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ENVIRONNEMENT
L’aménagement du territoire, notre patrimoine commun

L’été qui tire à sa fin laisse derrière lui des dizaines de morts, victimes d’épisodes de canicules historiques qui sont appelés à se reproduire dans les prochaines années.

Après les inondations majeures de 2011 et de 2017, le réveil a maintenant sonné trois fois : nos villes sont vulnérables aux changements climatiques et nous ne pouvons plus ignorer les conséquences de nos choix de développement sur la santé humaine, la sécurité civile et l’environnement. Malheureusement, l’aménagement responsable de notre territoire occupe trop peu de place. Combien de temps encore niera-t-on le problème ?

L’aménagement du territoire est notre première ligne de défense face aux changements climatiques.

C’est par un aménagement bien planifié que nous pouvons réduire les émissions de gaz à effet de serre en créant des milieux de vie favorables à des modes de déplacement durables.

L’aménagement est aussi la clé pour protéger la biodiversité et rendre nos collectivités plus résilientes et mieux adaptées aux conséquences des changements climatiques, qu’il s’agisse d’inondations, d’érosion ou de vagues de chaleur. Les événements des dernières années ont démontré notre vulnérabilité aux événements météorologiques extrêmes et souligné à grands traits que le laisser-faire en aménagement se paie très cher.

Faire mieux, pas l’inverse

Ce n’est donc pas le moment d’abaisser les attentes en matière d’aménagement du territoire. Les besoins immédiats pour un développement immobilier à bas prix ou pour de nouvelles sources de revenus ne doivent pas avoir le dessus sur notre survie collective à moyen terme. On assiste pourtant à une surenchère de pressions sur les terres agricoles et les milieux naturels, assortie d’une multiplication des demandes de parachèvements autoroutiers visant à alimenter un développement urbain désordonné qui va à l’encontre de l’impératif climatique.

Malgré une protection législative depuis des décennies, le territoire agricole continue de faire l’objet de convoitise et d’une spéculation incessante.

Dans la grande région de Montréal, le consensus sur le plan métropolitain d’aménagement et de développement a heureusement permis d’éviter ces dernières années le dézonage à des fins de développement. Les terres agricoles demeurent toutefois trop souvent considérées comme des espaces « en attente d’urbanisation », dans les grandes comme dans les petites villes.

La situation est aussi préoccupante en ce qui a trait aux milieux naturels qui sont l’objet de pressions constantes. C’est particulièrement vrai pour les milieux humides dont la protection se voit constamment remise ou édulcorée sous la pression des promoteurs et du milieu municipal.

L’occupation du territoire ne peut plus se faire en dilapidant le patrimoine naturel des prochaines générations, en mettant en jeu notre sécurité alimentaire et en alourdissant notre bilan carbone. Le virage que nous avons à prendre pour combiner qualité de vie et résilience est un virage majeur qui implique l’ensemble des collectivités du Québec.

Pour faire les changements de pratiques nécessaires en aménagement du territoire, les villes et les villages auront besoin de l’appui de l’État.

Fixer les balises de protection du territoire à l’échelle nationale est la seule façon de faire cesser ces tendances qui durent depuis des décennies et qui se nourrissent d’une concurrence délétère entre des municipalités sujettes à la pression des promoteurs. Bien que la décentralisation soit parfois souhaitable pour assurer un développement adapté aux besoins locaux, céder aux municipalités la pleine autonomie en aménagement serait un cadeau empoisonné qui mènerait inévitablement à une aggravation de nos vulnérabilités.

L’aménagement de notre territoire doit être un enjeu électoral : c’est notre patrimoine commun et celui des générations qui nous suivront. Utilisons-le de façon responsable. C’est le défi que nous devons collectivement nous donner.

* Signe également ce texte Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville.

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