Mon clin d’œil

Ça tombe bien, les Américains ont une heure de plus pour penser à leur affaire.

TÉMOIGNAGE

« Ben oui, la restauration, c’est sexiste »

J’ai peut-être été naïve, mais c’est vrai

J’ai 20 ans et je reviens d’un séjour de 15 mois en Europe. À mon retour, j’ai besoin d’un job. Je n’aime ni la bière ni regarder le sport à la télévision, mais je me trouve un emploi dans une brasserie.

Première journée d’introduction : je me retrouve avec plusieurs jeunes nouvellement engagés. On nous présente les sept gestionnaires avec qui on travaillera. Sept gars. Ils nous parlent de leur projet, de leur vision, du fait qu’ils veulent mettre l’accent sur l’innovation. Ils réussissent presque à me convaincre.

Je me rappelle la première journée où ils ont abordé le sujet de leur « code vestimentaire ». J’avais justement hâte d’entendre les sept gars novateurs et progressistes se pencher sur la question.

— Il va falloir qu’on se maquille ?

Les gars se regardent, sourire en coin. Malaise un peu trop long, jusqu’à ce que l’un deux se décide à parler : 

« Écoutez, on est en restauration, là. Essayez d’être à votre meilleur, c’est quand même pas trop vous demander, hein ? Pis les gars, ben, pas de maquillage, on s’entend. Ha ! Ha ! Ha ! »

Rires de la petite foule.

C’est après 16 jours et quatre remarques sur mon physique que j’ai démissionné.

Pas assez de maquillage, cheveux mal peignés, « va mettre ton rouge à lèvres, s’il te plaît », « Ah ! Enfin, t’as mis ton rouge à lèvres ! T’es ben belle de même ! »

Les sept révolutionnaires de l’industrie de la restauration sont devenus à mes yeux sept misogynes.

Dans un très récent passé de ma (pourtant jeune) vie de femme, des remarques comme celles-ci, je n’aurais pas pu les encaisser. 

Mon cœur se serre à la pensée de toutes les autres filles qui non seulement se font faire des remarques du genre, mais qui encaissent de telles remarques.

Plusieurs à qui j’ai raconté ce témoignage m’ont dit : « Ben oui, c’est ça le monde de la restauration : c’est sexiste. »

J’ai peut-être été naïve, mais c’est vrai.

Je suis allée chercher mon dernier chèque de paie, sans maquillage. Il m’a regardée en riant.

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