Laurent Duvernay-Tardif

Des projets plein la tête

Lorsque Laurent Duvernay-Tardif est arrivé au gymnase où il s’entraîne afin de rencontrer le journaliste de La Presse, mardi après-midi, c’était pour terminer l’entraînement qu’il avait commencé le matin même. Un quart de travail d’une dizaine d’heures comme stagiaire dans une urgence l’attendait un peu plus tard.

Bref, la vie de Duvernay-Tardif est toujours aussi bien remplie. Le garde des Chiefs de Kansas City a trouvé le temps de faire un séjour de cinq jours en Gaspésie, mais ses journées sont essentiellement partagées entre ses stages en médecine, son entraînement en vue de sa prochaine saison dans la NFL et ses engagements avec les médias. Une saison « morte » qui est tout sauf ça, dans son cas.

« J’aime beaucoup compartimenter mes journées. C’est une bonne façon de m’assurer de ne pas être submergé », a expliqué le Québécois autour d’un café, une fois son entraînement terminé.

Duvernay-Tardif continue de vivre à fond ses deux principales passions, la médecine et le football. Depuis l’élimination des Chiefs en janvier dernier, il se concentre sur sa future carrière de médecin, lui qui pourrait en théorie terminer ses études en 2017.

« Mais si je décroche mon diplôme trop rapidement, je me retrouverai dans une position où je devrai choisir entre faire ma résidence, que je dois normalement commencer au plus tard deux ans après avoir terminé mes stages, et poursuivre ma carrière au football. Compte tenu de ma situation, ce n’est donc pas une mauvaise chose que ça prenne un peu plus de temps. Ça me permettra de voir ce qui se passera au niveau de mon deuxième contrat. »

L’ancien des Redmen de McGill est encore sous contrat pour une saison avec les Chiefs, qui pourraient toutefois conserver ses services en 2017 en lui soumettant une offre qualificative. Mais s’il ne signe pas une nouvelle entente à long terme avant mars 2018, Duvernay-Tardif deviendra joueur autonome sans compensation à ce moment.

« Je ne suis pas le genre de personne qui perd trop de temps et d’énergie à penser à des choses qui restent trop incertaines », a dit celui qui devrait devenir un jour l’un des athlètes québécois les mieux payés du sport professionnel.

« Je préfère me dire qu’il me reste encore autant, sinon plus, de football à jouer que je n’en ai joué jusqu’à présent avant de terminer mon premier contrat », a dit le joueur de ligne offensive, qui n’a pas joué à sa première saison à Kansas City, en 2014.

PAS POUR L'ARGENT

Il n’en demeure pas moins que Duvernay-Tardif devrait à terme signer un contrat qui pourrait lui rapporter des dizaines de millions. Ce ne sera toutefois pas le facteur déterminant dans sa décision de poursuivre sa carrière ou non.

« Je me suis promis de ne jamais faire ça pour l’argent. J’ai la possibilité d’avoir une très belle carrière en médecine, alors je me suis juré que je ne resterais pas au football à cause de l’argent ou de la pression extérieure. Tant que j’aurai l’étincelle dans les yeux lorsque j’embarque sur le terrain, je vais continuer de jouer. Dès que je ne l’aurai plus, j’arrêterai. »

Duvernay-Tardif n’a jamais caché qu’il aimait la nouveauté et qu’il était par tempérament plus nomade que sédentaire. En ce sens, ne serait-il pas tenté d’accepter l’offre d’une autre équipe que les Chiefs si l’occasion se présentait, question de vivre une nouvelle aventure ? Pas s’il a le choix.

« J’étais un joueur canadien, francophone, qui n’avait jamais joué dans la NCAA, alors même si mon intégration dans l’équipe s’est bien déroulée, je dirais que ça m’a pris environ un an et demi avant de bien me familiariser avec le fonctionnement et la vie d’un joueur de la NFL », a commenté Duvernay-Tardif.

« J’ai dû déménager dans une nouvelle ville, dans le Midwest américain, et j’ai dû me familiariser avec la grande ligue qu’est la NFL. Je suis convaincu que ça prendrait moins de temps si je me retrouvais dans une autre équipe et une autre ville, mais si j’avais à choisir, c’est sûr que je préférerais rester à Kansas City. »

DES PLANS POUR L’APRÈS-CARRIÈRE

Entre deux séries de flexions et extensions (squats) avec des charges de près de 500 livres, Duvernay-Tardif nous raconte qu’il a une vision de ce à quoi pourrait ressembler sa vie lorsque sa carrière de joueur sera terminée. Il aimerait travailler dans une salle d’urgence ou encore en médecine sportive, mais sans surprise, il a d’autres projets en tête.

« C’est un projet à très long terme, mais j’aimerais ça, avoir un gym qui aurait un partenariat avec un établissement psychiatrique, ce qui pourrait nous permettre de faire des études sur le traitement des dépressions légères avec de l’activité physique en comparaison avec les antidépresseurs. J’aimerais ça, pouvoir continuer dans le milieu universitaire tout en ayant ma pratique », précise-t-il.

« Un autre de mes projets serait d’avoir un gym dont les clients seraient assez fortunés pour parrainer des jeunes de la relève à partir de leur propre abonnement. Des jeunes qui pratiquent des sports dans lesquels il y a moins de commanditaires et d’argent. »

Duvernay-Tardif aimerait pouvoir combiner médecine, activité physique et implication sociale.

« Ce que je veux, c’est que les jeunes bougent ! Je ne veux pas prendre la place ou voler le plancher à d’autres organismes qui existent déjà, mais j’aimerais trouver ma niche là-dedans. »

— Laurent Duvernay-Tardif

C’est d’ailleurs sur ce plan que la perspective de signer un « gros » contrat dans la NFL est la plus intéressante aux yeux de Duvernay-Tardif. Il aurait ainsi les moyens de concrétiser plusieurs rêves qu’il caresse.

« Je me dis que tout est possible. J’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup de projets, à un point tel que je dois parfois les écrire sur une feuille afin de pouvoir dormir ! »

DEVENIR UN LEADER

La progression de Duvernay-Tardif le joueur est fulgurante. Il est devenu partant au début de sa deuxième saison, ce qui serait déjà un exploit en soi pour n’importe quel ancien choix de sixième ronde. C’est doublement impressionnant lorsqu’on tient compte de son inexpérience lorsqu’il est arrivé à Kansas City, il y a deux ans.

Au milieu de sa première saison comme partant, en 2015, Duvernay-Tardif a commencé à s’imposer comme l’un des membres du noyau dur de l’unité qu’il forme avec le centre Mitch Morse et le bloqueur Eric Fisher, le tout premier choix du repêchage de 2013.

« La dynamique au sein de la ligne offensive est très agréable actuellement. Je suis déjà le troisième joueur du groupe qui compte le plus d’expérience, alors on est tous de jeunes joueurs dans des situations similaires et on passe beaucoup de temps ensemble. Et je pense que ça se répercute sur le terrain. »

Duvernay-Tardif a pris soin de souligner qu’il ne tenait rien pour acquis en vue de la prochaine saison : sa place de partant est loin d’être assurée. Il a toutefois un objectif précis en tête.

« Je veux essayer de mettre la dimension de leader de l’avant. Quand c’est difficile et que les choses ne fonctionnent pas bien, je pense que les entraîneurs misent sur les joueurs qui sont avec l’équipe depuis quelques années pour rassembler tout le monde. »

Le garde est d’avis que son jeu a bien progressé à partir du milieu de la saison dernière – au même titre que les Chiefs dans l’ensemble, qui ont remporté leurs 10 derniers matchs en saison. Il sait cependant qu’il a encore beaucoup de travail devant lui afin de s’élever parmi les meilleurs gardes du circuit, ce qu’il pourrait certainement accomplir grâce à son énorme potentiel.

« Je suis capable de réussir des jeux comme les meilleurs gardes de la ligue, ce n’est pas ça le problème. Je joue toujours le pied enfoncé sur l’accélérateur, et ça, c’est un couteau à double tranchant. Ça me permet de faire de très bons jeux, mais je peux également en rater complètement », a noté Duvernay-Tardif.

« Et un joueur de ligne offensive ne peut pas être bon 90 % ou même 97 % du temps. Ça voudrait dire qu’on accorde un sac par match, 16 par saison, et c’est beaucoup trop. Aucun joueur ne conservera sa place dans l’alignement en donnant autant de sacs. Alors le mot d’ordre, c’est la constance. C’est sur ça que je dois continuer de travailler. »

NFL

... l'ambiance au stade Arrowhead

« C’est vraiment spécial de jouer là. Ce n’est pas une histoire de loges avec des gens en cravate. Les gens qui assistent à nos matchs sont des passionnés de football, des familles, des jeunes. Les Chiefs leur tiennent à cœur et ça fait une grande différence au niveau de l’ambiance dans le stade. Ça se répercute également dans la ville. Lorsqu’on gagne, l’ambiance est très festive dans les rues le dimanche soir. »

NFL

... les Chiefs en 2016

Les Chiefs amorceront leur camp vendredi prochain. Et selon Duvernay-Tardif, ce pourrait être le début d’une année mémorable. « Je pense qu’il ne nous manque rien pour tout gagner. On a tout ce que ça prend sur le plan athlétique et sur celui du talent. Il faut y croire et jouer comme des gagnants. C’est un privilège de participer aux séries dans la NFL. On ne peut pas se dire qu’on finira le travail l’année suivante, car les carrières sont tellement courtes au football. »

NFL

... la commotion cérébrale qu'il a subie en janvier

« On ne sait jamais comment une personne va réagir et la force de l’impact n’est pas nécessairement en corrélation avec la gravité de la commotion cérébrale. Je me sentais bien deux jours après l’avoir subie. Mais c’est sûr que c’est alarmant et que j’ai pris le temps d’y réfléchir. Un autre facteur important selon moi, c’est que je n’aurai pas eu à encaisser un plaqué entre janvier et août. Je pense donc que mon cerveau aura eu le temps nécessaire pour bien récupérer. »

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