Portfolio

L’université, une pépinière d’entreprises

Google, Yahoo!, Dropbox et Facebook sont tous nés sur des campus universitaires, des lieux qui regorgent d’idées ne demandant qu’à être commercialisées. Les incubateurs d’entreprises y poussent d’ailleurs comme des champignons depuis 15 ans.

Le local de District 3, l’incubateur d’entreprises de l’Université Concordia, est grouillant d’activités. Les murs sont couverts d’idées et de chiffres. Une vingtaine de personnes, regroupées par équipe, pianotent sur leur portable. Parmi eux, des diplômés et des étudiants de l’établissement, mais aussi des entrepreneurs en herbe venus d’ailleurs.

Certains conçoivent des vêtements de sport intelligents. D’autres imaginent le soutien-gorge parfait. Un petit groupe en biosynthétique a même l’ambition de réinventer le THC, la principale molécule active du cannabis.

« On leur offre un écosystème où ils trouvent à la fois des gens de bon conseil qui ont plus de 30 ans d’expérience dans le milieu des affaires, des étudiants de différentes disciplines qui leur donnent un coup de main, des laboratoires et un réseau d’experts en financement, en comptabilité, en services juridiques, etc. », explique le directeur de District 3, Xavier-Henri Hervé.

Cette manne de ressources aide à se lancer en affaires. « Ça m’a épargné une année de travail », déclare François Poirier, 34 ans, créateur de MakerBloks, un jeu de blocs de construction servant à construire des circuits électroniques.

Les incubateurs universitaires n’ont rien de nouveau. Le Massachusetts Institute of Technology a inauguré le sien en 1945. Au Québec, ils sont apparus au début des années 1990 avec Entrepreneuriat Laval à l’Université Laval. La tendance s’est accélérée au tournant des années 2000, tant ici qu’ailleurs dans le monde.

« Ces incubateurs révèlent une évolution majeure des universités. Après l’enseignement et la recherche, ces établissements ont adopté une troisième mission : participer au développement économique de leur ville, région ou pays en valorisant leurs résultats de recherche pour en faire des applications pratiques. »

— Philippe Barré, professeur à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal

Pour Robert Dumontet, directeur du Centech à l’École de technologie supérieure, les incubateurs universitaires ont ceci de particulier qu’ils se trouvent dans un environnement « où la créativité est à fleur de peau et où le savoir et le savoir-faire sont à portée de main ».

UN POTENTIEL SOUS-EXPLOITÉ

En effet, les universités ont un potentiel d’innovation extraordinaire, mais celui-ci demeure encore sous-exploité, constate Philippe Barré. « Les chercheurs et les étudiants y développent des technologies à un rythme effréné, mais elles ne sont pas forcément commercialisées, constate-t-il.

«Leurs découvertes sont tellement en avance sur le marché que peu d’entreprises, à l’exception des très grosses, sont prêtes à les acheter. Ce sont donc les chercheurs qui doivent les faire connaître. »

Le problème, c’est que les universités québécoises n’ont pas encore de mécanismes efficaces pour assurer le transfert des fruits de la recherche vers le marché. « C’est une question de culture », croit Jean Choquette, directeur à la planification stratégique et aux relations gouvernementales à Polytechnique Montréal, qui a démarré l’incubateur J.-Armand-Bombardier, également propriété de l’UdeM.

« Les grandes universités américaines ont le souci de travailler avec les entreprises, alors que chez nous, ça ne fait que commencer, poursuit-il. On a aussi besoin de financement, chose qui n’est pas facile dans le milieu universitaire ces temps-ci. »

Qu’à cela ne tienne, les universités se lancent dans l’aventure de l’incubation d’entreprises comme elles le peuvent. « Parce qu’on espère, ultimement, que les compagnies incubées créeront de la richesse collective », explique Robert Dumontet.

QUATRE INCUBATEURS D'ENTREPRISES D'UNIVERSITÉS

CENTECH

Situé à l’École de technologie supérieure, le Centech aide au démarrage d’entreprises technologiques manufacturières. Le centre accueille les étudiants selon certains critères, entre autres la nécessité d’avoir une équipe multidisciplinaire. Cette année, l’incubateur deviendra aussi un accélérateur de croissance afin d’augmenter le nombre de moyennes entreprises technologiques manufacturières au Québec. 

L’INCUBATEUR J.-ARMAND-BOMBARDIER

Cet incubateur valorise les technologies développées sur le campus de l’Université de Montréal. « Nous cherchons à stimuler la fibre entrepreneuriale de nos étudiants », dit Jean Choquette, responsable de l’incubateur. Une entreprise incubée fait parler d’elle : Castor Optics, fondée par deux professeurs qui ont mis au point une technologie qui pourrait améliorer la détection de certains cancers.

DISTRICT 3

District 3 accepte tous les intéressés, qu’ils aient un lien avec l’Université Concordia ou non. « Nos entrepreneurs ont besoin de prototyper très vite», dit le directeur, Xavier-Henri Hervé. District 3 a aidé l’entreprise derrière l’application Airborne qui fait visiter virtuellement des villes nord-américaines à travers les yeux de célébrités locales.

ENTREPRENEURIAT LAVAL

Doyen des incubateurs universitaires au Québec, ses services s’adressent à la communauté de l’Université Laval. Depuis 1993, l’incubateur a aidé à démarrer 666 entreprises et contribué à la création de 1359 emplois. « Nous avons mis en place toutes sortes d’outils pour mieux aider nos incubés, dont un programme de mentorat », indique Yves Plourde, PDG d’Entrepreneuriat Laval.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.