Chronique

La longueur idéale

Eh, ho. On se calme, les esprits tordus. Cette chronique ne copiera pas celle du cahier Pause où une coquette dame anonyme, généralement dans la fin de la cinquantaine, redécouvre les plaisirs d’une sexualité épanouie après un mariage désertique de 30 ans.

Je parle ici de la durée d’une série. Du nombre d’épisodes qu’elle renferme. Selon vous, après combien d’heures la saison de votre émission préférée devrait-elle se clore ? Après 8, 10, 13 ou 22 épisodes ? Bref, c’est quoi, la longueur idéale pour une série ?

Si vous adorez les téléromans comme Unité 9, O’, L’heure bleue ou L’échappée, le débat s’arrête ici. Ce genre plus lent et routinier, qui accompagne ses adeptes à la petite semaine, commande des saisons d’une vingtaine d’épisodes au minimum.

Pour les téléséries dites d’impact, l’étendue varie énormément. Des trucs plus anciens comme Grey’s Anatomy ou Scandal fracassent encore la barre des 20 heures par saison.

La tendance actuelle favorise plutôt le rétrécissement. De 13 épisodes, les grosses productions ont réduit leur offre à 10. Chez nous, Olivier a été raconté en 10 épisodes à Radio-Canada. Cheval-Serpent aussi, tout comme Demain des hommes, Fugueuse et Victor Lessard.

Dix, c’est le chiffre magique pour accrocher solidement les téléspectateurs et les garder jusqu’au générique final, sans qu’ils se lassent.

De plus en plus, les séries chutent sous la barre des 10 épisodes. Par exemple, Sharp Objects de Jean-Marc Vallée, qui a décollé dimanche soir sur HBO, se conclura après huit semaines de diffusion. Pas de tataouinage ou d’éléments superflus. Big Little Lies, du même réalisateur québécois, n’a pas franchi les sept heures.

La minisérie s’impose chez les téléphages. Howards End, offerte sur l’Extra de Tou.TV, ne se déploie que sur quatre épisodes d’une heure. L’ultime saison d’Unbreakable Kimmy Schmidt de Netflix ne propose que six épisodes (et des demi-heures, de surcroît).

Chez Séries +, le Plan B de Louis Morissette et Magalie Lépine-Blondeau n’a nécessité que six épisodes pour nous transporter du point A au point B. Aucun remplissage inutile. Le téléphage se sent rassasié et n’a pas eu à engloutir une montagne d’épisodes parfois dilués.

La deuxième saison de Divorce de HBO, c’était également ça. Huit épisodes de 30 minutes et on se revoit l’an prochain, Sarah Jessica Parker. Ciao, bye.

Autrefois ringarde car associée aux téléfilms bas de gamme, la minisérie redevient cool. Je pense à The Night Manager (Le gardien de nuit), Fargo, Safe (Sécurité), Feud ou Black Mirror. C’est punché, fait de concentré et on sait que ça ne durera pas 10 ans. C’est parfait pour ceux qui craignent l’engagement à long terme.

Souvent, on n’ose pas larguer une série parce qu’on a déjà trop investi de temps dans son écoute et qu’on veut savoir « comment ça va finir ». Avec la minisérie, ce sentiment de culpabilité n’existe plus. On embarque dans le premier épisode et d’ici quelques heures, on obtiendra la douce satisfaction de s’être rendu jusqu’au bout. Ce format convient aux téléphiles dont le temps de télé est limité.

Évidemment, quand une minisérie nous élève au nirvana, on trouve qu’elle ne compte pas assez d’épisodes. Mais vaut mieux déplorer une série trop courte que de se retrouver avec la saison de trop, qui ternit notre souvenir des précédentes.

Prenez le deuxième chapitre de The Handmaid’s Tale, offert sur Bravo, Club illico et CraveTV. Les derniers épisodes ont été d’une lenteur et d’une longueur à la limite du tolérable. Une heure complète a été consacrée – alerte au divulgâcheur ici – à Offred/June coincée dans un manoir enneigé.

Offred gosse après la porte du garage. Gros plan sur son visage souffrant. Offred retourne dans la maison. Gros plan sur sa face découragée. Offred se redirige vers le garage. Gros plan sur son visage effrayé. Et ainsi de suite. Ça va, on a compris. Offred vit l’enfer. N’étirez plus son calvaire davantage, s’il vous plaît.

Honnêtement, je ne sais pas si j’aurais le courage de reprendre The Good Wife du début et m’enfiler ses 156 épisodes d’une heure, répartis sur sept saisons. C’est une excellente série, bien sûr. Mais en y accordant autant de temps, j’aurais l’impression de rater plusieurs autres séries moins accaparantes, mettons.

Parce que oui, le FOMO (acronyme de « fear of missing out ») existe en télé. Et la minisérie en est l’antidote par excellence.

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