mon clin d’œil STÉPHANE LAPORTE

Si Donald Trump prêche pour l’érection de murs, c’est parce qu’il sait que c’est facile de sauter la clôture.

Opinion : Libre-échange

La Wallonie n’est pas seule dans son opposition

Quelle ne fut pas la surprise des gouvernements canadiens et européens quand la petite région belge de Wallonie a choisi de s’opposer à l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (AECG). Cette opposition a mis en danger et a retardé la ratification du traité. Les acteurs partisans du libre-échange devraient apprendre de cet accrochage.

L’opposition aux accords internationaux en Europe existait bien avant les partis populistes. L’histoire de l’Union européenne, c’est aussi l’histoire d’un déficit démocratique perpétuel. Le sentiment que ce qui se passe à Bruxelles est décidé entre technocrates non élus est bien ancré dans la population. Le fait que lorsque la population est consultée directement les institutions trouvent le moyen de contourner ce problème –  l’adoption après le rejet irlandais du traité de Lisbonne est un bon exemple – rajoute au scepticisme de la population.

Pierre Marc Johnson – négociateur en chef pour le Québec – a beau dire que la population wallonne représente seulement 0,7 % de la population européenne et que, du coup, 99,3 % du reste de cette population trouve ce traité optimal, c’est une déformation de la réalité qui confond l’entendement.

S’il est vrai que les gouvernements des 99,3 % restants sont prêts à signer le traité dans sa forme actuelle, cela ne veut pas dire que leurs populations soutiennent l’AECG aussi unilatéralement.

Il n’est pas surprenant que la Wallonie s’oppose à l’AECG. L’âge d’or économique de cette région est depuis longtemps terminé avec la désindustrialisation et la délocalisation de l’industrie lourde en dehors de l’Europe. Le taux de chômage y est plus élevé que dans le reste de la Belgique et le poids démographique francophone y perd de son importance année après année au profit des Flamands. C’est de bonne fortune pour la Wallonie que la Constitution belge nécessite l’accord des régions avant la ratification d’un traité comme l’AECG. La Wallonie n’est pas seule dans son opposition et si d’autres régions ou – encore mieux – la population pouvaient s’exprimer par référendum, on constaterait l’ampleur de l’opposition.

Aller trop rapidement ?

Les négociateurs européens et canadiens voulaient absolument que le traité soit ratifié le 27 octobre dernier. Pourquoi sont-ils si pressés ? Pourquoi ne pas prendre en considération les inquiétudes de la Wallonie et profiter de cette occasion pour prendre en considération les doléances d’autres régions ? Certains diront que vaut mieux un accord imparfait que l’absence d’accord. Cet état d’esprit ne fait rien pour rassurer les populations inquiètes. D’ailleurs, sans la pression populaire, il y a fort à parier que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États n’aurait pas été modifié pour annuler l’avantage indu qui était donné à ces premiers. Plus de consultations pourraient améliorer substantiellement cet accord.

Les politiciens sont rapides à vanter les retombées économiques et la croissance qui seront amenées par la signature de tout traité de libre-échange. Cependant, la croissance du PIB n’égale pas toujours une amélioration des conditions économiques des citoyens.

La croissance de la productivité et du PIB des pays développés ne cessent de croître depuis les années 80, mais le salaire du travailleur type, lui, stagne.

On promet toujours de grossir la tarte à partager –  comme aimait si bien le dire Jean Charest lorsqu’il discutait du problème des inégalités –, mais il semble que depuis plusieurs années les parts supplémentaires de tarte ne sont pas mangées ici.

On comprend l’empressement du gouvernement canadien de vouloir augmenter ses exportations pour compenser la chute du prix du pétrole. Cependant, il y a de fortes chances que tous ces efforts ne mènent à rien. Avant la signature de ce traité, la Grande-Bretagne était le partenaire économique européen le plus important du Canada. Avec l’incertitude qui règne autour de la situation commerciale future de la Grande-Bretagne, il n’y a pas de quoi se presser.

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