ÉDITORIAL

Le poker nucléaire

Ça ne peut pas toujours être la faute de Donald Trump. Il arrive que, parfois, ce soit un peu plus compliqué. Le dernier test de missile nord-coréen en constitue un inquiétant exemple.

Bien sûr, le président Trump n’a rien fait pour améliorer les choses. Le 1er janvier, Kim Jong-un se vantait de cheminer vers les « dernières étapes avant le test d’un missile balistique intercontinental » pouvant atteindre les États-Unis. « Ça n’arrivera pas », a alors réagi Donald Trump sur Twitter.

Cette ligne rouge, la Corée du Nord s’en moque. La semaine dernière, elle a testé un nouveau missile. Même s’il ne s’agit pas d’un missile à longue portée pouvant atteindre l’Amérique, le test confirme deux avancées inquiétantes, a relevé le Centre de non-prolifération nucléaire de l’Asie de l’Est. Le missile aurait été lancé d’une plateforme mobile, avec un combustible solide. Il est donc plus facile à cacher et plus rapide à lancer.

Les spécialistes avancent différentes hypothèses pour expliquer le moment choisi par Pyongyang. Peut-être que le régime profite du vide créé par la récente destitution de la présidente sud-coréenne. Peut-être qu’il teste les limites du nouveau président Trump. Peut-être qu’il veut profiter des relations fragiles entre son allié chinois et la nouvelle administration américaine.

Peu importe la raison, la conséquence reste la même : la Corée du Nord continue de s’armer.

Dans la dernière décennie, elle a réalisé cinq essais nucléaires et une multitude de tests de missiles pouvant transporter de telles ogives. Aucun test n’est concluant pour ce qui est d’atteindre le continent américain, mais Pyongyang y travaille et ses ennemis immédiats (Corée du Sud et Japon) sont déjà à portée de tir.

Cela mène à deux questions : pourquoi la Corée du Nord agit-elle ainsi, et que faire ?

Malgré les aspects délirants du régime stalinien, une certaine rationalité s’en dégage. Kim Jong-un s’arme pour dissuader ses ennemis extérieurs de le renverser – il a vu Kadhafi tomber après avoir renoncé à ses ambitions nucléaires en Libye, rappelle Benoît Hardy-Chartrand, spécialiste de la région au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale. De plus, pour neutraliser ses ennemis internes, le tyran crée un état permanent de quasi-guerre.

Au début des années 2000, le président Bush a isolé la Corée du Nord. Le président Obama a au contraire offert de tendre la main au régime, à condition qu’il décrispe son poing. Ni la méthode dure ni la « patience stratégique » n’ont aidé.

Aujourd’hui, les options sont hélas limitées. Il y en a trois : les armes, les sanctions ou la diplomatie.

Épisodiquement, un ex-ministre de la défense américaine propose de bombarder le régime. Mais si l’avenir de l’humanité nous intéresse, il est préférable de ne pas mettre le cou dans cet engrenage nucléaire.

Il y a aussi les sanctions, que le conseil de sécurité de l’ONU avait durci en novembre dernier. Jusqu’à maintenant, elles n’ont pas été efficaces ; l’économie de la Corée du Nord est peu intégrée au reste de la planète, ce qui atténue la punition. Il serait toutefois possible, souligne M. Hardy-Chartrand, de s’attaquer aux entreprises chinoises qui font affaire avec le régime.

Enfin, il reste la carotte de la diplomatie qui pourrait accompagner le bâton des sanctions. Quand le président Clinton y a ouvert la porte dans les années 90, on l’a accusé de compromission. Mais il paraît évident aujourd’hui que cette stratégie aurait été préférable à la course aux armements.

Le président Trump aura besoin de la Chine. Pour l’instant, le pays de Mao maintient sa stratégie en trois priorités : « Pas de guerre, pas d’instabilité, pas de nucléaire ». En d’autres mots : la Corée du Nord peut rester un cimetière pour ses citoyens, tant que la mort reste du bon côté de la frontière…

La communauté internationale semble ainsi placée aujourd’hui devant trois options :  la mauvaise, la pire et l’apocalyptique.

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