L’abondance d’emplois nuit à l’entrepreneuriat

Le Québec reste une terre fertile pour la création d’entreprises, mais un nombre croissant de jeunes entrepreneurs choisissent de garder leur emploi et de se consacrer à temps partiel à leur projet d’affaires.

La montée de cet « entrepreneuriat hybride » est une des principales constatations de l’édition 2017 du Global Entrepreneurship Monitor, et elle inquiète les chercheurs responsables du volet québécois de cette enquête internationale, Étienne St-Jean et Marc Duhamel, de l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

« C’est inquiétant parce que ça nous indique que les nouveaux entrepreneurs ne sont pas prêts à mettre l’énergie nécessaire pour faire croître leur entreprise, explique Étienne St-Jean. Ça peut avoir un impact sur la solidité et la pérennité des entreprises au Québec. »

Les entrepreneurs à temps partiel sont beaucoup plus nombreux au Québec qu’ailleurs au Canada, selon le chercheur. « On le constate aussi sur le terrain en parlant avec des entrepreneurs et avec des étudiants qui veulent créer une entreprise. C’est une question qui nous préoccupe. »

« moins d’intérêt à développer »

Les causes de l’augmentation du nombre d’entrepreneurs hybrides peuvent être multiples, mais la bonne santé de l’économie et l’augmentation du nombre d’emplois disponibles en font sûrement partie, estime Étienne St-Jean.

« Le resserrement du marché du travail et le bas taux de chômage font en sorte qu’il y a moins d’intérêt à développer une entreprise », précise-t-il.

À plus long terme, le manque de travailleurs pourrait nuire au potentiel de développement économique des régions du Québec, craignent les chercheurs de l’UQTR, qui entendent creuser davantage le phénomène.

L’impact de L’entrepreneuriat à temps partiel

Une autre explication peut être avancée pour comprendre l’augmentation de l’entrepreneuriat hybride : avec la multiplication des plateformes technologiques, il est plus facile de se lancer en affaires à temps partiel tout en gardant son emploi.

« C’est ce qu’on peut faire avec Airbnb, ou en faisant des mandats de consultation ou de la pige », illustre-t-il.

L’entrepreneuriat à temps partiel peut aussi avoir un impact sur la solidité des entreprises. Déjà, le taux de mortalité des entreprises est en hausse de manière assez importante au Québec depuis les dernières années, selon les chercheurs.

Dans son plus récent rapport, le Global Entrepreneurship Monitor constate que l’activité entrepreneuriale se porte bien au Québec, surtout chez les jeunes qui sont de plus en plus nombreux à se lancer en affaires.

Vie et mort

Les entreprises québécoises survivent en plus grand nombre au départ de leurs fondateurs, mais elles meurent aussi en plus grand nombre.

« Le Québec est une des régions dans le monde où les entreprises poursuivent le plus leurs activités à la suite du départ du fondateur, mais la proportion des entreprises qui ferment définitivement a considérablement augmenté en 2017 », constate l’enquête.

Selon Étienne St-Jean, c’est peut-être un effet pervers de l’augmentation récente du taux de création d’entreprises. 

« L’augmentation du nombre d’entreprises en démarrage pourrait avoir eu comme conséquence de décourager l’entrepreneuriat dans les années qui suivent », avance-t-il.

Autre constatation du volet québécois du Global Entrepreneurship Monitor : les entreprises québécoises se tournent vers l’innovation et les marchés internationaux, mais elles restent plus cantonnées dans les activités traditionnelles. « Elles sont en général plus low tech », résume Étienne St-Jean.

Proportion des nouveaux entrepreneurs qui se consacrent exclusivement à leur entreprise

Au Québec : 19,6 %

Au Canada : 35,6 %

Moyenne des autres pays : 61,2 %

Proportion des entrepreneurs établis qui se consacrent exclusivement à leur entreprise

Au Québec : 35 %

Au Canada : 57,9 %

Moyenne des autres pays : 71,6 %

Intention de démarrer une entreprise d’ici trois ans

Québec : 25,6 %

Canada : 22,3 %

Moyenne des autres pays : 35,7 %

Principaux motifs de fermeture

Vente de l’entreprise

Québec : 24,9 %

Canada : 21 %

Raisons personnelles

Québec : 16,5 %

Canada : 16,8 %

Entreprise non rentable

Québec : 15,1 %

Canada : 20,9 %s

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