Coupe du monde

Une idée de Gianni

C’est le temps de prendre une petite pause. Il y a des moments comme ça où il faut savoir écouter sa petite voix intérieure, ou encore les conseils de son coach de vie.

Du coup, mettons de côté l’accaparant onze montréalais pour un instant et profitons-en pour contempler l’état de notre monde. Parce que dans le monde (du ballon rond), il y a des changements qui se préparent, avec un nouveau dirigeant qui voit les choses autrement.

Le dirigeant en question a parfois l’air d’improviser, il affectionne les idées qui remettent en question l’ordre établi et il sait aller chercher des appuis parmi la majorité silencieuse des électeurs. Vous l’aurez probablement reconnu, on parle évidemment du nouveau président de l’une des entités les plus influentes sur la planète : Gianni Infantino, patron de la FIFA.

Malgré tous les scandales à propos de la corruption au sein de son organisation, Gianni Infantino s’est donné comme mission de donner une plus grande ampleur à son événement phare : la Coupe du monde de soccer. 

Même s’il avoue lui-même que la formule actuelle du tournoi regroupant 32 équipes est idéale, le projet d’expansion à 40 ou encore à 48 équipes semble être le moyen choisi pour se donner un nouveau souffle et générer encore plus de revenus. Après tout, on parle de modestes recettes de 4,8 milliards US lors du tournoi de 2014 (1).

L’idée derrière tout ça, affirme Infantino, ce n’est pas de détourner l’attention, mais bien de faire la promotion du sport dans un plus grand nombre de pays. L’objectif est louable, mais en pensant comme ça, qu’attend-on pour proposer un tournoi à 64, à 128 ou, pourquoi pas, à 211 équipes ? Notez bien que si l’ONU compte 193 États membres, la FIFA la bat à plate couture avec ses 211 associations. Comme on dit : 211 pays, think big, Gianni !

Comment ça fonctionne ?

Évidemment, vous me direz que trop, c’est comme pas assez. Mais il s’agit d’un dicton qui ne rime pas avec le mode de fonctionnement habituel de la FIFA. Or, si ça peut vous rassurer par rapport à un éventuel changement, sachez que les projets d’expansion à l’étude ne s’appliqueraient qu’à partir du tournoi de 2026.

Et malgré les craintes que suscite la possibilité d’une épreuve comptant 16 équipes de plus qu’actuellement, Infantino pense avoir une solution qui n’allongerait ni la durée du tournoi ni le nombre de matchs disputés par des joueurs déjà surchargés. Ce sont les clubs qui seront contents d’apprendre ça.

Après la proposition initiale d’un tour préliminaire à 32 équipes dont les vainqueurs iraient rejoindre au tableau principal 16 têtes de série, le dernier ballon d’essai lancé dans les médias par Infantino fait maintenant état d’une formule avec 16 groupes de trois équipes. Les deux pays les mieux classés de chaque groupe passeraient ensuite à une nouvelle ronde des seizièmes de finale. Dans un tel scénario, les finalistes disputeraient donc un total de sept matchs, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

Alors, pas si saugrenue que ça, l’idée de Gianni ? À première vue, il est vrai qu’on évite ainsi d’étirer l’événement. Mais l’inquiétude, d’un point de vue compétitif, émane du fait qu’on augmente considérablement les chances d’égalité entre deux, voire trois équipes à l’issue des matchs du tour préliminaire. Imaginez une seconde un groupe avec trois matchs nuls de 0-0... On parle en coulisses de séances de penalties pour aider à départager, mais rien d’officiel – ni de particulièrement convaincant – n’a été présenté.

Il en va de même avec les risques de résultat arrangé lors du troisième match de groupe. Considérez le scénario suivant (toute ressemblance avec la réalité est absolument fortuite). Groupe P à la Coupe du monde 2026, conjointement organisée par les États-Unis et le Canada : Tahiti s’impose 1-0 contre l’Ouzbékistan ; puis un match nul de 1-1 entre les Ouzbeks et Gibraltar. Par conséquent, Tahiti et Gibraltar n’ont qu’à faire match nul entre eux pour se qualifier tous les deux. Ah, vous dire le plaisir qu’on aura ce jour-là...

C’est à se demander si la FIFA a vraiment besoin de ça. Certes, il est possible que la mauvaise foi nous empêche de voir les bons côtés d’un tournoi remodelé. Une Coupe du monde à 48, on a beau croire que ça augmente les chances de participation du Canada, on se demande tout de même qui est le génie qui a pensé à ça.

(1) Rapport financier de la FIFA 2014

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