BLOGUEUR DÉTENU EN ARABIE SAOUDITE

Raif Badawi pourra refaire sa vie au Québec s’il est libéré

Signe que le Québec s’engage à accueillir le blogueur Raif Badawi si le régime saoudien fait preuve de clémence à son égard, il lui délivre dès aujourd’hui un certificat de sélection « humanitaire », ont indiqué à La Presse des sources bien au fait du dossier.

L’annonce sera faite ce matin à l’Assemblée nationale par les ministres de l’Immigration, Kathleen Weil, et des Relations internationales, Christine St-Pierre.

L’opposition officielle, qui réclamait hier encore l’adoption d’une telle mesure, a également été conviée à l’annonce.

Québec envoie ainsi un « signal fort » au gouvernement fédéral pour l’inciter à lui emboîter le pas, l’immigration étant une compétence partagée entre les deux ordres de gouvernement.

« On est vraiment très contents », a indiqué à La Presse Mireille Elchacar, d’Amnistie internationale.

« Comme le gouvernement canadien lui-même ne semble pas agir, [cette démarche montre qu’]au Québec, on est prêts à l’accueillir et que ça peut être une voie de sortie. »

— Mireille Elchacar, Amnistie internationale

Le cabinet du ministre fédéral de l’immigration, Chris Alexander, n’a pas rappelé La Presse, hier soir.

POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE

Le certificat de sélection est un document qui autorise un candidat à l’immigration à s’établir de façon permanente au Québec. Son attribution pour des motifs humanitaires accélère la procédure habituelle.

La ministre Kathleen Weil a usé de son pouvoir discrétionnaire pour délivrer un tel certificat à Raif Badawi.

« Pour être réfugié, normalement, il faut sortir du pays avant de faire la demande, mais là, évidemment comme il est emprisonné, ce n’est pas possible », explique Mme Elchacar.

Pour ses écrits appelant ses concitoyens à réfléchir sur la place de la religion dans leur société, Raif Badawi a été condamné à recevoir 1000 coups de fouet, à purger 10 ans de prison et à verser une amende de 1 million de rials (plus de 300 000 dollars) assortie d’une interdiction de quitter le territoire saoudien pendant 10 ans.

Il faudra donc aussi que le régime saoudien lui accorde la clémence d’une façon ou d’une autre, si le roi le gracie, par exemple, avant qu’il ne puisse espérer retrouver sa femme et ses trois jeunes enfants qui ont trouvé refuge en Estrie.

Ses défenseurs espèrent que le geste de Québec favorisera un tel dénouement.

REPRISE POSSIBLE DE LA FLAGELLATION

La délivrance d’un certificat de sélection pour Raif Badawi intervient alors que beaucoup craignent que les autorités saoudiennes ne reprennent les séances de flagellation, aujourd’hui.

Le blogueur avait reçu ses cinquante premiers coups de fouet le 9 janvier, mais les séances suivantes ont toutes été suspendues, d’abord pour des raisons de santé, puis sans explication.

La confirmation de sa condamnation et de sa peine par la Cour suprême saoudienne, dimanche, pourrait signifier la reprise de son châtiment, dont la critique internationale irrite grandement Riyad.

La sentence prévoit qu’il reçoive 50 coups de fouet tous les vendredis midi, devant une mosquée de Djeddah, près de La Mecque, dans l’ouest du pays, pendant 20 semaines.

Sa femme, Ensaf Haidar, participera aujourd’hui à la vigile hebdomadaire organisée par Amnistie internationale devant l’hôtel de ville de Sherbrooke.

RIYAD REJETTE TOUTE CRITIQUE

L’Arabie saoudite a rejeté hier toute critique et toute ingérence étrangère dans l’affaire du blogueur Raif Badawi, dont la condamnation à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet pour « insulte à l’islam » a été confirmée par la Cour suprême. Le royaume a exprimé « son incrédulité et sa condamnation » face aux critiques étrangères sur « le cas du citoyen saoudien Raif Badawi », a indiqué l’agence officielle SPA, citant une source officielle au ministère des Affaires étrangères. La justice en Arabie saoudite « jouit de l’indépendance et le royaume n’accepte aucune ingérence [dans son système] et ses affaires internes d’une quelconque partie », a ajouté cette source officielle saoudienne. Mardi, la ministre suédoise des Affaires étrangères Margot Wallström, qui avait provoqué une crise diplomatique avec Riyad en mars à propos des droits de l’homme, a de nouveau accusé l’Arabie saoudite d’user d’une « méthode moyenâgeuse » en ayant recours à la flagellation.

— Agence France-Presse

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