Vers PyeongChang  Patinage artistique

Le chapitre montréalais de Virtue et Moir

Après sept ans à Waterloo et dix ans à Detroit, les patineurs Tessa Virtue et Scott Moir écrivent le troisième et dernier chapitre de leur carrière à Montréal, une ville « vibrante » qu’ils ont rapidement adoptée. À l’amorce de la dernière ligne droite pour les Jeux olympiques de PyeongChang, les danseurs ontariens ont fait un ultime blitz médiatique hier à l’aréna Gadbois.

Depuis un an et demi, Tessa Virtue et Scott Moir vivent chacun de leur côté du canal de Lachine. À cinq minutes de l’aréna Gadbois, à deux minutes et demie du gym et à distance de marche du marché Atwater.

Une fois par semaine, ils sortent de leur Saint-Henri chéri et ses cafés branchés pour une séance sur la glace olympique de l’aréna Maurice-Richard. Ils y croisent Charles Hamelin et les patineurs de vitesse courte piste, comme ce sera le cas dans moins de trois mois aux Jeux de PyeongChang.

Un peu comme le skieur acrobatique Alexandre Bilodeau, qui refusait de dire qu’il s’en allait « défendre » sa médaille d’or olympique à Sotchi, Virtue et Moir ne voient pas ces troisièmes Jeux comme une occasion de reprendre le titre conquis à Vancouver, mais qui leur a échappé en Russie, où ils ont fini deuxièmes.

« Notre retour n’était pas une question de revanche », assure Moir. On est très satisfaits de notre expérience olympique en 2014. On est fiers de la façon dont on a compétitionné, fiers de notre résultat. La médaille d’argent était une célébration pour nous. »

« Nous sommes revenus parce que nous pensions pouvoir améliorer notre patinage. On avait plus à donner. C’était plus ça que de tenter de reprendre un titre. »

— Scott Moir

L’Ontarien de 30 ans tenait un discours un peu différent au lendemain de Sotchi. Il avait manifesté son amertume face à ce qu’il considérait comme une forfaiture de son entraîneuse Marina Zoueva, une Russe qui dirigeait le duo canadien depuis 10 ans en banlieue de Detroit. Celle-ci aurait accordé plus d’attention aux futurs champions olympiques, les Américains Meryl Davis et Charlie White.

Présent à Sotchi à titre d’entraîneur d’un couple espagnol, Patrice Lauzon avait senti le désarroi de ses anciens coéquipiers, pour qui il était un mentor avec sa partenaire Marie-France Dubreuil. Il avait assisté à chacun de leur entraînement en Russie. Il était allé leur prodiguer des encouragements à quelques minutes de leur programme libre.

« Je crois qu’il sentait qu’on en avait besoin », se souvient Virtue. « Il avait raison », ajoute Moir.

Après cette expérience un peu pénible, ce dernier avait « craché le morceau » à Lauzon.

La passion pour le sport

Deux ans plus tard, l’entraîneur a donc été un peu surpris quand Moir l’a contacté pour lui manifester son désir de reprendre la compétition après une pause.

« Je tâtais le terrain et c’est la première chose qu’il m’a dite, se souvient Moir. Il pensait que j’avais un peu perdu la passion pour le sport. Aujourd’hui, je peux dire qu’il a ramené beaucoup de cette passion en moi. Voir à quel point Marie-France et lui s’investissent dans leurs athlètes, à quel point ils sont attentionnés, ça a fait une différence énorme pour moi. »

Peu après l’arrivée à Montréal de Virtue et Moir, il y a un an et demi, Lauzon a croisé Dominick Gauthier près du gym où B2Dix a ses quartiers, à Saint-Henri. Il s’est enquis de l’intérêt de la structure d’entraînement privée, financée par de riches hommes d’affaires, à prendre les danseurs sous son aile.

Gauthier, le directeur des programmes de B2Dix, demandait à être convaincu. « Je ne dirais pas qu’on y allait à reculons, mais on doutait un peu, révèle-t-il. On se demandait s’ils revenaient pour les bonnes raisons, s’ils étaient prêts à faire des choix différents, comme patiner moins et faire plus de travail à l’extérieur de la glace. »

Après plusieurs rencontres, B2Dix s’est engagé auprès des doubles médaillés olympiques. Aujourd’hui, ils sont une dizaine de spécialistes (préparateur, nutritionniste, psychologue sportif, professeur de Pilates, etc.) à œuvrer autour de Virtue et Moir.

Gauthier décrit l’association comme un « match parfait », d’autant que le studio d’entraînement de l’organisation est littéralement situé à mi-chemin entre l’aréna et les deux appartements des patineurs.

Car non, malgré leur complicité manifeste, ils ne forment pas un couple dans la vie. Comment décrire leur relation, commencée il y a 20 ans, alors qu’elle avait 7 ans et lui, 9 ? « C’est quelque part entre un couple et des collègues de travail », a déjà proposé Lauzon.

« Les gens veulent mettre une étiquette là-dessus, mais on n’a jamais été en mesure d’en trouver une », précise Virtue.

« Il y a quelque chose de tellement puissant à partager un objectif commun et d’y investir chaque parcelle de ton corps. Ça te lie d’une façon presque inexplicable que personne d’autre ne pourrait comprendre. »

— Tessa Virtue

Retour triomphant

Virtue et Moir ont littéralement tout gagné depuis leur retour à la compétition la saison dernière : un septième titre canadien, quatre Grands Prix et une finale et une troisième médaille d’or aux Championnats du monde.

Ironiquement, ils ont détrôné les Français Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, double tenant du titre… et partenaires d’entraînement à Montréal.

Cette cohabitation n’est pas passée inaperçue dans les hauts cercles de la fédération française. Les coachs canadiens favoriseraient-ils leurs compatriotes et amis ? « Il n’y a pas de tension, assure Virtue. Marie-France et Patrice font tellement un bon travail pour gérer ça. Ça ne nous traverse pas l’esprit. Chaque équipe reçoit 100 % de leur attention à tous les niveaux. Ils veulent sortir le meilleur de tous les athlètes, et on le sent. »

Cette saison, les Canadiens et les Français ne se sont livré que des duels à distance. Aux Internationaux Patinage Canada de Saskatoon, à la fin octobre, Virtue et Moir ont établi deux records mondiaux, frôlant les 200 points au cumulatif des deux programmes. Ils rêvaient de briser cette barrière la semaine dernière au Japon – ce que les Français viennent de réussir en Chine –, mais des erreurs sur une séquence de pas et une volte les ont laissés à court.

« On est satisfaits de la performance, mais quand tu sais que tu es passé proche d’un record mondial, ça te laisse un goût d’inachevé », résume Lauzon.

Virtue-Moir et Papadakis-Cizeron se mesureront une seule fois avant les Jeux lors de la finale des Grands Prix de Nagoya (Japon), du 7 au 10 décembre. « C’est une étape importante, convient Virtue, mais je ne crois pas que ça indiquera qui gagnera les Jeux olympiques. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.