Santé

Québec veut bannir les frais accessoires

QUÉBEC — Québec veut finalement interdire tous les frais accessoires facturés aux patients, a appris La Presse. Il entend négocier avec les médecins pour que ces frais, qui servent à couvrir des coûts de fonctionnement des cabinets et des cliniques, soient compris dans leur rémunération.

Depuis des mois, les partis de l’opposition et plusieurs groupes accusent le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, de « légaliser » les frais accessoires avec la loi 20 sur l’accès aux services de médecine, adoptée l’automne dernier. Le gouvernement irait à l’encontre de la Loi canadienne sur la santé, selon eux.

M. Barrette réplique qu’il cherche plutôt à encadrer les frais déjà existants afin d’éviter les abus. La somme totale qu’auraient à payer les patients en frais accessoires s’élèverait à environ 50 millions par année, estime-t-il.

Un règlement devait être déposé par le ministre afin de préciser quels sont les frais autorisés. Il n’y en aura finalement pas.

Le gouvernement Couillard a en effet l’intention d’interdire tous frais accessoire. Pour y arriver, il entend profiter des prochaines négociations avec les fédérations de médecins. Leurs ententes de rémunération sont échues depuis un an.

« On veut que ces négociations permettent de régler la question des frais accessoires une fois pour toutes. On veut discuter avec les médecins de l’absorption des frais accessoires dans leur masse [de rémunération]. »

— Une source gouvernementale

L’élimination des frais accessoires surviendrait donc au terme des pourparlers avec les fédérations.

La masse salariale des 20 000 médecins omnipraticiens et spécialistes s’élève à environ 7 milliards et atteindra 9 milliards dans cinq ans. Leur rémunération aura bondi de 87,5 % entre 2010 et 2020.

Gaétan Barrette a déjà fait savoir que lors des prochaines négociations, imminentes, il n’a pas l’intention d’accorder davantage aux médecins que les hausses de 5,25 % consenties aux employés de l’État. Les médecins ont droit à ces augmentations en vertu d’une clause de parité salariale – mieux connue sous le nom de clause remorque – prévue à un accord signé avec le gouvernement à l’automne 2014.

LES MÉDECINS DÉDOMMAGÉS ?

Pour le moment, le gouvernement refuse de dire si les médecins seront pleinement dédommagés pour l’interdiction des frais accessoires ou encore s’ils devront couvrir la perte à même leurs hausses de rémunération.

La voie privilégiée par le gouvernement rappelle une recommandation faite par la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain. Elle s’était opposée à ce que le gouvernement permette dans une loi l’imposition de frais accessoires aux patients.

« Tout changement qui a pour but de légaliser une facturation directe aux usagers, pour des frais accessoires pour lesquels les médecins participant au régime public sont déjà rémunérés, et pour certains services non couverts par le régime public, constitue une avenue inéquitable », disait-elle dans un avis rendu public l’automne dernier.

« Cette façon de faire risque de contribuer à l’émergence d’un système à deux vitesses : une voie rapide en clinique pour ceux qui ont les moyens de payer et une voie lente menant à l’hôpital pour les autres. »

Elle plaidait que les patients n’ont pas à payer pour couvrir des frais de fonctionnement de cabinets et de cliniques. Québec devrait évaluer les coûts réels de fonctionnement et instaurer un régime de compensation pour les médecins, recommandait-elle.

Le gouvernement ne s’engage pas à instaurer un tel régime, mais cette question sera discutée inévitablement à la table de négociation. On comprend que son intention est d’intégrer la couverture des frais de cabinet dans la rémunération des médecins.

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