Réseau électrique métropolitain

Un test de crédibilité

Un accord de principe devra être conclu avant la fin de cette année sur la politique tarifaire et le partage des revenus des réseaux de transports en commun pour que la Caisse de dépôt et placement du Québec puisse lancer la construction de son Réseau électrique métropolitain (REM) dès le printemps 2017.

Dans une entrevue accordée à La Presse, le chef de projet pour la filiale de la Caisse CDPQ Infra, Jean-Marc Arbaud, a insisté sur l’importance d’amorcer des discussions le plus rapidement possible avec les autorités publiques pour définir des « principes d’intégration » qui permettront aux usagers de passer du REM aux réseaux d’autobus, de métro et de train de banlieue existants, comme s’il s’agissait d’un seul et même service.

L’entente recherchée par la Caisse devra être conclue dans un contexte de transition, alors que l’Agence métropolitaine de transport (AMT), qui fait actuellement autorité en la matière, est en voie de dissolution et qu’elle doit être remplacée par une nouvelle Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui ne sera pas fonctionnelle avant le début de 2017.

Depuis des mois, des spécialistes de CDPQ Infra multiplient les rencontres de travail avec les nombreux organismes de transports collectifs de la grande région de Montréal afin de produire les projections de revenus et de clientèle nécessaires au déploiement de ce réseau de 5,5 milliards.

L’échéancier proposé par la Caisse prévoit que les travaux de construction devront débuter d’ici moins d’un an, pour une mise en service prévue à la fin de 2020.

« Pour qu’on puisse dimensionner les infrastructures, à chaque station, quel est le rabattement qui devrait se faire ? Est-ce qu’on aura 10 ou 15 lignes d’autobus qui vont venir aux stations ? On n’aura pas un réseau définitif. Le réseau définitif, on a quatre ans pour le faire », explique M. Arbaud.

« Mais les principes, poursuit-il, il faut qu’on les établisse avant la fin de cette année. Si on n’a pas des principes d’intégration qui fonctionnent, il y aura un gros problème pour la réalisation. »

« Si on n’a pas une assurance que ça va s’intégrer et qu’il y a une volonté – et plus encore qu’une volonté, il faut que ce soit un accord –, eh bien, le projet, pourquoi on le fait, si ce n’est pas intégré ? »

— Jean-Marc Arbaud

SCEPTICISME

Or, pour nombre d’observateurs de la scène des transports, il est difficile d’imaginer comment CDPQ Infra et le REM pourront s’intégrer aux réseaux existants de transports en commun. L’intégration des services et des tarifs, souligne l’un d’entre eux, constituera donc « un premier test de crédibilité » pour la proposition de la Caisse, qui prévoit non seulement un réseau efficace et fonctionnel, mais qui rapportera aussi des dividendes.

Il y a actuellement 19 sociétés et organismes différents qui offrent des services de transports collectifs dans la région métropolitaine : l’AMT, qui gère les trains de banlieue et les autobus métropolitains, les trois grandes sociétés publiques de Montréal (STM), Laval (STL) et de l’agglomération de Longueuil (RTL) et 15 conseils intermunicipaux de transport (CIT) qui offrent des services de bus dans les couronnes de banlieue.

Aucun de ces réseaux n’est « rentable ». Les recettes provenant des usagers couvrent, grosso modo, entre 25 % et 50 % des coûts d’exploitation annuels des différents réseaux. Ce sont les municipalités desservies qui épongent l’essentiel des déficits d’exploitation.

« Il n’y a pas assez d’argent dans le système actuel pour permettre aux sociétés de transports de développer leurs services », fait valoir un administrateur de réseau sous le sceau de l’anonymat.

« Plusieurs municipalités se plaignent déjà du fardeau des coûts des transports collectifs sur leur budget de dépenses. Le REM va ajouter un joueur dans l’équation. Quelles seront les répercussions financières sur l’ensemble des intervenants actuels ? »

— Un administrateur de réseau

« À moins que le REM produise instantanément une augmentation d’achalandage très importante et que ces revenus suffisent à rebalancer le système, je ne vois pas comment la Caisse et son réseau peuvent s’intégrer au partage des revenus, ajoute un autre intervenant. Je vois deux avenues possibles : une hausse substantielle des charges pour les municipalités, ou une augmentation marquée de tous les tarifs aux usagers. »

INTÉGRATION TARIFAIRE

Il serait plus que hasardeux de prévoir, quatre ans d’avance, le montant des tarifs qui seront en vigueur au moment où le REM lancera ses activités. Ce n’est pas ce montant que CDPQ Infra a besoin de connaître avant la fin de 2016. C’est la formule qui sera utilisée pour partager les revenus provenant des usagers entre les divers transporteurs de la région métropolitaine.

Dans presque toutes les grandes agglomérations du monde, plusieurs entreprises ou sociétés exploitent des réseaux de transports en commun qui sont interconnectés, afin de permettre aux usagers de se déplacer dans l’ensemble du territoire en utilisant un titre de transport unique.

C’est le cas de la grande région de Montréal, où une politique d’intégration tarifaire, gérée par l’Agence métropolitaine de transport (AMT), est en vigueur depuis près de 20 ans. En plus de permettre aux voyageurs de se déplacer d’un réseau à l’autre sans avoir à payer chaque fois, l’intégration tarifaire prévoit aussi une formule de partage des revenus entre les sociétés de transports lorsque des usagers circulent dans plus d’un réseau.

Pour CDPQ Infra, l’intégration du REM, sur le plan des services comme sur le plan de la politique tarifaire, « est une condition essentielle au succès du projet, dit M. Arbaud. Si le rabattement [des autobus vers les stations du REM] n’est pas bien fait, si la réorganisation des services ne se fait pas, il n’y en aura pas, de projet ».

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