Femmes en politique

« Il faut faire nos preuves deux fois plus », dit Pauline Marois

Les deux poids, deux mesures pour les femmes – le fameux « double standard » –, l’ex-première ministre du Québec Pauline Marois l’a constaté « presque à tous les jours » de sa carrière politique. Et si elle n’avait aucune envie d’aller travailler en coton ouaté comme l’a fait la députée solidaire Catherine Dorion, elle estime qu’encore aujourd’hui, les femmes – en politique comme ailleurs – sont jugées sur leur apparence plutôt que sur ce qu’elles ont à dire.

Mardi, devant près d’un millier de jeunes de cinquième secondaire de la Rive-Sud de Montréal réunis pour l’entendre, Pauline Marois n’a pas esquivé la question d’une élève : sommes-nous plus durs envers les femmes qui occupent des postes de pouvoir, comme l’affirmait récemment la mairesse de Montréal Valérie Plante ?

« Quand on regarde les exigences que l’on pose aux femmes politiques, on a toujours l’impression qu’il faut en savoir deux fois plus que les hommes, qu’il faut faire nos preuves deux fois plus. Combien de fois je me suis retrouvée dans des situations où je sentais qu’on exigeait davantage de moi que mon collègue à côté, qui pourtant n’avait pas plus de connaissances et de compétences que moi ? », a déclaré Pauline Marois.

Devant les élèves, elle est revenue sur sa nomination à la tête du Parti québécois à sa troisième tentative, en 2007.

« J’ai été chef de parti, a dit Pauline Marois sans nommer le parti en question. Je sentais que mes collègues m’aimaient beaucoup comme collègue, mais n’étaient pas sûrs de me vouloir comme patronne. Pas parce que je n’étais pas fine, mais c’est un peu gênant, une femme qui va diriger une équipe, un parti politique, qui va être à la tête d’un gouvernement. »

Il en a été ainsi chaque fois qu’elle a eu un « nouveau défi » à relever.

« On me regardait en disant : “Va-t-elle être capable ? Parce que c’est quand même une femme…” Comme s’il y avait toujours un doute. »

— Pauline Marois

Plus tôt, elle avait rappelé aux élèves que lorsqu’elle s’est présentée comme députée en 1981 à la demande de René Lévesque, elle était « sur le point d’accoucher ».

« Je savais qu’il y aurait des moments éprouvants, des attaques injustes. Je savais que pour une femme, l’engagement politique est encore plus difficile que pour un homme. J’ai quand même dit oui et jamais, jamais, je ne l’ai regretté », a-t-elle dit, exhortant les élèves présentes à « foncer ».

Alexia Ratté et Noémy Dussault en ont pris note. « C’était vraiment inspirant et ça nous rejoignait, nous, les filles. Ça nous donne confiance pour faire ce qu’on veut faire, pour atteindre nos buts », a déclaré Noémy Dussault.

« Ils vont peut-être m’écouter »

Et le coton ouaté de la députée de Québec solidaire Catherine Dorion, qui a tant fait jaser dans les derniers jours ? « On met beaucoup trop d’attention sur ce débat, a déclaré Pauline Marois en marge de sa conférence. Il y a un certain décorum à avoir à l’Assemblée nationale, c’est comme ça, mais on peut dire bien des choses à l’Assemblée nationale et sortir du carré de sable. Je pense [que Catherine Dorion] est pas mal capable de prendre la parole et de sortir de ce carré de sable-là. »

À Tout le monde en parle, dimanche, la députée de Taschereau a estimé qu’il est « dommage » qu’elle se soit fait dire « rentre dans ton petit carré de sable, laisse pas un fil dépasser, fais comme les autres, rentre dans le rang ».

Pauline Marois n’a jamais été à l’abri des commentaires sur son apparence. « On a regardé mes vêtements, mes foulards, mes tailleurs. Assez que j’ai fait exactement ce [que Catherine Dorion] ne veut pas faire. J’ai décidé que je m’habillerais toujours à peu près de la même façon.

« J’ai éliminé les foulards, cessé d’avoir des bijoux plus voyants – c’était des bijoux bien ordinaires. Comme ça, je me suis dit : ils vont arrêter de me regarder et ils vont peut-être m’écouter. »

— Pauline Marois

Devant les élèves, elle avait ajouté qu’on « ne fait jamais ça aux hommes en politique ou ailleurs – ou si peu –, alors que nous, au lieu d’écouter ce qu’on a à dire, on va mettre l’accent sur ce dont on a l’air ».

De là à conseiller la députée de Québec solidaire, il y a un pas qu’elle ne franchit pas. « À elle de prendre ses décisions », dit Pauline Marois.

Loi 21

C’est à l’invitation de la Commission scolaire Marie-Victorin que celle qui est devenue, en 2012, la première femme élue à la tête de la province a donné une conférence sur le thème « Citoyennes et citoyens de demain ». Dans le cadre de leur cours « Monde contemporain », les élèves avaient préparé des questions sur l’environnement, la démocratie, les femmes en politique et l’immigration.

Lorie-Anne Leblanc, 16 ans, avait particulièrement hâte d’entendre Pauline Marois sur la question de la laïcité. La loi 21 est-elle discriminatoire ?

« Est-ce qu’elle va chercher ses mots ou se mélanger ? Je veux des réponses concrètes, ce sont des questions qui touchent beaucoup de gens dans mon école, c’est vraiment multiculturel », dit-elle. L’école secondaire Gérard-Filion de Longueuil compte des élèves issus d’une soixantaine de communautés culturelles.

C’était sans compter sur l’expérience de Pauline Marois, qui a estimé que l’« État doit être neutre ». « C’est ça l’essentiel de ce qu’on a voulu faire avec la loi 21 et j’avais travaillé dans ce sens-là par le passé lorsque j’étais première ministre. Ça n’enlève rien au fait que le Québec soit inclusif, au contraire », a dit Mme Marois. « Vous pouvez ne pas être d’accord », a-t-elle conclu.

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