Cachemire

L’Inde et le Pakistan à couteaux tirés

Les relations demeuraient très tendues hier entre l’Inde et le Pakistan à l’issue d’une série d’affrontements aériens dans la région du Cachemire qui faisaient craindre un emballement militaire majeur entre les deux puissances nucléaires.

Les forces pakistanaises ont annoncé en après-midi qu’elles avaient capturé un pilote indien après que son avion s’est écrasé du côté pakistanais durant une poursuite au-delà de la « ligne de contrôle » scindant le territoire entre les deux pays. Il est ensuite apparu le visage ensanglanté dans une vidéo.

Selon l’Agence France-Presse, l’Inde a confirmé la perte d’un Mig-21 « disparu au combat » et a demandé le rapatriement du pilote en question. New Delhi a affirmé par ailleurs avoir abattu un appareil pakistanais, ce qu’a nié Islamabad.

Le gouvernement indien avait lancé les hostilités mardi en frappant loin à l’intérieur du territoire pakistanais dans le but déclaré de détruire le camp d’entraînement d’un groupe islamiste, Jaish-e-Mohammed (JeM), réputé proche du gouvernement.

La frappe visait à répliquer à un attentat survenu il y a deux semaines du côté indien du Cachemire dans lequel une quarantaine de paramilitaires avaient été tués.

une nouvelle guerre peu probable

Serge Granger, spécialiste de la région rattaché à l’Université de Sherbrooke, note qu’il s’agissait de la première fois en 50 ans que des frappes aériennes étaient menées au Cachemire au-delà de la ligne de contrôle.

« Les Pakistanais ont été un peu surpris par l’attaque de l’Inde et lui ont reproché d’agir de manière exagérée », relate M. Granger, qui juge peu probable à ce stade une nouvelle guerre entre les deux pays.

La proximité des élections indiennes n’est pas propice, selon lui, à la recherche d’un conflit d’envergure par le gouvernement de Narendra Modi.

Islamabad, ajoute le spécialiste, risque par ailleurs de se trouver sous forte pression de la Chine, qui pèsera fortement sur son allié pakistanais pour réduire la tension et protéger ses intérêts dans la région.

frappes sur des terrains vides

Dans un plaidoyer à la télévision, le premier ministre du Pakistan Imran Khan a maintenu hier que son pays avait mené des frappes aériennes hier sur des terrains vides pour montrer sa capacité à intervenir du côté indien.

Il a indiqué que les deux pays devraient réfléchir à ce qui pourrait arriver en cas d’escalade et favoriser un retour au calme. Le ministre des Affaires étrangères de l’Inde a prévenu pour sa part qu’une escalade n’était pas souhaitée.

Narenda Subramanian, spécialiste de l’Asie du Sud rattaché à l’Université McGill, ne pense pas non plus qu’un affrontement majeur est le scénario le plus probable à l’heure actuelle.

Le gouvernement indien, dit Narenda Subramanian, risque cependant de vouloir faire durer la tension militaire à un niveau qui n’est pas trop « coûteux » militairement afin de se poser en « défenseur de l’intérêt national », une posture potentiellement profitable dans les urnes.

Le stratagème pourrait être contre-productif, prévient M. Subramanian, s’il s’avère que les frappes aériennes menées mardi en territoire pakistanais n’ont pas été efficaces puisque l’opposition pourrait s’en servir pour attaquer le gouvernement.

New Delhi affirme que plus de 300 membres du groupe islamiste pakistanais ont été tués, mais Islamabad nie qu’il y ait eu des victimes.

M. Subramanian estime que l’attentat du JeM survenu le 14 février pourrait avoir été ordonné directement par les forces armées ou les services de renseignement pakistanais, qui ont intérêt à ce que les tensions persistent au Cachemire.

Imran Khan partage leurs visées territoriales, mais va chercher à calmer le jeu s’il obtient une « réciprocité » du côté indien, conclut M. Subramanian. « Dans le cas contraire, il n’aura pas vraiment d’autre choix que de répliquer », dit-il.

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