAFLA 

205 p.

En vente au CAFLA : 514 273-8061

Ce qu’on met dans l’assiette des siens en dit parfois beaucoup au sujet de qui on est et d’où on vient. Tous les goûts sont dans la nature, comme le veut l’expression, mais c’est à table avec sa famille qu’on les développe. Les parfums et les saveurs des plats revêtent d’ailleurs une importance particulière pour les gens qui ont émigré.

Cynthia Rodriguez, originaire du Venezuela, est très consciente qu’en tant que mère immigrante, elle ne va pas léguer la même chose à ses enfants que ses proches qui sont restés au pays. Oui, sa fille parle espagnol. Oui, elle connaît les histoires qu’on raconte aux enfants en Amérique latine. Mais ce n’était pas suffisant pour cette jeune maman.

« Je voulais lui transmettre quelque chose de plus. Et c’est la nourriture, l’autre chose qu’on peut léguer à nos enfants. Si on fait la cuisine, si on transmet à nos enfants ce qu’on a appris de nos mères et de nos grands-mères, ça va continuer. »

— Cynthia Rodriguez, initiatrice du projet

Elle sait de quoi elle parle : sa grand-mère était italienne. « Je prépare encore les aubergines comme elle les préparait. C’est quelque chose de vraiment important pour moi », dit-elle au sujet de cette transmission identitaire qui passe par l’estomac.

Raconter l’immigration

Pour stimuler cette transmission intergénérationnelle, Cynthia Rodriguez, qui était journaliste au Venezuela, a eu une idée : demander à des femmes immigrantes latino-américaines de raconter leur parcours et de présenter une recette qu’elles souhaitent transmettre à leurs enfants. Tout cela tient dans un petit livre intitulé Relatos y recetas (Récits et recettes), publié par le Centre d’aide aux familles latino-américaines (CAFLA).

Page après page, on découvre les raisons qui ont poussé des familles du Mexique, du Salvador, du Venezuela, du Pérou, du Guatemala et de la Colombie à venir s’installer à Montréal. Les mamans disent leurs espoirs et leurs inquiétudes, parlent du déchirement du départ et du bonheur de se sentir en sécurité, racontent comment elles s’efforcent ou sont parvenues à se réinventer et à s’intégrer.

« Je trouve qu’on se reconnaît en écoutant les histoires des autres. Nos expériences se ressemblent, mais elles sont toutes différentes. »

— Cynthia Rodriguez

Mme Rodriguez trouve aussi un aspect un peu thérapeutique à ce partage. Elle a aussi découvert que, d’un pays à l’autre, certaines recettes se ressemblent aussi, même si elles ont chacune leur personnalité locale.

Cecilia Ivonne Escamilla, fondatrice du CAFLA, fait partie des femmes qui ont fait partager leur histoire et une recette. Elle a choisi un plat typique du Salvador : les pupusas, des galettes de maïs farcies de fromage, de haricots ou de viande – ou de tout ça en même temps. Cecilia Escamilla les prépare avec de la viande de porc frite, des tomates et du chili vert.

« J’ai dû inventer ma recette, raconte la mère de famille aujourd’hui grand-mère. Quand je suis arrivée, il y a 30 ans, ça n’existait pas ici. » Elle ajoute qu’elle avait même du mal à trouver les ingrédients nécessaires. Les choses ont bien changé : des pupuserias ont poussé un peu partout en ville et on trouve des produits alimentaires latino-américains dans les grandes chaînes d’épiceries.

Manger un plat de son pays d’origine, c’est faire un voyage dans le passé, estime Cynthia Rodriguez. « C’est comme si on mangeait avec la famille, comme si on était avec eux », dit-elle. C’est aussi un pas vers l’avenir : Cecilia Escamilla souligne que sa fille ne connaît pas tellement la culture salvadorienne, mais qu’elle connaît la cuisine, les recettes de sa maman et de ses grands-mamans. Non sans fierté, elle ajoute : « Mon petit-fils mange la cuisine salvadorienne ! »

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