Opinion Le Québec dans l’œil du monde

Les clichés sont bien plus intéressants

Je n’aime pas le cliché. Il est tantôt réducteur, parfois simpliste et, trop souvent, caricatural. Dans l’espace médiatique, il témoigne au mieux d’une méconnaissance de celui qui le rapporte.

Souvenons-nous de l’automne 2016. Le magazine Elle publie un article sur la percée de Ricardo en France. On y décrit Ricardo comme un « gentleman trappeur » qui procède chaque année, dans des érablières, à des sacrifices traditionnels du porc pour ensuite le congeler en plein air. L’article, truffé de clichés, soulève un tollé si intense que le journaliste doit offrir ses excuses.

Je pourrais aussi vous gaver d’exemples de reportages français sur le Grand Nord montréalais, nos chiens de traîneau et le froid polaire qui nous rendent si sympathiques.

Chaque fois, nous sommes outrés par ces raccourcis racoleurs.

Toutefois, soyons francs, le cliché, si honni soit-il, est un puissant outil de promotion pour une ville.

Chaque semaine, nous trouvons dans la presse internationale des images du Stade olympique ou du fleuve Saint-Laurent pour illustrer le Québec. L’un des hôtels les plus représentés dans le monde est le Château Frontenac. Nous avons souvent tenté de nous éloigner de ces images usées, mais on n’y peut rien. C’est notre tour Eiffel.

Sur le plan alimentaire, nous n’échappons pas à ce phénomène.

En moyenne, l’industrie agroalimentaire du Québec est responsable de 1,8 % de tous les articles et reportages sur le Québec dans le monde chaque semaine. Les reportages sur la culture alimentaire québécoise jouissent bien souvent d’une couverture qui dépasse le simple entrefilet ou les articles d’agences de presse.

Avec une table si louangée, des chefs et des produits aussi reconnus, on pourrait croire que Normand Laprise, le Toqué ! ou le porc du Québec constituent notre tête de pont médiatique à l’étranger.

Eh bien non. Vous me voyez venir. Les clichés sont bien plus intéressants.

Lorsqu’un individu mange une poutine dans le monde, on retrouvera fort probablement une mention du Québec pas très loin. Le smoked meat le plus goûteux est forcément québécois. Qui fait les meilleurs bagels ? Il y a de bonnes chances qu’on vous réponde que c’est un Montréalais.

Nous avons mené deux études sur le sujet. Une première pour la période de 2012 à 2014 et une seconde de 2015 à 2017. Les résultats sont presque similaires.

Le restaurant québécois qui fait le plus rayonner le Québec à l’étranger s’appelle Schwartz’s. Quand il est question de restauration québécoise, dans 13 % des cas, il s’agit du deli du boulevard Saint-Laurent. La Banquise, avec sa poutine, et St-Viateur Bagel se trouvent respectivement aux 5e et 6e rangs, tout juste derrière Au Pied de cochon. Bien que nous soyons dans le pur folklore alimentaire, ces institutions sont qualifiées d’incontournables par les médias du monde lorsqu’ils soulignent les archétypes montréalais.

Si nos vins et cidres sont devenus les produits québécois les plus cités devant le sirop d’érable et les fromages, c’est la poutine qui a connu la croissance la plus fulgurante. Depuis 24 mois, elle a vu son poids médias croître de 18 % dans les médias étrangers.

Au cours des deux dernières années, les médias des États-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Inde et de la Nouvelle-Zélande ont généré 85 % de l’intérêt pour notre table et nos produits. Sans surprise, l’image la plus marquante de la dernière année remonte à juin 2017, lorsque Barack Obama et Justin Trudeau se sont attablés au Liverpool House du quartier de la Petite-Bourgogne à Montréal. Une image qui a fait le tour du monde et qui vaut de l’or.

Revenons à nos clichés.

Quand vous pensez à la cuisine étrangère, avouez que vous associez facilement le Français à sa baguette, le Japonais à son sushi et le Mexicain à son guacamole.

Ces clichés semblent moins lourds à porter que les nôtres. Toute proportion gardée, ils sont tout aussi importants. Est-ce possible que nous soyons plus frileux ?

Il serait peut-être temps de faire notre coming out alimentaire et d’assumer pleinement ce qui compose notre folklore. C’est un élément capital dans notre identité. C’est à tout le moins un outil de vente très puissant.

Assumons nos clichés. Ils sont là, bien présents. Ils sont forts, parfois grossiers. Même si on grince des dents en les avouant, affranchissons-nous de ce malaise. Ça ne semble pas embêter les autres capitales touristiques.

On trouve toujours de nouvelles vertus au sirop d’érable dans la version italienne de Vanity Fair (en italien).

Un reportage sur les vins de glace québécois dans le magazine espagnol Dapper (en espagnol)

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