Adieu les Jeux ?

La canoéiste québécoise Laurence Vincent-Lapointe, espoir de médaille olympique à Tokyo en 2020, est suspendue après avoir échoué à un contrôle antidopage.

Déception chez les fans de sport : la multiple championne du monde de canoë-kayak Laurence Vincent-Lapointe a échoué à un contrôle antidopage. Suspendue par la Fédération internationale de canoë (FIC), l’athlète entend prouver son innocence et a évoqué la contamination de ses suppléments, selon son agente Marie-Anik L’Allier.

Ce faux pas pourrait lui coûter une participation aux prochains Jeux olympiques, dans un contexte où la prise de suppléments par les athlètes de haut niveau est à considérer avec une extrême prudence, selon l’Agence mondiale antidopage (AMA) et le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES).

« Laurence s’assure que ses suppléments ne contiennent pas de substances interdites par l’AMA », a dit Mme L’Allier à La Presse. Selon elle, la championne du monde aurait consommé sans le savoir des suppléments contaminés par un produit interdit, le ligandrol.

Laurence Vincent-Lapointe est en attente de son audience, qui devrait avoir lieu à l’automne, selon son agence. La décision finale de la FIC arrivera en octobre. L’athlète et étudiante en sciences infirmières serait prête à passer au polygraphe, selon les propos rapportés par sa représentante. La contamination s’est faite par inadvertance, a insisté son agente. « Pourquoi j’aurais voulu creuser l’écart et mettre en jeu ma réputation et ma carrière ? Je suis déjà la première », a-t-elle dit, selon les propos rapportés par Mme L’Allier.

Les résultats du test antidopage obtenus le 13 août ont eu un effet dévastateur sur la canoéiste, a dit Mme L’Allier. Il s’agissait d’un test hors compétition, effectué de façon inopinée à la fin de juillet, alors que la Trifluvienne était en camp d’entraînement. « Elle était frustrée et n’y croyait pas. C’est un cauchemar dont elle ne peut se réveiller », a-t-elle décrit.

« Par souci d’équité et de justice envers les fans et les autres athlètes, nous devons garder notre sport propre. »

— Ross Solly, porte-parole de la Fédération internationale de canoë

Tous les arguments fournis par l’athlète seront pris en compte avant de rendre le jugement final. Les pénalités dépendent de la gravité du cas et des circonstances atténuantes présentées par l’athlète, a-t-il ajouté. Les suspensions maximales sont de quatre ans, mais certains écopent de deux ans.

« Des sportifs, toutes disciplines confondues, ont énoncé avoir pris involontairement des substances contaminées. La responsabilité de le prouver et de vérifier ce qu’il consomme revient à l’athlète », a conclu M. Solly.

Un risque supplémentaire

Depuis l’apparition des suppléments, il y a des possibilités de contamination. « Les athlètes prennent des produits qu’ils espèrent propres et font confiance à leur entourage », a dit Christiane Ayotte, directrice du laboratoire de contrôle du dopage de l’INRS – Institut Armand-Frappier.

Le ligandrol a envahi le marché noir et abonde sur l’internet, selon elle. Cet anabolisant améliore les performances sportives, tout comme la testostérone. Il est interdit par l’Agence mondiale antidopage (AMA).

Le danger d’en retrouver dans ses gélules demeure concret. « En prenant des suppléments vendus sur l’internet, par exemple, un sportif prend une décision risquée », selon Mme Ayotte.

Elle a dit à La Presse qu’elle ne voulait pas discuter du cas de la championne de canoë. Même si le dopage se fait à l’insu de l’athlète, il s’agit tout de même d’une infraction, explique-t-elle.

« L’athlète doit passer par le processus et démontrer à l’aide de preuves tangibles qu’il a été contaminé sans le savoir. »

— Christiane Ayotte, directrice du laboratoire de contrôle du dopage de l’INRS – Institut Armand-Frappier

Difficile de certifier l’absence de produits illégaux dans les suppléments, puisque l’industrie des suppléments est peu réglementée, explique Megan Cumming, porte-parole du CCES. Le centre a mis en garde les athlètes : la prise de suppléments peut avoir des conséquences irréversibles sur une carrière.

Beaucoup de tests positifs ont été attribués à l’utilisation de suppléments alimentaires, confirme Maggie Durand, porte-parole de l’AMA. Mais la prise d’un supplément mal étiqueté ne constitue pas une défense adéquate devant un tribunal, précise-t-elle. L’AMA n’approuve aucune substance et aucun produit et recommande une extrême prudence.

Une croix sur Tokyo ?

L’annonce de la suspension provisoire de Laurence Vincent-Lapointe a créé une onde de choc. Avec raison : le meilleur espoir québécois de médaille d’or aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020 risque de manquer l’occasion d’y faire briller le Canada.

La canoéiste a dû dire adieu aux Championnats du monde de Szeged, en Hongrie, où elle devait se rendre la semaine prochaine. Les essais nationaux de canoë-kayak en mai 2020 seront donc la seule occasion pour la sportive de se qualifier pour les Jeux olympiques, confirme Colleen Coderre, porte-parole de Canoe Kayak Canada. Les JO ouvriront leurs portes pour la première fois au canoë féminin en 2020 à Tokyo.

« Tant et aussi longtemps qu’on n’a pas la décision finale de la FIC, l’inquiétude règne. L’essentiel, c’est de s’efforcer de prouver son innocence », a dit l’agente de l’athlète.

La sportive de 27 ans s’est imposée comme la meilleure dans sa discipline. Elle détient deux records du monde et 13 médailles d’or aux Championnats du monde.

QU’EST-CE QUE LE LIGANDROL ?

Le ligandrol est un modulateur sélectif du récepteur aux androgènes similaire à la testostérone et agit comme un anabolisant. Il va augmenter la force musculaire et la puissance de l’athlète. Il assure une meilleure récupération après l’entraînement. Il ne possède pas les mêmes effets secondaires que les stéroïdes anabolisants. Les anabolisants figurent sur la liste des substances et méthodes interdites depuis plusieurs années et ont fait l’objet de nombreuses recherches menées par l’AMA afin d’améliorer leur détection. En juillet, la nageuse australienne Shayna Jack a déclaré avoir subi un contrôle positif au ligandrol. Elle aussi clame son innocence et soutient ne pas avoir pris cette substance intentionnellement.

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