VOYAGE

Des vacances très, très loin… du web

Branchés à l’année, les voyageurs sont de plus en plus nombreux à vouloir mettre leur cerveau en « mode avion » pendant leurs vacances. À preuve, les hébergements ou forfaits sans WiFi sont plus courus que jamais, principalement en Amérique du Nord.

Voilà plus de 30 minutes qu’on a quitté l’autoroute 40. Après les champs inondés de Maskinongé, les maisons ancestrales qui bordent la route 349, la rivière du Loup gonflée à bloc à Saint-Paulin, le voilà qui apparaît au tournant d’un chemin de terre. Dressé au centre d’une érablière, le chalet de bois rond des Boisés d’Amélie attend ses prochains visiteurs. Entre randonnées en forêt, baignades au lac Castor et feu de foyer, ici, point de Netflix.

Dans son oasis de Saint-Paulin, en Mauricie, les cous penchés à 90° sur un écran sont interdits, tant pour la famille propriétaire que pour ceux qui louent « La cabane au Canada » par l'entremise de Home Exchange ou d'Airbnb. Il n’y a pas de WiFi, pas de téléviseur, pas même une enceinte pour y brancher son téléphone et faire jouer sa liste de lecture préférée. Rêve ou cauchemar ?

« Ce sont surtout les ados qui nous en parlent. Ils arrivent ici avec leurs parents et réalisent qu’il n’y a pas de connexion internet. Ils me regardent les yeux grands de même et me disent : “Hein ! ? Une semaine sans internet ? ! Qu’est-ce qu’on va faire ?” », s’amuse à raconter Frédéric Tremblay, propriétaire de l’endroit.

M. Tremblay et sa femme ont d’abord pris la décision d’aménager un chalet sans internet pour leurs enfants de 14, 7 et 5 ans. L’ingénieur s’avoue « hyperbranché » au quotidien et loin d’être un puriste de la déconnexion, mais il tenait à ce que le chalet devienne pour sa famille un endroit où se ressourcer, un lieu où les bulles individuelles créées par les technologies éclatent dès qu’on y met le pied.

« Ça fait qu’on est en interaction tout le monde ensemble ; on joue à des jeux de société, on joue de la guitare au bord du feu. Les enfants vont chasser les grenouilles, les champignons », décrit le père de famille de Trois-Rivières, ne cachant pas que ses enfants trouvent parfois l’exercice difficile.

« C’est drôle à dire, mais on fait ce qu’on faisait quand j’étais jeune : on joue dehors, dit le propriétaire du chalet locatif, Frédéric Tremblay. Et on offre à nos locataires ce que nous, on a trouvé qui était le mieux pour notre famille. »

La quête de la plus belle photo

Drôle à dire ? Pas tant que ça lorsque l’on découvre l’offre grandissante de vacances « débranchées », d’hébergement « sans WiFi » ou encore de forfaits « détox numérique ».

« En 2016, nous avons constaté un phénomène culturel qui envahissait le secteur du voyage : les gens sont trop connectés à leur téléphone intelligent et manquent d’expériences réelles. Avec l’essor des plateformes de partage en ligne, le monde entier s’est retrouvé lié au petit appareil qu’il tient entre ses mains […], et les voyages sont devenus non plus la visite d’une destination mais la quête des plus belles images et du meilleur contenu à publier sur Facebook ou Instagram », expose Darshika Jones, directrice régionale pour l’Amérique du Nord à l’agence de voyages Intrepid Group.

À partir de ce constat, l’agence a tenté l’expérience d’offrir des « Digital Detox tours », voyages pendant lesquels les participants devaient laisser téléphones et appareils photo à la maison. Le succès a été au rendez-vous, mais le forfait n’existe plus. L’agence a plutôt ajusté son offre de façon globale.

« Nous avons décidé de fusionner ce style de voyage dans d’autres circuits. On veut que nos guides fassent vivre aux voyageurs des expériences authentiques. Mais on ne veut pas qu’ils commencent à surveiller l’utilisation technologique des clients, explique Mme Jones. L’idée, c’est que les voyageurs ne ressentent pas le besoin d’aller en ligne. Alors on reste dans l’esprit du “digital detox”, mais sans l’appellation en soi. »

Le concept attire les voyageurs. Intrepid Group a noté une croissance de ses ventes de 29 % en Amérique du Nord entre 2017 et 2018.

« La demande pour les voyages immersifs ne cesse de croître. Les destinations offrant une connectivité limitée, comme Cuba, deviennent de plus en plus populaires auprès des clients nord-américains. »

— Darshika Jones

L’immersion par la maison

Une simple recherche Google avec les mots-clés « vacances sans internet », « digital detox retreat » ou encore « digital detox destination » met de l’avant un nombre impressionnant de possibilités. Les voyagistes, centres de yoga et autres hôtels de ce monde ne sont pas les seuls à explorer la nouvelle tendance. L’idée a aussi fait son chemin chez Home Exchange, là où le concept est d’échanger sa maison avec d’autres voyageurs du monde entier.

« On n’a pas forcément de demande pour des “digital detox”, mais on a beaucoup de témoignages de personnes qui ont aimé vivre quelque chose d’authentique, une expérience locale, par eux-mêmes. On perçoit un lien fort entre les voyageurs en quête de vacances sans WiFi et les membres de Home Exchange qui pratiquent l’échange de maisons […] pour vivre comme “un local” le temps des vacances », soulève Clémence Cragan, représentante au Canada de Home Exchange, une entreprise française.

S’il n’est pas possible de cocher une option « sans WiFi » au cours d’une recherche sur le site internet de Home Exchange, des discussions à l’interne pour mieux catégoriser les maisons à échanger sont en cours.

« On a des maisons, des cabines, des yourtes, des mini-maisons… qui se prêtent tout à fait au concept pour les familles qui veulent passer du temps ensemble, et pas nécessairement sur leur téléphone », illustre-t-elle. Avec 400 000 maisons dans 187 pays, il y en a assurément plus d’une où il est possible de dé-crocher, à commencer par le chalet de la famille Tremblay.

« Nous, on a la chance d’avoir vécu autre chose et on sait que même si c’est pratique, les technologies, ce n’est pas juste ça, la vie. Mais la nouvelle génération, les jeunes qui vivent de l’anxiété technologique… réfléchit tout haut M. Tremblay. On navigue dans tout ça et on essaie de faire de notre mieux pour trouver l’équilibre. »

Quatre façons de se débrancher

Visiter un monastère

Les lieux religieux et spirituels sont déjà propices au recueillement. Au monastère des Augustines, à Québec, l’accès au WiFi se fait sur demande. Pour une expérience plus dépaysante, mais plus chère : au Kopan Monastery de Katmandou, au Népal, on demande carrément aux visiteurs de laisser leur téléphone portable à la réception. Il n’y a pas de WiFi sur place et plusieurs types de séjours sont offerts, allant de quelques heures à plusieurs jours.

Fuir le réseau cellulaire

Tous les recoins de la planète ne sont pas (encore) couverts par un réseau cellulaire. Une autre solution peut simplement être de vous exiler là où le réseau ne se rend pas. Ne cherchez pas, votre téléphone n’affichera aucune petite barre de réseau dans la réserve naturelle Hornstrandir, en Islande, au parc national Kakadu, en Australie, ou au parc national Grand Teton, au Wyoming, aux États-Unis.

Échanger sa maison

Si l’expérience de laisser votre maison à des voyageurs avec la possibilité d’habiter chez quelqu’un d’autre pendant vos vacances vous intéresse, vous trouverez de nombreux havres de paix sur le réseau de Home Exchange. De Montcalm, dans les Laurentides, à West Fairleem, au Vermont, en passant par la France et l’Espagne, les maisons où le WiFi n’a pas franchi la porte sont nombreuses, et les commentaires des voyageurs, élogieux.

La retraite de détox numérique

Que ce soit au Spa Eastman, en Estrie, où l’on peut opter gratuitement pour un séjour sans appareils numériques, à l’Echo Valley Ranch & Spa, en Colombie-Britannique, qui organise des retraites de détox numérique pour des groupes de 14 à 42 personnes, ou encore pour des forfaits combinant le yoga à une cure du numérique partout dans le monde, les choix sont aussi variés que nombreux.

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