Santé mentale

Le crime comme porte d’entrée

Des familles comme celles de Bradley Fagen ou de Frédérick Gingras, Hélène Fradet en a vu des centaines depuis 25 ans. « Ça n’a aucun sens que les familles vivent dans la peur de leurs proches pendant des mois, et parfois des années », dit la présidente de la Fédération des familles et amis des personnes atteintes de maladie mentale (FFAPAMM).

Le psychiatre Gilles Chamberland approuve. « On les reçoit à l’urgence, ces familles, et on se dit : mais comment elles ont fait pour vivre avec cette peur-là pendant aussi longtemps ? »

Si des cas comme celui de Frédérick Gingras sont relativement rares, il n’en reste pas moins que chaque année, une douzaine de personnes sont tuées par des personnes atteintes de maladie mentale, dit le Dr Chamberland.

« Mais des cas où des patients psychiatriques commettent des crimes, ça, ce n’est pas rare, ajoute-t-il. Le crime est devenu la porte d’entrée du système de santé. »

Après ce crime, si la personne est jugée non criminellement responsable, « on a une façon de la traiter, on la suit ». Mais le problème survient lorsque la personne atteinte n’a pas encore commis de délit et refuse les soins.

« La majorité des gens qui ont des problèmes, ils veulent des soins. Mais certains font du déni et ils quittent le système de santé, parce que la notion de danger ne compte pas », dit Hélène Fradet. 

« C’est quoi la solution pour amener les gens à recevoir des traitements ? À l’heure actuelle, on attend. On attend que la personne soit encore plus dangereuse. »

— Hélène Fradet, présidente de la FFAPAMM

Tant Mme Fradet que le Dr Chamberland pensent que le cas Gingras pourrait constituer l’électrochoc susceptible de faire changer les choses. « La plupart du temps, ce sont des membres de la famille qui sont les victimes. Mais là, les victimes sont de purs inconnus. C’est monsieur et madame Tout-le-Monde. Peut-être que ça va secouer les gens. »

UN DANGER IMMINENT

Pour qu’un malade soit interné ou reçoive des traitements contre son gré, il faut que la police ou les médecins aient la conviction qu’il représente un danger imminent pour lui-même ou pour les autres. Dès que cette certitude disparaît, le patient retrouve immédiatement le droit de refuser des traitements ou de quitter l’hôpital. Pour obtenir une ordonnance de garde, la famille doit se rendre devant un tribunal, ce que de nombreuses familles se refusent à faire, note le psychiatre Gilles Chamberland. « C’est très dur pour les familles, elles vont s’antagoniser un membre de leur famille… En cour, c’est le père contre le fils. La personne malade, elle va être en furie après ses proches. »

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