Chronique

À bas les pénalités hypothécaires exorbitantes

Avec des taux aussi bas que 2,54 %, ce printemps, plusieurs propriétaires seront tentés de signer une hypothèque sur cinq ans qui les met à l’abri d’une éventuelle remontée des taux.

Prudence ! Les banques qui se livrent une guerre de taux sans merci pour attirer la clientèle se reprennent à la sortie en imposant des pénalités exorbitantes aux clients qui doivent mettre fin à leur prêt avant le terme.

Et ils sont nombreux. Divorce, changement d’emploi, naissance. La vie peut changer vite en cinq ans. Et la banque vous attend dans le détour.

Prenons un jeune couple qui a acheté une maison, il y a trois ans, avec une hypothèque de 300 000 $, à un taux de 3 % pour un terme de cinq ans. Disons qu’un des conjoints a une offre d’emploi fantastique qui force la famille à déménager. Zut ! Pour mettre fin à son hypothèque deux ans avant le terme, il lui en coûtera plus de 9 000 $ chez Desjardins, par exemple.

La plupart des prêteurs imposent des pénalités semblables. Mais pas tous, comme le démontre une comparaison réalisée à partir du calculateur de RateHub.

Ces pénalités astronomiques sont bien surprenantes, car les taux ont peu bougé depuis trois ans. Pourtant, les pénalités visent à dédommager le prêteur pour son manque à gagner dans un contexte où les taux d’intérêt auraient fondu et où il ne serait plus en mesure de replacer son argent à un taux aussi avantageux.

Or, la méthode de calcul des pénalités fait en sorte que les clients doivent verser des sommes faramineuses pour se défaire de leur prêt, même quand les taux sont demeurés stables.

Autrement dit, la banque est dédommagée, même quand elle ne subit pas de perte. C’est déraisonnable.

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Comment cela est-il possible ?

Généralement, la pénalité équivaut à trois mois d’intérêt ou au « différentiel du taux d’intérêt », selon la formule qui donne la pénalité la plus élevée.

Avec la formule du différentiel, les clients doivent verser une pénalité qui correspond à la différence entre l’ancien et le nouveau taux. Par exemple, si l’hypothèque a été conclue à 5 % il y a trois ans et que le taux actuel n’est plus que de 3 % pour le terme restant (ex. : 2 ans), il devra payer 2 % d’intérêt sur le solde du prêt.

Là où le bât blesse, c’est que la majorité des prêteurs n’utilisent pas le « vrai » taux de l’hypothèque, mais plutôt le taux affiché au moment de la signature qui est facilement deux points de pourcentage au-dessus du taux négocié pour un terme de cinq ans.

Il est vrai que les prêteurs utilisent également le taux affiché pour déterminer le taux du terme restant. Mais sur les termes plus courts (un an ou deux), le rabais de taux n’est que de 0,6 point de pourcentage.

Cette différence de rabais de taux, qui tourne autour de 1,5 point de pourcentage, permet aux prêteurs de gonfler les pénalités.

Sans ce tour de passe-passe, il n’y aurait tout simplement pas de différentiel de taux. Le propriétaire n’aurait à payer que trois mois d’intérêt. Pour notre jeune couple de tout à l’heure, cela voudrait dire 2000 $ au lieu de 9000 $.

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Il serait temps qu’Ottawa encadre les pénalités hypothécaires qui demeurent l’une des plus importantes sources de plaintes enregistrées par l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI), année après année.

Dans son budget 2010, le gouvernement avait promis de « normaliser le calcul et la divulgation des pénalités imposées lors du paiement anticipé d’un prêt hypothécaire ».

Fausse joie ! Finalement, la normalisation a pris le bord. Ottawa a quand même forcé les banques à être plus transparentes. Désormais, elles doivent notamment fournir un calculateur sur leur site web permettant aux clients d’estimer leur pénalité.

C’est un pas en avant. Mais on pourrait aller beaucoup plus loin en s’attaquant à la méthode de calcul elle-même et en dégonflant carrément les pénalités. Ou pourquoi ne pas les abolir comme aux États-Unis ?

Là-bas, les pénalités hypothécaires n’existent pas. Les banques se protègent à l’aide de produits dérivés. Le coût de ces produits fait peut-être grimper légèrement les taux hypothécaires, mais au moins les consommateurs savent à quoi s’attendre dès le départ, rapporte Richard Beaumier, courtier chez Profusion Immobilier.

Il y a quelques années, il avait rédigé un mémoire au nom de la Fédération des chambres immobilières du Québec proposant différentes solutions pour encadrer les pénalités. « Ces pénalités sont anormales et malsaines. Elles nuisent à la liquidité du marché », dit-il.

Plus récemment, le NPD a déposé un projet de loi visant à limiter les pénalités à six mois d’intérêts. Quant à moi, trois mois seraient déjà bien assez.

Certains diront que les banques devraient même dédommager les clients qui brisent leur hypothèque lorsque les taux se mettront à remonter. Mais il ne faut pas rêver en couleur !

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