CARTE POSTALE

La foire aux souvenirs

Moscou, Russie — Le lieu a beau être touristique, c’est quand même au marché d’Izmaïlovo qu’un guide local nous a conseillé d’aller pour rapporter quelques souvenirs.

D’accord. On écoute sagement et on met le cap sur le nord-est de Moscou. En sortant de la station Partizanskaïa, à côté d’une énième autoroute, c’est avant tout le Kremlin qui attire le regard. Mais attention, on ne parle pas ici du Kremlin tant visité et photographié. Celui-ci, construit à la fin des années 90, n’est qu’une imitation de l’architecture du XVIIIe siècle. En y entrant, on a la désagréable impression de se retrouver dans un petit Disneyland à la sauce russe. Faute de temps et surtout d’intérêt, on passe donc devant le musée de l’histoire de la vodka et celui du jouet populaire sans s’arrêter.

De toute façon, l’activité n’est pas vraiment là si l’on se fie aux nombreux partisans étrangers, carte d’identité au cou, qui déambulent dans le secteur. C’est le marché qui nous intéresse, avec ses échoppes en bois où l’on vend tous les objets authentiques de l’artisanat russe. Oui, il y a les fameuses matriochkas et les chapkas, des boîtes laquées, des bijoux, des sculptures, des icônes, des jouets en bois, des objets de l’époque soviétique…

Le prix est à la tête et à la nationalité du client. On sort la calculatrice, on marchande, puis on tombe d’accord sur le prix de deux châles traditionnels et une boîte laquée. Non, je ne prendrais pas une poupée russe de Vladimir Poutine en plus. N’y aurait-il pas celle de Diego Maradona, dans un état second – pour être poli –, en train de faire des doigts d’honneur ? Tant pis, peut-être la prochaine fois.

Notre intérêt personnel pour les châles étant assez limité, on est davantage intéressé par cet étal, vers le fond, qui vend des maillots de soccer. Oui, mais lequel choisir parmi les plus en vue, soit ceux des nombreux clubs de Moscou ? Dans cette gigantesque ville de 12 millions d’habitants, on en trouve quatre seulement en première division. Comme toujours en Russie, les affaires gouvernementales ne sont pas très loin.

Ainsi, le CSKA a longtemps été le club de l’Armée rouge alors que le Lokomotiv, champion en titre et dont le stade est tout près du marché d’Izmaïlovo, appartient à la compagnie de chemin de fer. De retour au sein de l’élite l’an dernier après un purgatoire d’une saison en deuxième division, le Dynamo était associé à la police et au KGB. C’est aussi dans ce club que le légendaire Lev Yashin, dernier gardien à avoir remporté le Ballon d’Or en 1963, a disputé l’ensemble de sa carrière. Aux antipodes, on trouve le Torpedo, qui végète en troisième division, et le Spartak qui occupe une place bien particulière dans les cœurs moscovites.

Contrairement à ses grands rivaux, le Spartak, qui appartenait originellement aux coopératives agricoles, n’a jamais été rattaché à un organisme proche du pouvoir. Son nom fait justement référence à ce désir d’indépendance puisqu’il évoque Spartacus, chef de la révolte des gladiateurs et des esclaves contre l’Empire romain. Une énorme statue du gladiateur est d’ailleurs érigée devant l’entrée principale de l’Otkritie Arena, baptisé Spartak Stadium durant la Coupe du monde.

Avec tout ça, il est maintenant le temps de choisir. On discute, on parlemente et on tombe d’accord sur les maillots du Spartak et du… Zénith Saint-Pétersbourg. Ça aussi, c’est une longue histoire.

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