Sans filtre

Ma mère représente tout à mes yeux

Après deux saisons avec les Tiger-Cats de Hamilton, Byron Archambault a annoncé sa retraite sportive en janvier 2017. Il a accepté un poste avec les Carabins de l’Université de Montréal, son alma mater, où il est aujourd’hui coordonnateur des unités spéciales et entraîneur des secondeurs. Il commencera aussi son MBA dans la prochaine année. Pour un gars de LaSalle, qui a grandi dans une famille monoparentale sans grands moyens, ce genre de parcours universitaire et sportif était plutôt improbable. Il le doit à sa mère, Lucie Archambault, qui a fait tous les sacrifices pour lui et sa sœur. Il lui rend hommage pour la fête des Mères.

J’ai commis un vol quand j’avais 9 ou 10 ans. Vous me direz que c’est jeune, peut-être, mais à LaSalle, j’avais des amis qui vendaient de la drogue à 12 ans. Ils se promenaient avec des baggies, les poches pleines d’argent. C’est à cet âge-là que ça se passe, tes premiers petits vols, tes premiers graffitis inutiles, tes premières mauvaises fréquentations.

Tu vois qu’il y a un moyen, parfois, de contourner le système. Sauf que très tôt, ma mère m’a fait comprendre quel chemin emprunter. J’ai un oncle policier. Comme je viens d’une famille monoparentale, ma mère occupait tous les rôles. Mais quand j’ai commencé à être influencé négativement, ma mère a senti le besoin d’aller chercher de l’aide ailleurs. Cette aide-là, c’était mon grand-père et mon oncle.

Il y avait des Lego à l’école que je voulais, mais je savais très bien qu’on n’avait pas l’argent pour les acheter. Je les ai donc volés. Je les ai cachés dans ma chambre, en me disant bien innocemment que ma mère n’allait pas reconnaître les Lego qu’elle avait achetés et ceux qu’elle n’avait pas achetés…

Elle a fini par s’en rendre compte, évidemment. En plus, sur le coup, je lui ai menti et j’ai commencé à sacrer. Elle sentait qu’elle perdait peut-être un peu le contrôle. Elle a appelé mon oncle. Il a dit : OK, je m’en charge, mais ce sera fait à ma manière. Un jour, tout bonnement, elle m’a annoncé qu’on s’en allait chez mon oncle. Super ! Il avait un BBQ, une piscine, la journée s’annonçait bien. Je n’étais pas prêt pour ce qui s’en venait.

Il faut savoir qu’à mes yeux, rien n’était plus important que de rendre mon grand-père, mon oncle et ma mère fiers de moi. Rendus chez mon oncle, ils ont réuni toute la famille dans le salon. Ils étaient 10 devant moi, mes grands-parents, mes cousines, ma sœur, ma mère. J’étais seul sur une chaise devant eux. Imaginez la scène, moi, tout jeune, seul, devant toute ma famille.

Mon oncle a commencé à parler. « Je passe mes journées à risquer ma vie pour rendre notre ville meilleure pour ma famille. Tout ça pour arrêter des criminels et il y en a un dans ma propre famille. Un criminel qui vole et qui ment. »

Et il en a rajouté encore et encore et encore… Croyez-moi, je n’ai plus jamais touché à ça, les petits crimes. Ma mère m’a déjà dit que pour bien élever un enfant, tu dois savoir le manipuler. J’avais trouvé ça dur sur le coup. J’ai fini par comprendre qu’elle voulait plutôt dire guider, que ce n’était pas négatif. Chaque fois que j’avais des mauvaises fréquentations, elle les éloignait de moi.

Je vous ai dit un peu plus tôt que je viens d’une famille monoparentale. Je n’ai pas connu mon père. Ma mère représente tout à mes yeux. Je ne me serais jamais rendu là où je suis sans elle. Rester à l’école, graduer, poursuivre mes études vers le MBA, jouer au football professionnel, gagner un championnat à l’université, devenir entraîneur avec les Carabins. Je la vois partout, toujours, derrière chacun de mes accomplissements.

Chez nous, on n’avait pas d’argent. Quand même, ma mère nous donnait tout ce qu’elle avait, à ma sœur et moi, pour qu’on ne manque de rien. Elle a fait tellement de sacrifices. Après Noël, on mangeait des pâtes pendant deux mois parce qu’elle nous avait trop gâtés. Elle a mis sa vie de côté complètement pour nous. Elle a eu un chum quand j’étais jeune, je ne l’ai pas aimé et elle l’a laissé. Elle n’en a jamais eu un autre. Quand tu parles de quelqu’un qui s’est sacrifié pour ses enfants, il n’y a pas un plus beau modèle que Lucie Archambault.

Quand j’étais jeune à LaSalle, ce n’était pas une priorité de réussir à l’école. Moi, malgré tout, j’avais cette obsession de vouloir finir premier dans tout. Ça vient d’elle. Si je n’avais pas 100 %, si je faisais des erreurs, ma mère déchirait mes devoirs et me forçait à recommencer. Ce qui vaut la peine d’être fait vaut la peine d’être bien fait. Elle me le répétait sans cesse.

Ma mère s’était aussi rendu compte que je n’apprenais pas assez pour être admis à l’école privée au secondaire. Elle ne voulait pas que j’aille à l’école publique avec mes mauvaises fréquentations. Elle m’a donc retiré de l’école pendant trois mois. Mon grand-père est devenu mon tuteur.

Ce que je me rappelle du primaire, c’est lui qui me l’a enseigné. Être admis au collège Notre-Dame, une école privée reconnue, quand tu viens de Terre-des-Jeunes à LaSalle, ça ne se fait pas tout seul. Ce n’est pas l’école qui m’a formé, c’est elle.

J’ai fait le test d’admission à Notre-Dame et j’ai fini parmi les meilleurs. Ça m’a donné une bourse d’études. Je ne l’aurais jamais obtenue sans ses décisions, si elle n’avait pas déchiré mes devoirs quand je n’avais pas 100 %.

Comprenez-moi bien, LaSalle, je ne veux pas rendre ça pire que c’est. C’est un milieu modeste, industriel, que j’adore. Je le tiens en très haute estime. Je veux seulement dire qu’il y a eu des influences négatives autour de moi. Ma mère m’a forcé à rester loin de ça, à me concentrer sur les sports. Elle savait ce qui était bon pour moi.

J’ai joué au hockey et au football à Notre-Dame, au hockey à LaSalle, au soccer et au baseball l’été. J’étais dans cinq équipes sportives, ma sœur dans trois. Comment on se rendait à nos pratiques sportives, vous pensez ? Comment on payait nos équipements ? Tout ça, c’est elle.

C’est pour ça que ma sœur et moi caressons un projet depuis plusieurs années. Il est né quand j’avais 10 ans. On était en vacances et ma mère m’a dit à quel point elle aimerait avoir une petite maison sur le bord de l’eau. J’étais jeune, mais je lui ai promis qu’on allait lui offrir cette maison, un jour. C’est resté. Ma sœur a terminé son DEP en dessin de bâtiment et sa formation en plomberie. On est en train de faire des plans pour lui construire le chalet de ses rêves. J’ai toujours su qu’un jour, on allait l’aider à avoir exactement ce qu’elle voulait pour sa retraite. On lui doit bien ça.

Danny Maciocia

Mon entourage n’a toujours voulu que mon bien. Malgré tout, j’ai mal approché le processus de recrutement au moment de jouer au football universitaire. Jouer au Canada, pour moi, c’était un échec. Je voulais aller aux États-Unis. Je croyais à l’époque que rester loin de Montréal aiderait à mon développement. Je pensais m’écarter de distractions. J’avais tellement tort. Je me serais coupé de plein de gens qui voulaient m’aider.

J’ai reçu des bourses pour aller aux États-Unis, mais je n’ai jamais pu y aller en raison d’une erreur administrative. J’ai fini par choisir l’Université de Montréal.

Au début, je me faisais dire par tout le monde que Danny Maciocia allait retourner dans la LCF, qu’il ne resterait pas avec les Carabins. Il faut savoir que j’ai développé un fort lien avec Danny dès le premier jour. Danny, tôt, m’a fait des promesses qu’il a respectées. J’ai un respect incroyable pour lui et ça ne s’en ira jamais.

Il m’a dit au moment du recrutement qu’il resterait là pendant mes quatre années. Il m’en avait fait la promesse. C’est ce que je recherchais, un environnement stable. J’allais dans son bureau, je lui parlais de l’ambiance de l’équipe, des choses à améliorer. Je n’avais pas peur de lui parler et il encourageait ça. On a bâti une belle relation. Il m’a aussi aidé académiquement, pour m’inscrire à des programmes, à des bourses. Je lui dois beaucoup.

Mais Danny étant Danny, avec sa réputation, ils étaient plusieurs à le vouloir dans leur équipe. Après la saison 2013, où on avait perdu en finale du Québec, Danny m’a appelé. Il venait de recevoir une offre incroyable pour retourner dans la LCF. Le genre d’offre que tu ne refuses pas. Il voulait savoir ce que j’en pensais, s’il devait l’accepter.

J’étais dans le salon chez ma mère et j’ai été franc avec lui. « Tu sais, Danny, c’est une belle opportunité, je suis reconnaissant que tu m’appelles pour m’en parler. Je vois à quel point on se respecte. » Vous voyez, c’est le genre de gars qu’il est. Il s’est rappelé que dans son équipe, il avait fait une promesse à un jeune et il a décidé de l’appeler.

J’ai continué. « Pour la promesse, je fais la paix avec ça, si tu veux accepter l’offre, fais-le. Mais nous, cette année, on va gagner, avec ou sans toi. J’ai juste peur que tu te retournes et que tu te dises que tu aurais pu faire partie de ça. Si tu veux partir, pars. Mais ne sois pas jaloux parce qu’on a réussi. Ne sois pas surpris de nous voir dans le journal avec le trophée. »

Ma mère me regardait, stupéfaite. Elle aime tellement Danny. Je croyais pourtant que c’était ce que je devais lui dire pour qu’il reste. Et on a gagné la Coupe Vanier, ensemble, l’année suivante. Je ne dis pas que je suis le seul qui l’ait convaincu de rester, mais j’y ai peut-être contribué. On en a reparlé après la victoire. On trouvait ça drôle parce que ça démontrait le genre de relation qu’on avait bâtie. Il m’a toujours bien guidé et il le fait encore aujourd’hui dans mes fonctions d’entraîneur avec les Carabins. Je le respecte énormément.

Mais au fond, si j’ai rencontré un gars comme Danny, c’est d’abord grâce à ma mère. C’est elle qui m’a poussé vers le sport. Les parents ignorent parfois à quel point le sport peut sauver des vies. Vous permettez à vos enfants de côtoyer d’autres gens qui priorisent l’effort. Ce sont de belles valeurs.

Avec ce texte, je ne veux pas faire un portrait de Byron Archambault. Je ne suis pas là dans ma vie. Je veux seulement rendre hommage à ma mère, et à tous les parents qui ont fait comme elle. Merci, maman, pour tout ce que tu as fait pour moi.

Aux jeunes qui lisent, sachez que même si vos parents vous tombent sur les nerfs, il y a une raison pour laquelle ils font ce qu’ils font. J’aurais pu tôt dans ma vie tomber dans le piège et prendre le chemin facile. Ma mère ne m’a pas laissé faire. C’est important d’apprendre à aller chercher ce qui est difficile. La récompense est encore plus belle.

— Propos recueillis par Jean-François Tremblay, La Presse

NOM

Byron Archambault

Âge

27 ans

Lieu de naissance

LaSalle

A porté l’uniforme de :

Carabins de l’Université de Montréal, Tiger-Cats de Hamilton

Études

2e cycle à HEC en technologies de l’information

Rôle actuel

Coordonnateur des unités spéciales, entraîneur des secondeurs. Il prend aussi plus de responsabilités du côté défensif.

Sur son rôle d’entraîneur

« Je veux aider ces jeunes-là à atteindre leur but. Je veux seulement avoir un impact positif sur eux. Je veux être sûr que ces jeunes-là ne jouent pas au foot universitaire juste pour jouer professionnel. J’ai vu ce que c’est que de jouer professionnel. C’est très différent. J’essaie de leur faire comprendre que leurs plus belles années de football, c’est en ce moment. »

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