Chronique

Price, Radulov et les impôts

Qu’est-ce qui est le plus payant pour le Québec ? Avoir un joueur comme Carey Price qui gagne 10,5 millions US par année ou 210 travailleurs qui empochent la même somme, soit l’équivalent de 50 000 $US chacun?

Cette question, provocante, peut avoir plusieurs dimensions. Dans l’absolu, aucun être humain n’a une plus grande valeur qu’un autre. Pour le fisc, cependant, la réponse est limpide : Carey Price rapporte beaucoup plus, même s’il fait les mêmes revenus (1).

Ce phénomène s’explique par la progressivité de l’impôt. Les travailleurs qui gagnent chacun 50 000 $ paieront un taux moyen de 21,8 % d’impôts, répartis entre le fédéral et le provincial. Globalement, les 210 contribuables paient 2,3 millions de dollars d’impôt fédéral-provincial, dont 1,24 million au gouvernement du Québec.

En comparaison, les impôts de Carey Price s’élèveront à quelque 5,5 millions par année, en moyenne, puisque le taux maximum d’imposition de 53,3 % s’applique à l’essentiel de ses revenus.

Pour le Québec, où réside très probablement Carey Price aux fins fiscales, la récolte est d’environ 2,7 millions, soit plus du double de ce qui est récolté des 210 travailleurs (1,24 million).

Certains diront que Price peut faire de l’évitement fiscal avec ses 10,5 millions, mais ce n’est pas le cas. Les revenus versés aux joueurs pour les parties de hockey sont sous forme de salaires et ils sont donc imposables en presque totalité, confirme Jeffrey Steinberg, associé de la firme Crowe Soberman, spécialisée dans la fiscalité des sportifs professionnels.

L’écart entre Price et les travailleurs modestes est probablement encore plus grand pour l’État, puisque les 210 travailleurs utilisent bien davantage de services que Carey Price et sa famille (hôpitaux, écoles, garderies, routes, etc.).

Cette logique fiscale vaut aussi pour les PDG de grandes entreprises, en principe. Ainsi, aux yeux du fisc, il est plus payant qu’une entreprise verse 1 million de dollars de plus à son PDG que 1 million à 20 nouveaux travailleurs.

Certains trouveront cette comparaison choquante. Et la logique qui la sous-tend a évidemment ses limites.

Une population qui travaille en grand nombre entraîne moins de coûts sociaux de toutes sortes qu’une population avec un fort taux de chômage. Elle risque d’avoir un taux de criminalité bien moindre, une démocratie en meilleure santé et un avenir plus reluisant pour ses enfants, qui eux-mêmes créeront de la richesse.

Même raisonnement pour une société inégalitaire : les grands écarts de revenus entre ses résidants entraînent des désordres sociaux qui finissent par être néfastes pour l’économie.

Ainsi, en très forte période de chômage, le gouvernement a probablement davantage intérêt à stimuler la création d’emplois à tout prix, même si les postes ne sont pas très bien payés.

À l’inverse, dans une société avec le plein emploi, comme c’est presque le cas au Québec, une stratégie visant surtout les emplois à haute valeur ajoutée est plus gagnante, car elle engendre de meilleurs revenus fiscaux, revenus qui permettent de mieux financer les services sociaux.

Radulov vivra riche, mais clôturé

Marc Bergevin avait raison : pour avoir de la loyauté, mieux vaut miser sur un chien que sur un joueur de hockey. Et l’argent joue assurément un rôle là-dedans.

En signant un contrat avec les Stars de Dallas pour une valeur annuelle moyenne de 6,25 millions US, Alexander Radulov économisera beaucoup d’argent. Après impôt, il lui restera environ 3,67 millions dans ses poches, soit environ 750 000 $US de plus que s’il avait accepté la même offre à Montréal.

Vu sous un autre angle, le Canadien aurait dû faire une offre de 7,9 millions US à Radulov pour lui permettre de conserver les mêmes 3,7 millions US dans ses poches après impôt. L’écart est énorme pour une équipe de hockey (2).

Cette différence s’explique essentiellement par le fait que le Texas ne prélève aucun impôt sur le revenu (il y a tout de même des impôts fédéraux, mais pas d’impôts d’État). Trois autres équipes de la LNH bénéficient du même privilège, notamment les deux clubs de la Floride et celui de Nashville, au Tennessee.

J’écris « environ » 750 000 $US parce que le calcul est passablement complexe. Entre autres, quand ils jouent aux États-Unis, les joueurs canadiens paient des impôts d’État oscillant entre 3 et 13 %, mais pas d’impôts fédéraux. En revanche, ces impôts sont déduits de ceux à payer au fisc canadien.

Cela dit, Radulov et sa famille devront probablement vivre dans une communauté clôturée au Texas s’ils veulent bien dormir la nuit. Au Texas, en 2015, il y a eu 4,8 meurtres par 100 000 habitants, soit l’équivalent de la moyenne américaine.

En comparaison, le taux d’homicide est de 0,93 au Québec, cinq fois moins (ce taux est de 3,2 en Alberta et de 1,68 dans l’ensemble du Canada). Les impôts valent bien notre plus grande sécurité, non ?

La nouvelle sur Radulov nous rappelle toutefois que le Québec ne vit pas en vase clos et qu’il doit en tenir compte dans ses politiques fiscales.

1- Aux fins de notre exemple, nous présumerons que tous les revenus sont en dollars US.

2- Tout compris, le taux d’imposition maximal au Texas pour cette tranche de revenus est de 41,3 %, contre 53,3 % au Canada.

Précision

Tesla

Plusieurs lecteurs m’en ont fait la remarque. Ma chronique de samedi sur les véhicules électriques pouvait laisser entendre que les Tesla sont encore admissibles au rabais de 8000 $ du gouvernement du Québec. Or, depuis le 1er avril, le rabais est de seulement 3000 $ pour les véhicules vendus entre 75 000 $ et 125 000 $ et devient nul pour les véhicules plus chers. Seuls les modèles S de Tesla sont donc encore admissibles au rabais, qui est maintenant de 3000 $.

Surtitre

Tesla

Plusieurs lecteurs m’en ont fait la remarque. Ma chronique de samedi sur les véhicules électriques pouvait laisser entendre que les Tesla sont encore admissibles au rabais de 8000 $ du gouvernement du Québec. Or, depuis le 1er avril, le rabais est de seulement 3000 $ pour les véhicules vendus entre 75 000 $ et 125 000 $ et devient nul pour les véhicules plus chers. Seuls les modèles S de Tesla sont donc encore admissibles au rabais, qui est maintenant de 3000 $.

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