Dans les foires de jouets, l’appellation fait fureur. Les grands fabricants présentent en grand nombre des produits qu’ils disent « STEAM », ou « STIAM » en français. À l’approche des Fêtes, c’est LA tendance de l’heure dans le monde des jouets.
Comme ces lettres l’indiquent, l’appellation STIAM rassemble des produits qui touchent à la fois aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie, aux arts et aux mathématiques. « Depuis un an, ça a fait un gros boom ! fait remarquer Sophie Turcot, directrice de catégorie chez le détaillant Brault et Bouthiller, à Montréal. Chaque année, on va au Salon du jouet international, à Nuremberg. L’année dernière, on voyait du STIAM un peu partout, et on se disait : “Voyons donc, c’est vraiment la saveur du mois… ou de l’année !” »
Ce mouvement est issu d’une approche qui a depuis longtemps conquis le monde de l’éducation : amener les enfants à relever des défis ludiques en touchant à plusieurs disciplines en même temps. Cette démarche a fait ses preuves, surtout dans l’enseignement des sciences, des technologies, des mathématiques et de l’ingénierie. L’ajout de la dimension artistique apporte une touche créative qui bonifie les apprentissages.
Il n’en fallait pas plus pour que les fabricants de jouets emboîtent le pas. Le géant Lego a notamment fait sa marque dans la vague STIAM avec plusieurs ensembles de construction, de robotique et de codage. Ces jouets amènent entre autres les enfants à élaborer eux-mêmes des plans, à expérimenter des concepts comme les engrenages et les poulies, à concevoir des circuits électriques et à relever des défis logistiques.
« L’approche STIAM permet aux enfants de prendre des décisions par eux-mêmes. On les met dans des situations réelles. »
— Sophie Turcot, directrice de catégorie, Brault et Bouthiller
L’engouement est si grand que même les grands comme Disney, Fisher-Price et Mattel inscrivent, sur plusieurs jouets, les lettres STIAM, ou STIM (le même concept, mais sans la dimension artistique).
Même Barbie saute dans la vague, avec un jeu de construction pour créer… un rangement pour chaussures !
L’avantage STIAM…
Keren Besner, spécialiste du marketing et mère de trois fillettes, parle des jouets de type STIAM avec enthousiasme. Tant et si bien qu’elle pilote avec son mari une nouvelle entreprise détaillant sur le web des jouets inspirés de cette approche. Evolve Toys offre quelques centaines de jouets triés sur le volet. Et aux premières loges, les jeunes Stella, Coco et Bowie ont l’occasion de tester plusieurs des produits choisis par leurs parents.
Lors de notre passage, Coco, 8 ans, élaborait d’ailleurs un circuit électrique dans la salle à manger familiale. « Là, je veux faire allumer cette lumière, mais ça peut aussi faire une sonnette pour l’entrée si on veut. Je pense que c’est ce que je vais essayer de faire après », lance la fillette.
À ses côtés, sa grande sœur Stella interpelle sa mère. Elle vient de lire dans le guide d’instruction d’un jeu d’archéologie qu’il est possible de momifier une pomme avec du bicarbonate de sodium.
« Mon mari était déjà dans l’industrie du jouet, explique Keren Besner. Il voulait démarrer une nouvelle entreprise, et s’est rendu compte que souvent, on achetait des jouets qui finissaient par ramasser la poussière. »
« Nos filles ouvraient la boîte, jouaient avec une journée… et elles perdaient leur intérêt rapidement. On voulait aller vers autre chose. »
— Keren Besner, spécialiste du marketing
Il n’en fallait pas plus pour que le couple donne une mission plus éducative à sa nouvelle entreprise, en mettant l’accent sur la vente de jouets STIAM sur son site web. Ces jouets offrent de nombreuses possibilités et captent l’attention des enfants sur une longue période, précise la mère de famille.
« Je ne veux pas dire que les jouets traditionnels n’ont pas de valeur, parce que ce n’est pas vrai, tempère Mme Besner. Nos enfants jouent aussi avec des poupées et elles passent du temps sur la tablette. Par contre, depuis qu’on amène ce genre de jouets à la maison, la dynamique a changé. »
Pendant la discussion, Stella, 11 ans, s’est d’ailleurs installée sur le tapis de la salle de séjour pour jouer avec sa petite sœur Bowie, 6 ans. Elles font rouler des billes le long d’une structure en bois. « Pourquoi ça ne fonctionne pas ? se questionne Stella. Ah ! Peut-être parce que je dois changer ce morceau de côté ? Hum… c’est ça ! Ça fonctionne ! »
… et la mesure
Les jouets que l’on dit STIAM existaient évidemment bien avant que l’appellation les rende populaires, nuance Dominic Tremblay, consultant en éducation. « Ça fait longtemps qu’on a des jouets qui font appel à ces compétences, souligne le spécialiste, dont le travail auprès des éducateurs est surtout orienté vers les sciences et les technologies. Rappelons-nous les kits de chimie et d’électricité du temps où on était petits ! »
Le consultant ajoute que les lettres STIAM ne sont pas non plus un gage de qualité. « Il faut s’assurer que le jouet ne fait pas qu’une seule chose. C’est ce qui est le plus important, je dirais. Il y a beaucoup de jeux de codage informatique, mais l’intérêt est vite passé parce qu’ils ne sont pas assez polyvalents. »
Il est enfin tout à fait possible de se lancer dans un projet de type STIAM avec des objets de tous les jours, précise-t-il. Il suffit souvent d’accompagner l’enfant dans ses idées ou les questions qu’il se pose.
Le plaisir de jouer doit toutefois demeurer le principal objectif derrière ces activités, prend toutefois soin d’ajouter Keren Besner. « Je ne veux pas que les parents regardent nos jouets et qu’ils croient que c’est avec ça qu’on fait des génies. Pas du tout. C’est juste une belle occasion de donner une valeur ajoutée aux moments que l’on passe ensemble. Je crois que mes filles peuvent jouer avec leurs poupées et, quand elles ont envie, elles peuvent aussi vouloir construire un robot. Elles peuvent aussi juste vouloir s’asseoir et relaxer. Ça prend un équilibre. »