Opinion  Ebola

Indifférence et déresponsabilisation

Si l’émergence d’une épidémie d’Ebola est difficilement évitable, il aurait été certainement possible d’en réduire l’ampleur

L’épidémie qui frappe l’Afrique de l’Ouest est sans précédent. Alors que le nombre de morts atteindra sous peu les 4000, le Center for Disease Control and Prevention des États-Unis, qui n’est pas reconnu pour être inutilement alarmiste, avance le million de personnes infectées dans les prochains mois. Avec des taux de mortalité de 50 %, il s’agirait de la crise humanitaire la plus meurtrière depuis des décennies. Ces estimations font craindre les pires scénarios pour une région du monde qui se relève à peine de conflits sanglants.

Est-ce que cette crise aurait pu être mieux contrôlée ? Si l’émergence de ce genre d’épidémie est difficilement évitable, il aurait été certainement possible d’en réduire l’ampleur. La réaction tardive des pays donateurs comme le Canada est déplorable.

Il est navrant de constater qu’il faut que les pays donateurs se sentent « menacés » avant qu’une réponse adéquate soit mise en œuvre.

En effet, c’est en raison de la crainte populaire que l’épidémie s’étende au-delà des frontières de l’Afrique que les décisions de soutenir la région touchée se sont concrétisées.

Malgré les mises en garde répétées de certaines organisations humanitaires, en premier lieu de Médecins sans frontières et de sa présidente Joanne Liu, les États donateurs et les Nations unies ont été particulièrement lents à réagir. Alors qu’en avril dernier on avait déjà pris connaissance des risques, ce n’est que cinq mois plus tard, alors que l’épidémie avait déjà pris des proportions démesurées, que les États-Unis ont pris des moyens plus considérables pour tenter de contrôler le virus. Le Canada s’étant contenté de suivre une parade qui avait déjà pris trop de retard pour des milliers de personnes.

L’indifférence explique qu’aucun vaccin ne soit sur le marché à ce jour. Étant donné la clientèle potentielle, l’Occident et ses compagnies pharmaceutiques n’ont pas souhaité investir dans la recherche d’un médicament contre le virus Ebola, même si cette maladie est connue depuis plus de 40 ans.

Cette déresponsabilisation de la part des pays donateurs équivaut à prendre en otage les populations victime du virus. L’expertise nécessaire pour la production d’un vaccin, et pour gérer ce genre d’épidémie, est étrangère. Les pays, comme le Canada, qui ont les ressources nécessaires pour assurer la gestion de cliniques de mise en quarantaine et la prise en charge médicale des personnes infectées devraient s’impliquer activement et promptement lorsque survient une crise comme celle qui secoue l’Afrique de l’Ouest. 

UN ÉCHEC EN GESTION DE CRISE

Est-ce que l’aide actuelle est suffisante ? À ce jour, seulement le tiers du milliard de dollars que l’ONU juge nécessaire pour enrayer la crise a été amassé. La mise sur pieds de nouveaux centres d’accueil, les traitements pour les patients, la gestion adéquate des corps et la présence sur le terrain d’un personnel qualifié nécessitent de l’argent. La gestion clinique du virus Ebola demande jusqu’à quatre aides-soignants par patient. Non seulement les ressources manquent, mais les experts sur place s’entendent pour dire qu’il n’existe aucune feuille de route afin de combattre l’épidémie. L’absence d’une stratégie coordonnée est un autre indicateur de l’échec de la gestion de cette crise.

Il y a aussi lieu de se demander pourquoi la gestion de la lutte à cette épidémie est assurée par une organisation non gouvernementale, à savoir Médecins sans frontières. Où sont les Nations unies, mais surtout, les États membres, qui ont la responsabilité d’investir dans le développement de projets en santé mondiale ?

L’agenda humanitaire international est bien rempli cette année. De Gaza à la Syrie en passant par le Soudan du Sud, l’Ukraine, l’Irak et la République centrafricaine, sans oublier l’impact humanitaire lié à l’émergence du groupe État islamique, voilà autant de crises qui affecteront des millions de personnes. Ce contexte ne justifie pas pour autant l’indifférence affichée à l’endroit de l’épidémie du virus Ebola et la communauté internationale a le devoir de considérer cette crise avec le sérieux qu’elle mérite afin de réduire sa propagation au reste de l’Afrique.

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