Les origines du conflit
Pour reconstituer le grand casse-tête nord-coréen, il faut prendre un peu de recul. Voici quelques-unes des pièces qui le constituent.
Trois questions pour mieux comprendre les deux Corées
Pourquoi deux Corées ?
Retour en arrière en Asie du Nord-Est. En 1910, le Japon annexe la Corée pour en faire une province de son empire. Trente-cinq ans plus tard, le Japon perd la Seconde Guerre mondiale. Les vainqueurs divisent alors la Corée en zones d’occupation. Au nord, la sphère soviétique (russe) est communiste. Au sud, l’américaine est capitaliste. En 1948, la Corée du Nord et la Corée du Sud deviennent des États distincts. « L’histoire a un poids démesuré dans cette région. On la ressent encore dans les relations d’aujourd’hui », dit le chercheur Benoit Hardy-Chartrand, du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale (CIGI). On peut le constater. Le Japon, la Russie, les États-Unis et la Chine sont des acteurs importants dans la crise actuelle.
Pourquoi la guerre de Corée ?
Le dimanche 25 juin 1950, la Corée du Nord attaque le Sud sans prévenir. Son objectif : réunifier le pays par la force. « L’avancée est rapide. Mais les Américains repoussent l’armée nord-coréenne à la frontière chinoise », dit Benoit Hardy-Chartrand. Puis, les Chinois s’en mêlent par solidarité communiste. Et surtout pour chasser les « impérialistes » arrivés à leurs portes. L’armée chinoise refoule les Alliés vers le 38e parallèle nord, qui sert de frontière entre les deux Corées. Officiellement, les Russes ne sont pas impliqués dans le conflit. Mais ils aident les Chinois et la Corée du Nord. Après cette poussée, la guerre s’enlise. « La séparation entre les Corées du Nord et du Sud se cristallise durant cette guerre », dit l’expert de l’Asie du Nord-Est.
Pourquoi le conflit perdure-t-il ?
L’armistice est signé en 1953 entre la Corée du Nord, la Chine et l’ONU. Mais la Corée du Sud n’est pas à la table. En fait, l’accord de paix entre les deux Corées n’a jamais été ratifié. « Ça signifie que les deux pays sont toujours techniquement en état de guerre », explique Benoit Hardy-Chartrand. Une convention d’armistice n’a pas la même valeur qu’un traité de paix. Il n’établit pas des procédures de résolution des conflits à venir ni les obligations des deux parties. « Cette situation affecte les relations intercoréennes, ajoute M. Hardy-Chartrand. Les deux pays ne se sont jamais entendus pour mettre sur pied un régime de paix qui aurait pu jeter les bases d’une plus grande coopération et peut-être, à terme, d’une réunification. »
La dynastie communiste des Kim
De Kim Il-sung à son petit-fils Kim Jong-un, les leaders de la Corée du Nord gardent une emprise sur le pays. Qui sont-ils ?
Une dictature
Les structures politiques du régime nord-coréen sont dictatoriales. Elles ont été modelées, en grande partie, sur celles de l’Union soviétique de l’époque. Et elles ont peu changé, même si elles datent de la fin des années 40.
Avec l’aide de Staline
Le leader soviétique Joseph Staline a donné le pouvoir à Kim Il-sung, un résistant communiste antijaponais, en 1948. « Sous sa gouverne répressive, le pays s’est développé rapidement, dit Benoit Hardy-Chartrand. Le peuple lui vouait un respect réel. »
Armes nucléaires
Les choses se gâtent avec son fils Kim Jong-il. La Corée du Nord subit une grande famine de 1994 à 1997. Bilan : de 1 à 3 millions de morts. Il axe son programme sur les dépenses militaires et sur le développement des armes nucléaires.
Optimisme prudent
Après la mort de son père, Kim Jong-un prend le pouvoir en 2012. « Son arrivée a amené une dose d’optimisme prudent, dit le chercheur au CIGI. Il était plus jeune, donc plus ouvert aux changements. » Il avait notamment étudié en Suisse.
Fin des relations
Rapidement, le nouveau leader signe un accord avec les États-Unis. En échange d’aides, il accepte un gel du programme nucléaire. Peu après, il lance un satellite dans l’espace… « Les relations ne se sont jamais rétablies », précise le chercheur.
Le nucléaire, toujours le nucléaire
« Le pays a la main sur le nucléaire depuis 50 ans », dit M. Hardy-Chartrand. Il travaille sur des réacteurs depuis les années 60. Et sur l’armement depuis les années 80. « C’est une fierté nationale d’être dans ce club exclusif », explique-t-il.
Escalader des montagnes
Le dirigeant actuel de la Corée du Nord, Kim Jong-un, peut escalader une montagne de plus de 2700 mètres en souliers vernis. Il a conduit seul sa première automobile à l’âge de 3 ans. Il pilote même un avion sans avoir pris de leçons…
Son père, Kim Jong-il, était, entre autres, un excellent golfeur. Lors de son premier parcours, il avait réussi 11 trous d’un coup ! Et ce ne sont pas les titres spéciaux qui manquent pour le désigner : « Guide des rayons du soleil », « Grand homme descendu du ciel », etc.
Vous l’aurez deviné, il s’agit de propagande. « Les leaders de la Corée du Nord font l’objet d’un culte de la personnalité », souligne Benoit Hardy-Chartrand, également associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’Université du Québec à Montréal.