Montréal n’équipera pas ses policiers de caméras portatives
Pas de solution magique
Moins d’une semaine après la présentation du bilan du projet pilote sur les caméras portatives, l’administration Plante a tranché : « On a eu les pour et les contre, mais notre position à ce moment-ci, c’est de ne pas aller de l’avant avec les caméras portatives », a indiqué la mairesse lors d’une rencontre de son administration. Elle constate que la technologie ne s’est pas révélée la solution magique espérée. « Certains se disaient qu’avec la caméra, ça serait vite : bing, bang, tout est réglé. Mais non, ce n’est pas aussi simple », a-t-elle dit.
Trop cher
Ce sont avant tout les coûts qui ont refroidi l’enthousiasme de Montréal. « Je ne peux pas juste investir 25 millions dans une technologie qui ne semble pas au point », a lancé la mairesse en point de presse. Dans son bilan, le SPVM a évalué qu’implanter les caméras coûterait 17,4 millions sur cinq ans, puis 24 millions par an, principalement en personnel. « Ce serait un investissement majeur qui vaudrait peut-être la peine si ça augmentait le sentiment de sécurité, mais ce n’est pas le cas. La technologie n’est pas au rendez-vous », a dit l’élue.
Miser sur la formation
Si la mairesse écarte les caméras, elle estime que Montréal devra néanmoins s’attaquer aux sources du malaise ayant incité le SPVM à étudier l’idée de doter les policiers de ce dispositif, soit « le sentiment de sécurité et le profilage social et racial ». « Ce n’est pas parce qu’on ne va pas de l’avant [avec les caméras] que les raisons derrière [cette réflexion] ne sont pas valables, et on doit s’y attarder », a-t-elle dit. Pour s’y attaquer, son administration entend améliorer la formation offerte aux policiers pour tenter d’apaiser les relations avec les citoyens. « On sait que quand la formation est adéquate, ça amène des résultats concluants », a dit Mme Plante. Elle entend continuer à miser sur la police de proximité.
Erreur pour l’opposition
L’opposition a vivement dénoncé l’abandon des caméras, estimant qu’elle avait plié face aux réticences des policiers. « Valérie Plante prend la mauvaise décision pour Montréal et le SPVM. Elle est déconnectée de la population et des communautés culturelles », a déploré Lionel Perez, chef d’Ensemble Montréal. Ce parti, qui avait lancé ce projet pilote sous Denis Coderre, estimait que Montréal devait aller de l’avant avec la technologie malgré les réticences affichées par les policiers.
Veille technologique
Bien que Montréal rejette l’idée de doter les 3000 patrouilleurs de caméras portatives, la métropole n’y renonce pas nécessairement pour toujours. Le SPVM compte maintenir une « veille technologique » pour déterminer si des progrès dans cette industrie règlent les nombreux motifs d’irritation mis au jour par le projet pilote montréalais. On cherchera à déterminer s’il y a une baisse des coûts pour le stockage des vidéos, ainsi qu’une réduction des besoins en personnel monopolisé pour traiter le flot d’images.
Pas seule au Canada
Montréal n’est pas la seule ville canadienne à avoir mené un projet pilote pour finalement renoncer à l’idée d’étendre la technologie à l’ensemble de ses patrouilleurs. Toronto, Vancouver et Hamilton ont testé les caméras sans y donner suite en raison des coûts élevés et des limites de la technologie. Pour l’heure, Calgary est la principale ville du pays à avoir adopté ce dispositif plus largement, l’ensemble de ses 1100 patrouilleurs devant en être équipés d’ici la fin de 2019.
pas comme aux États-Unis
Mais comment expliquer que les caméras portatives, très populaires au sein des corps policiers américains, soient si peu répandues au Canada ? « Peut-être que les cultures canadienne et américaine sont très différentes. On vit là-bas des situations extrêmement problématiques et récurrentes sur le profilage social et racial », a observé Mme Plante. Le gouvernement fédéral américain a également financé leur acquisition, contrairement au Canada, où les villes doivent payer la totalité de la facture.