Chronique

Guylaine Tremblay en garde partagée

Pour une chaîne de télévision québécoise, attacher Guylaine Tremblay à une nouvelle série, c’est comme « signer » un joueur de concession au hockey.

Parce que Guylaine Tremblay – la Connor McDavid du petit écran – est l’artiste chouchoute des Québécois. En plus de rafler tous les prix du public, Guylou récolte également tous les trophées décernés par ses pairs de l’industrie du cinéma et de la télé.

Elle joue aussi bien le drame déchirant que la comédie pétillante. Et quand elle mène ses entrevues pour Banc public à Télé-Québec, elle ne feint pas la compassion, elle s’intéresse sincèrement à ses invités.

En coulisse, vous n’entendrez jamais de vilains ragots à propos de celle qui incarne Marie Lamontagne depuis cinq saisons dans Unité 9. Ses camarades de travail l’apprécient et la respectent. Bonus : Guylaine est également disponible pour animer des galas du cinéma !

Bref, on pourrait pratiquement la rebaptiser sainte Guylaine.

Ce n’est pas pour rien que TVA se pète les bretelles d’avoir recruté Guylaine Tremblay dans sa nouvelle comédie familiale En tout cas, signée par l’auteure et chroniqueuse Rafaële Germain. Le tournage des 10 épisodes de 30 minutes débutera à l’automne, pour une diffusion en 2018.

On y suivra Danielle (Guylaine Tremblay), une mère de famille ayant toujours habité en région qui déménage à Montréal pour se rapprocher de ses deux grands enfants. Rien d’autre n’a filtré.

Évidemment, tout ce qui concerne TVA passe dorénavant par un Politburo directement connecté sur Le Journal de Montréal, un quotidien qui prend la dictée officielle avec beaucoup d’enthousiasme.

Hier, ma demande d’entrevue avec Rafaële Germain a été déclinée par TVA sans aucune raison valable. J’ai, bien sûr, contacté directement Rafaële, qui m’a renvoyé, elle aussi, aux services des (non-)communications de TVA.

Scénario identique du côté de l’agent de Guylaine Tremblay, Christian Lebel, qui a redirigé le trafic vers TVA, où tout bloque, sans surprise, à moins de bosser pour une des multiples branches de l’Empire.

Ça m’étonne qu’un électron libre comme Rafaële Germain, qui collabore, entre autres, aux pages Débats de La Presse, se soumette aussi docilement à ces restrictions ridicules de TVA. Récemment, on l’a entendue éviscérer le chroniqueur Richard Martineau – pourtant une tête d’affiche de Québecor Média – sur les ondes de Médium large à Radio-Canada. À cet instant précis, ses accointances professionnelles n’interféraient pas dans sa prise de parole publique.

Là, j’appelle l’auteure pour une banale entrevue pas du tout controversée sur sa nouvelle série et elle se réfugie, sans rouspéter, derrière la ligne du parti de l’entreprise dirigée par PKP. C’est assez ridicule, merci. C’est surtout décevant venant d’une femme au franc-parler comme Rafaële Germain, qui a toujours été libre d’attache.

Faut-il rappeler à TVA qu’il manipule une montagne d’argent public, puisé à même vos taxes et impôts ?

Faut-il redire que les artistes n’appartiennent à aucun réseau, malgré le marquage évident pratiqué par TVA ?

Selon mes espions, cette stratégie convergente de « mes vedettes, mes programmes, mes affaires » mise de l’avant par TVA ne plaît pas à tous les hauts gradés de la boîte, qui poussent pour que l’on parle de leurs émissions ailleurs que dans Le Journal de Montréal ou Échos Vedettes. Plus de visibilité égale plus de téléspectateurs. Il me semble que ça ne prend pas un stage de six ans à la Caisse de dépôt pour comprendre ça.

Cet été, le plateau de tournage de Blue Moon 3 n’a été accessible qu’aux « journalistes » affiliés à Québecor Média. Les autres médias, dont La Presse, n’ont jamais été invités. Par contre, regardez bien l’armée de relationnistes-robots nous courir après quand la télésérie de Luc Dionne sortira sur le Club illico cet automne. Voulez-vous faire une entrevue avec Karine Vanasse ? Allez-vous assister au visionnement ? Dites oui, dites oui !

La situation actuelle nous ramène exactement à l’hiver 2003, où tout ce qui touchait la première mouture de Star Académie ne sortait pas des frontières de Québecor, qui exerçait un contrôle hyper serré sur son produit.

Pour en revenir à Guylaine Tremblay, c’est Unité 9 et ses cotes d’écoute de 2 millions d’accros qui a cimenté son statut de star. Pendant son séjour prolongé à Lietteville, TVA a bien tenté de ramener l’actrice dans son giron en lui offrant un rôle épisodique (celui d’une juge) dans Toute la vérité, mais la force d’attraction d’Unité 9 était imbattable.

L’embauche de Guylaine sur En tout cas de TVA ne compromet pas sa participation à Unité 9 de Radio-Canada, me dit-on. Parfait. Peut-être que cette garde partagée permettra à TVA d’apprendre à être moins possessif avec « ses » têtes d’affiche. On l’espère, mais on n’y croit pas tellement.

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