Opinion Soins de fin de vie

Avant de se demander qui héritera du grille-pain...

Décider à l'avance du type de soins de fin de vie que l'on souhaite recevoir peut grandement diminuer la détresse de nos proches

Il est 2 h. Je vois en consultation une femme de 84 ans souffrant d’une pneumonie. Elle est entourée de sa famille. Après sa prise en charge initiale, je prends quelques minutes pour discuter de son niveau de soins.

La dame semble s’endormir et répond vite à mes questions. Son conjoint me regarde, l’air interrogateur. Est-ce un début de trouble cognitif sous-jacent ? La fille aînée veut le maximum pour que l’on sauve sa mère et m’assaille de questions. Elle est visiblement mécontente. Le fils clôt le sujet en me mentionnant ma ressemblance avec l’une de ses cousines : « sommes-nous parents » ?

Fatigue, incompréhension, colère et déni. Mais qu’en aurait-il été si cette discussion avait été entreprise quelques mois plus tôt ? Si cette décision était planifiée, réfléchie et bien communiquée ?

Le niveau de soins varie d’un hôpital à un autre, mais l’offre de service repose toujours sur les mêmes principes. En voici un résumé : 

1. SOINS MAXIMAUX. Ils impliquent tous les moyens existants pour prolonger la vie. Ils peuvent inclure l’intubation endotrachéale, le transfert à l’unité des soins intensifs et la réanimation cardio-respiratoire (RCR). Ils sont habituellement prodigués aux patients en bonne forme physique.

2. SOINS PROPORTIONNÉS. Ils comprennent tous les traitements utiles et raisonnables (solutés, antibiotiques, chirurgie, etc.). Ils conviennent à la plupart des patients hospitalisés et âgés.

3. SOINS DE CONFORT. Ils visent ultimement le bien-être du patient par le soulagement de la douleur et certains traitements médicaux. Ils sont souvent prodigués en médecine palliative.

Ce système semble pourtant simple, me disais-je depuis le début de ma résidence. L’objectif étant évidemment de respecter les souhaits du patient, en plus de s’assurer qu’il reçoive des soins appropriés à son état, en évitant la négligence comme l’acharnement. Je trouvais absurde qu’une personne ne connaisse pas le niveau de soins qu’elle requiert, ou pire, qu’elle laisse la décision à ses proches en cas d’inaptitude, et que ces derniers, ensuite, ressentent alors du stress et parfois même de la culpabilité.

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Décembre. Mon grand-père, 84 ans, entre à l’hôpital d’Alma pour une défaillance rénale aiguë. Après la prise en charge initiale, le médecin responsable rencontre ma famille. J’ai la chance de compter dans ma famille des gens brillants et humains, que je respecte énormément.

Mon grand-père s’endort, il a été examiné de tous bords, tous côtés, toute la journée. Ma grand-mère ne comprend pas vraiment (est-ce l’accent du lac Saint-Jean ?). Mon oncle, au caractère plus bouillant, pose plusieurs questions et veut le maximum des soins possibles. Ma tante trouve une étrange ressemblance entre le médecin interne et Luc Langevin. C’est vrai…

Fatigue, incompréhension, colère et déni.

Pourquoi n’avions-nous pas discuté du niveau de soins à prodiguer avec mon grand-père auparavant ? Simplement parce que quand tout va bien, il est difficile d’aborder ce sujet sombre.

Je vous rassure, la fin de mon grand-père, qui est mort quelques jours plus tard, fut simple et heureuse. Ses souhaits (recevoir des soins proportionnés) ont été respectés et ses derniers moments se sont déroulés sans souffrance. Sa famille était présente à son chevet et comprenait bien la situation.

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Et vous, que souhaitez-vous pour votre fin de vie ? Quel est actuellement le niveau de soins que vous voudriez recevoir ?

La prochaine fois que vous penserez à qui héritera de votre grille-pain, prenez quelques minutes pour revoir avec vos proches, votre médecin ou un conseiller juridique votre plan de soins en cas de détérioration de votre état de santé. Vous pourrez évidemment changer d’idée en cours de route.

J’aimerais, en terminant, remercier l’équipe de médecine interne de l’hôpital d’Alma pour les excellents soins prodigués. Vous êtes de vrais magiciens.

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