Chronique

Piégée sur le web, lâchée par sa carte de crédit

Comme des centaines de Québécois, Johanne Mondou a été piégée sur l’internet. En commandant des échantillons de produits de beauté pour une dizaine de dollars, elle s’est retrouvée abonnée à un service coûtant plus de 200 $ par mois.

Ce genre d’attrape a suscité plus de 430 plaintes depuis deux ans à l’Office de la protection du consommateur (OPC), dont plusieurs récemment. Face à cette vague, l’OPC a d’ailleurs lancé une alerte au début de l’été, plus spécifiquement contre l’entreprise Tru Belleza.

Normalement, les consommateurs québécois sont protégés contre les filous du web. Depuis 2007, la Loi sur la protection du consommateur (LPC) contient un vrai petit bijou : la « rétrofacturation ».

Cette mesure permet aux internautes d’annuler leur commande lorsque le commerçant n’envoie pas le produit ou ne respecte pas l’entente. Et si l’entreprise refuse, le client peut exiger que l’émetteur de sa carte de crédit, qui a des tentacules partout dans le monde, lui « rétrofacture » la somme.

Un magnifique outil… sur papier. Mais dans la vraie vie, les émetteurs de cartes de crédit se font tirer l’oreille pour appliquer la rétrofacturation, même si le mécanisme est écrit noir sur blanc dans la loi depuis presque 10 ans.

« Les échos donnés par les consommateurs qui portent plainte à l’Office tendent à faire croire que les institutions financières qui offrent spontanément la rétrofacturation au détenteur de la carte ne semblent pas être en majorité », m’a confirmé le porte-parole de l’OPC, Charles Tanguay.

Souvent, les consommateurs essuient un premier refus lorsqu’ils téléphonent au service à la clientèle de leur carte. On leur réplique qu’ils n’avaient qu’à lire les petits caractères avant sur le site web pour ne pas tomber dans le panneau. Les détenteurs de cartes sont alors obligés de faire une plainte écrite pour qu’on respecte leurs droits.

Mais dans le cas de Johanne Mondou, rien n’y a fait. Voici son histoire…

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Fin juillet, Mme Mondou commande deux échantillons de produits de beauté Hydrolux sur l’internet pour 10,94 $ au total. Mais 14 jours plus tard, l’entreprise prélève deux montants de 102,48 $US sur sa carte de crédit de la Banque Nationale, dont elle est cliente depuis 25 ans.

La dame ne perd pas son temps. Dès le lendemain, elle demande l’annulation au commerçant qui refuse en expliquant qu’elle avait 14 jours pour annuler sa commande, faute de quoi elle se retrouvait automatiquement abonnée à une livraison mensuelle. Or, cette tactique de vente par « option négative » est interdite en vertu de l’article 230c de la LPC.

Même si le site web de l’entreprise en faisait état, Mme Mondou n’a jamais été informée de ce mécanisme d’abonnement tordu. En vertu de la LPC, le commerçant avait pourtant l’obligation de lui préciser clairement tous les éléments essentiels de l’offre avant la transaction et de lui envoyer un contrat reprenant tous ces éléments dans les 15 jours suivant la transaction.

Selon la loi, le contrat doit inclure le nom, l’adresse, le numéro de téléphone de l’entreprise ; une description détaillée des biens ou des services ; le prix, les frais connexes et les taxes applicables, y compris les droits de douane et des frais de courtage ; la devise utilisée, et j’en passe.

Rien de cela n’a été fourni à Mme Mondou. Au contraire, quand elle a téléphoné pour demander l’adresse afin de retourner les échantillons, on lui a dit que c’était confidentiel.

Ben voyons donc !

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Manifestement, le cybercommerçant n’a pas respecté la loi. Alors pourquoi la Banque Nationale refuse-t-elle de rétrofacturer sa cliente ? Mystère et boule de gomme.

« Nous ne commenterons pas le cas spécifique que vous soulevez outre que de réitérer que certaines conditions doivent être respectées pour que nous puissions procéder à une rétrofacturation », m’a répondu le porte-parole de la banque, Jean-François Cadieux.

Souvent, les émetteurs de cartes font du chichi parce que leur client n’a pas respecté les délais prévus dans la loi.

Sachez que le client dispose de sept jours après la réception du produit pour demander l’annulation lorsque le commerçant ne lui a pas donné, avant l’achat, tous les renseignements obligatoires, comme c’est souvent le cas avec les échantillons de produits de beauté.

Mais si le commerçant n’a pas transmis non plus un exemplaire du contrat 15 jours après la transaction, le client dispose de 30 jours à partir de la conclusion du contrat pour demander l’annulation.

D’une manière ou d’une autre, ces délais sont trop courts. Souvent, le client réalise qu’il s’est fait avoir seulement lorsqu’il ouvre son relevé de carte de crédit. À ce moment, il est déjà trop tard.

Voilà pourquoi l’Office recommande aux consommateurs de vérifier rapidement leur compte de carte de crédit après un achat sur l’internet et de réagir immédiatement en cas d’irrégularité.

C’est exactement ce qu’a fait Mme Mondou, en demandant l’annulation du contrat dans les 30 jours suivant la transaction.

Selon la LPC, le commerçant avait 15 jours pour la rembourser. Comme il ne l’a pas fait, la cliente disposait de 60 jours pour faire une demande de rétrofacturation à l’émetteur de sa carte. Ce qu’elle a fait. En vain.

Que faire maintenant ?

– Porter plainte à l’OPC. « Un émetteur de cartes de crédit qui refuserait la rétrofacturation alors que le consommateur est en droit de l’exiger commet une infraction à la LPC et peut encourir des sanctions pénales », prévient M. Tanguay.

– S’adresser à l’ombudsman de la banque ou, éventuellement, à l’Ombudsman des services financiers et d’investissement (OSBI).

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