Services internet

Les nouvelles règles du CRTC décriées

Après la téléphonie mobile et la télévision, le CRTC a publié hier un troisième « Code », destiné cette fois à la protection des clients des services internet. Conçu à la hâte, celui-ci comporte d’importantes lacunes, selon des associations de consommateurs.

« Un piège pour les consommateurs », « de la complète merde », « une arnaque totale »… Le directeur du Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC), John Lawford, ne mâche pas ses mots pour décrire le nouveau Code sur les services internet.

Son groupe, qui participe généralement à toutes les audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) mettant en cause le consommateur, a boycotté le processus ayant mené à l’élaboration du Code, en raison des délais trop serrés imposés par l’organisme réglementaire.

Le nouveau régime entrera en vigueur le 31 janvier 2020. Il ne s’appliquera qu’aux 10 plus grands fournisseurs d’accès internet au pays, auprès desquels 87 % des ménages canadiens sont abonnés, selon le CRTC. Au Québec, cela comprend Bell, Cogeco, Vidéotron, Telus et Xplornet.

À peine 3 % des ménages préfèrent de plus petits fournisseurs, les 10 % restant n’étant pas abonnés à l’internet, selon le CRTC.

« Il y a des différences considérables entre les contrats des grands et des petits fournisseurs », a justifié une porte-parole du CRTC, Patricia Valladao. Les plaintes concernant les services internet acheminées à la Commission des plaintes relatives aux services de télécom (CPRST) ne concernent par ailleurs que très rarement les petits fournisseurs, selon elle.

Peu pour les Québécois

Moins tranchée que M. Lawford, l’analyste en télécommunications de l’Union des consommateurs, Anaïs Beaulieu-Laporte, note que le nouveau code n’apportera à peu près rien de neuf aux consommateurs québécois, déjà protégés par la Loi sur la protection du consommateur pour tout ce qui a trait à ce qui doit être inclus au contrat ou la remise obligatoire d’un exemplaire de celui-ci, par exemple.

« C’est assez décevant. Il y a quelques éléments positifs, comme des avis lorsqu’on approche de notre limite de consommation mensuelle, mais ce sont de petits éléments. »

— Anaïs Beaulieu-Laporte, analyste en télécommunications de l’Union des consommateurs

Comme M. Lawford, elle s’étonne de constater « des différences difficilement compréhensibles avec le Code sur les services sans fil ». C’est notamment le cas en ce qui concerne les pénalités en cas de fin anticipée du contrat, les frais liés au dépassement de la limite mensuelle ou les changements de prix en cours de contrat (voir ci-contre).

À la hâte

La consultation ayant mené à l’établissement de ce code s’est déroulée de façon accélérée.

« Dans le futur, idéalement, nous aurons un seul code qui regrouperait tout, concède Mme Valladao. Mais nous voulions offrir quelque chose aux consommateurs rapidement, avant les élections. »

« Toutes les associations de consommateurs, à l’exception, merci, de l’Union des consommateurs, ont été incapables d’y participer, rage M. Lawford. Le CRTC n’a reçu qu’environ 400 avis du public, alors qu’il en reçoit généralement des milliers, et a même dû organiser une deuxième vague par Facebook parce qu’il n’en avait pas reçu assez. Facebook ne se prête généralement pas très bien à un processus de ce genre. »

Un consommateur jugeant que son fournisseur agit en contravention du nouveau code doit d’abord tenter de régler la situation avec lui, puis s’adresser au CPRST, explique-t-on. Ce dernier peut imposer au fournisseur un remboursement, la correction d’une erreur de facturation ou le versement d’un dédommagement pouvant atteindre 5000 $.

Bell et Vidéotron n’ont pas réagi à la publication du nouveau code, hier, préférant prendre le temps de bien l’analyser.

Cinq pertes pour le consommateur selon le PIAC

Changement de prix

Le Code sur les services internet permet des contrats durant lesquels les prix changent, en raison de périodes promotionnelles, par exemple, ce que ne fait pas le Code sur les services sans fil. « La seule chose, c’est que le consommateur doit recevoir au début un avis qui explique clairement le prix durant toute la durée du contrat », selon John Lawford, du Centre pour la défense de l’intérêt public. Il va y avoir des milliers de plaintes à la Commission des plaintes relatives aux services de télécom, comme avant, mais cette fois, les gens vont tous perdre, avance-t-il.

Pas de limite

Alors que le Code sur les services sans fil impose un plafond aux frais d’utilisation excédentaire mensuels, ce n’est pas le cas pour internet. Le nouveau code impose seulement la transmission d’avis quand le consommateur atteint 75 %, 90 % et 100 % de sa limite mensuelle.

Les petits

Les petits fournisseurs internet auraient tort de se réjouir d’échapper au Code, selon M. Lawford. « Les gros vont dire aux gens : “Les petits n’ont pas à suivre le Code, restez avec nous.” »

Vitesse

« Il n’y a rien sur les vitesses annoncées, dénonce M. Lawford. C’est le motif de plainte le plus fréquent, après les prix. »

Il aurait aimé que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes empêche les fournisseurs d’annoncer la vitesse théorique maximale de la connexion, plutôt qu’une vitesse plus réaliste, par exemple la moyenne.

Frais d’annulation

Le nouveau Code comporte des dispositions pour limiter les frais imposés par les fournisseurs en cas de rupture de contrat, mais ils comportent au moins une brèche évidente, selon M. Lawford. Ces frais sont limités dans la plupart des cas au remboursement de l’équipement prêté. Or, il est facile pour un fournisseur de gonfler cette valeur, juge-t-il, d’autant que le consommateur ne peut généralement pas acheter directement ces équipements.

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