ÉDITORIAL EMPRISONNEMENT DE RAIF BADAWI

Là, ça suffit !

Cinq ans. Soixante mois. Ou encore 1825 jours. Peu importe de quelle façon vous calculez le temps passé par Raif Badawi en prison, vous en arriverez toujours à la même conclusion. C’est à la fois aberrant et indéfendable.

Récapitulons : ce Saoudien de 33 ans a été mis derrière les barreaux parce qu’il s’est exprimé, sur l’internet, sur des sujets comme l’extrémisme religieux (qu’il dénonce) et les droits des femmes.

Dans un pays dirigé par une monarchie islamique rétrograde qui ne permet même pas aux femmes de conduire, son audace a été punie sévèrement.

Raif Badawi a été condamné à passer 10 ans derrière les barreaux, à recevoir 1000 coups de fouet et à payer une lourde amende. La bonne nouvelle, si tant est qu’il y en ait une, est qu’il n’a été fouetté que… 50 fois.

En revanche, il continue de croupir derrière les barreaux. Et sa famille, à Sherbrooke depuis 2013, rêve du jour où elle reverra « son sourire très contagieux ».

L’expression a été utilisée par ses enfants dans une vidéo d’une simplicité bouleversante, réalisée par l’organisation Amnistie internationale. Ils y soulignent à quel point le châtiment infligé à leur père est injuste. Il est important de le répéter.

Cette condamnation a violé les droits fondamentaux de Raif Badawi et va à l’encontre des obligations internationales de l’Arabie saoudite. L’organisme Avocats sans frontières l’a démontré dans un mémoire étoffé.

Dans la vidéo, les enfants interpellent le premier ministre canadien. Ils l’exhortent à agir plus fermement. « Là ça suffit ! On a trop attendu, on a besoin de voir notre papa. »

La vérité sort de la bouche de ces enfants. Cette détention, tout comme la parodie de justice qui l’a précédée, a assez duré.

Le sort de tous les prisonniers politiques doit nous préoccuper, mais Raif Badawi fait partie de ceux pour qui on doit remuer ciel et terre.

Son destin est étroitement lié au nôtre pour au moins trois raisons. Premièrement parce que sa famille est ici. Ensuite parce que les principes qu’il a mis de l’avant doivent être défendus. Enfin parce que l’Arabie saoudite est en première ligne des pays sur lesquels il faut mettre de la pression parce qu’ils narguent nos démocraties. Notamment, dans son cas, en faisant la promotion de l’islamisme radical.

Québec a haussé le ton. Lors du plus récent Sommet de la francophonie, Philippe Couillard s’est opposé à l’attribution d’un statut d’observateur à l’Arabie saoudite, mentionnant explicitement Raif Badawi.

À Ottawa, on mise sur une stratégie plus discrète, afin de permettre aux Saoudiens de sauver la face. « Nous continuerons de soulever nos préoccupations à cet égard tant à Riyad qu’à Ottawa », affirmait cette semaine un porte-parole à Ottawa.

Hélas, la discrétion n’a pas porté ses fruits. « Soulever nos préoccupations » ne suffit plus. Cinq ans plus tard, Justin Trudeau devrait désormais taper du poing sur la table. Et dire clairement, lui aussi, que « là, ça suffit ».

Raif Badawi en trois dates

2012

Il est emprisonné, à la mi-juin.

2013

Il est condamné par un tribunal. Il restera en prison et sera fouetté.

2015

En janvier, il reçoit ses 50 premiers coups de fouet (sur 1000). Il n’a jamais été fouetté depuis.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.