Télévision

Un jour plus tard
dans les Maritimes

Est-ce normal qu’on doive se rabattre sur la chaîne publique anglophone pour s’informer des faits nouveaux d’un drame national comme celui de Moncton ? La réponse est non, et pourtant, RDI et LCN n’étaient à peu près pas là mercredi soir, se contentant de brèves mentions de la tuerie qui venait de se passer. Il fallait regarder CBC News pour être au fait de la nouvelle, largement exploitée depuis.

Oui, Céline Galipeau a ouvert son Téléjournal de 22 h avec la nouvelle, mais à peine trois minutes plus tard, c’était tout. Julie Drolet est revenue à quelques occasions, joignant en direct la journaliste Michèle Brideau – toujours excellente – à Moncton. Pas suffisant.

La direction d’ICI RDI a reconnu son erreur hier. « À un certain moment de la soirée, il est clair qu’on aurait dû décréter une émission spéciale. Nous avons fait une rétroaction des événements à l’interne avec les équipes concernées pour comprendre ce qui s’est passé », m’a répondu Marc Pichette, des communications de
Radio-Canada, qui n’a pas voulu en dire davantage sur les conclusions de cette rencontre.

Je n’ai pu m’empêcher de penser au ratage autour de l’incendie du Manège militaire, à Québec, en 2008. C’était un vendredi, en fin de soirée, les journalistes étaient disponibles, mais RDI n’a pas voulu d’images en direct. On avait été moins sélectif l’année précédente, quand La Maison du rôti, sur Mont-Royal, avait été rasée par les flammes ; on avait tout vu.

En dehors du 9 à 5, les chaînes d'information continue ferme la switch sur les nouvelles hors Montréal.

Dans le cas de mercredi, je ne crois pas qu’on puisse attribuer l’impair aux récentes compressions, mais simplement à un manque de jugement. LCN peut plaider qu’elle n’a pas de journalistes à Moncton, mais RDI en a plein, qui ont dû accomplir leur travail sur les réseaux sociaux, faute d’avoir les ondes pour le faire. Insensé. Croyez-moi qu’ils rageaient de ne pouvoir faire leur boulot comme il se doit. Céline Galipeau a animé son Téléjournal d’hier en direct de Moncton, ce qui ne donne pas grand-chose de plus, entre vous et moi. Et on a envoyé le journaliste de Montréal Thomas Gerbet sur les lieux pour la radio, alors que l’équipe en place peut très bien faire le travail.

Les réseaux sociaux se sont enflammés mercredi soir devant l’inertie des chaînes d’info continue. « Je croyais que nous avions des services de “nouvelle continue” en français maintenant », a ironisé le maire de Montréal, Denis Coderre, sur Twitter. L’auteur Daniel Thibault avait un tout autre avis : « On se plaint du manque de couverture à Moncton. Est-ce si grave ? La médiatisation à outrance de ces tragédies en entraîne parfois d’autres. »

La décision de Radio-Canada de jouer profil bas la semaine dernière avec l’histoire du bébé enlevé à Trois-Rivières avait déjà soulevé l’indignation de plusieurs. C’est pourtant sa médiatisation qui a contribué à retrouver la suspecte. Je ne suis pas du camp soutenant qu’un diffuseur public n’a pas à accorder autant de temps d’antenne à un « fait divers ». La tuerie de mercredi dépasse le fait divers : toute une population a été prise en otage. Il est question de vies humaines, et un service public comme Radio-Canada se doit d’informer autant la population locale que le reste du pays des risques et de chaque fait nouveau.

Autant LCN que RDI se sont bien reprises hier, chacune en émission spéciale une bonne partie de la journée. Mais pourquoi une nouvelle mériterait-elle une couverture en direct toute la journée du lendemain et pas le soir même, au moment où le drame vient de se produire et qu’un tireur fou se promène dans la ville ? L’information continue existe justement pour nous tenir au courant des événements à l’instant où ils se passent, pas le lendemain.

Le premier réflexe quand on apprend qu’un tel drame s’est produit est de se brancher sur LCN ou RDI dans le but d’y trouver l’information qu’on attend. Mercredi soir, même notre diffuseur public a échoué dans cette mission.

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