Congrès du NPD

Un vote de désaveu

OTTAWA — Les militants du NPD ont causé une réelle commotion hier en votant pour remplacer leur chef Thomas Mulcair, six mois après la défaite crève-cœur subie aux dernières élections fédérales. C’est la première fois que le parti fondé en 1961 chasse un leader de cette manière.

Une faible majorité de 52 % des quelque 1900 délégués présents au congrès à Edmonton s’est prononcée en faveur de la tenue d’une course à la direction du parti. Avec seulement 48 % des appuis, M. Mulcair était loin de la barre des 70 % qui, selon certains, était le seuil minimal à atteindre pour continuer à diriger ses troupes.

Les résultats du vote ont été prononcés peu avant 15 h et ont été suivis par un lourd silence percé d’à peine quelques cris de triomphe. En prenant la parole quelques minutes plus tard, M. Mulcair a annoncé qu’il resterait en poste en attendant que les membres du parti élisent son successeur. Les militants ont voté pour faire passer le délai limite pour l’élection d’un nouveau chef de 12 à 24 mois.

« La déception des dernières élections est une chose que nous pourrons enfin laisser derrière nous avec un changement à la barre. Et c’est bien. »

— Thomas Mulcair

Il a lancé un appel à s’unir derrière le prochain chef. Mais son successeur pourrait avoir du pain sur la planche : en plus de la nette division dans le vote de confiance à l’égard de M. Mulcair, des divisions ont aussi été observées au cours du week-end à l’égard du manifeste Un bond vers l’avant, qui prône entre autres un délaissement des énergies fossiles.

Ces propositions ont créé un malaise au sein de la section albertaine du parti, mais les délégués ont tout de même voté pour une résolution qui propose de débattre des principes du texte. Ce malaise et ces divisions pourraient donc persister au cours des prochains mois.

SURPRISE DE TAILLE

Le résultat du vote de confiance à l’endroit de M. Mulcair a surpris plusieurs des membres de la formation réunis à Edmonton. Le sort du chef était impossible à prédire, mais peu de gens s’attendaient à un désaveu d’une telle ampleur.

Le député Peter Julian est du lot : « Je suis attristé, il n’y a aucun doute. Tom a fait un travail extraordinaire à la Chambre des communes. Stephen Harper serait toujours premier ministre si Tom n’avait pas fait ce travail », a-t-il déclaré.

Plusieurs ont eu du mal à cacher leur déception. Peu avant le vote, les députés du Québec avaient publié une lettre pour appuyer leur chef. Plusieurs ont paru secoués par les résultats, hier, certains étaient même en larmes en quittant la salle.

« Le parti a fait une grande erreur. »

— L’avocat montréalais Julius Grey, militant néo-démocrate et ami de longue date de Thomas Mulcair

La frustration à l’endroit de M. Mulcair s’explique de plusieurs manières, incluant sa décision de tirer le parti vers le centre par des politiques comme la promesse du déficit zéro. Sa gestion du débat sur le niqab aux dernières élections a aussi fait des mécontents, qui ont jugé que sa position avait été mal communiquée aux électeurs.

« Plusieurs députés étaient fâchés d’avoir perdu leur poste et plusieurs militants sont frustrés du résultat d’octobre, et c’est Tom qui a payé le prix, même s’il n’était pas responsable de tous nos malheurs », a expliqué Hans Marotte, candidat défait aux dernières élections.

« On ne s’attendait pas à ce que le rejet soit si fort », a ajouté M. Marotte.

TROIS COURSES À LA DIRECTION

Au cours des dernières semaines, les prises de position pour et contre le chef néo-démocrate se sont multipliées, tant par ses collègues ou ex-collègues que par des organisations syndicales et des membres d’associations de circonscriptions.

Samedi, la présidente de l’Alliance de la fonction publique du Canada, qui représente plus de 150 000 fonctionnaires à travers le pays, a décidé de délaisser la réserve qu’elle avait maintenue jusque-là, pour finalement réclamer un changement de chef.

Les jeunes néo-démocrates ont aussi pris position contre le leader ; et son engagement de mettre en œuvre les propositions du manifeste Un bond vers l’avant (si elles sont adoptées) a aussi pu lui mettre à dos plusieurs néo-démocrates de l’Alberta, où se tenait l’événement.

Quelques minutes avant le début du scrutin, le député d’Outremont a tenté une dernière fois de rallier les délégués, dans un discours qui se voulait un appel à l’unité pour mettre en œuvre l’ordre du jour traditionnel du parti. « Si vous vous tenez debout avec moi, alors ensemble, nous ne cesserons jamais de nous battre ! », a-t-il lancé.

Bien qu’accueilli par des ovations debout sur le plancher du congrès, son discours a reçu un accueil partagé et a vraisemblablement été insuffisant.

Il s’agira donc de la deuxième course à la direction pour les néo-démocrates en quelques années : ils avaient élu le politicien québécois en 2012 pour succéder à Jack Layton après sa mort. Les trois principaux partis de l’opposition à Ottawa se retrouvent maintenant dans cette position – le Parti conservateur après le départ de Stephen Harper et le Bloc québécois après celui de Gilles Duceppe.

— Avec La Presse Canadienne et Vincent Marissal

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