Analyse
Commotion chez les mandarins
En limogeant la sous-ministre aux Transports, le gouvernement Couillard a brisé un lien de confiance
La Presse
QUÉBEC — On a beau chercher, on ne trouve guère de précédents à l’exécution sommaire de la sous-ministre aux Transports Dominique Savoie par le gouvernement Couillard, la semaine dernière. Éjectée de son siège, M
Savoie conserve son salaire de 210 976 $ par année, pour attendre de nouveaux mandats dans les couloirs silencieux du Conseil exécutif – à la fois le centre nerveux du gouvernement et un mouroir pour mandarins en panne de carrière.Une telle rétrogradation est un coup dur pour la crédibilité d’un administrateur d’État. D’autant plus que M
Savoie, une psychologue qui a patiemment gravi les échelons de la fonction publique, jouissait d’une excellente réputation auprès de ses collègues. Joints par , des mandarins importants accusent le coup ; on sera moins enclin à « prendre la chaleur » pour un gouvernement qui ne défend pas ses officiers. « Après s’être mis à dos le Parti libéral [dans le dossier d’Uber], le gouvernement fait de même avec la fonction publique », a résumé l’un d’eux. De toute évidence, le gouvernement Couillard se prépare des lendemains difficiles.Dans une organisation aussi vaste et complexe que le ministère des Transports, on ne s’attend pas à voir apparaître une vérificatrice externe, avec un mandat tous azimuts.
Annie Trudel était apparue au Ministère avec Jacques Duchesneau, qui devait y traquer la collusion. Elle avait eu un mandat renouvelé par Robert Poëti, nouveau ministre, ex-policier comme l’était Duchesneau. Dans un ministère, à plus forte raison une organisation gigantesque comme les Transports, ces audits sont menés d’abord par le contrôleur des finances du Ministère, puis, s’il appert que c’est insuffisant, par le vérificateur général. Renaud Lachance, comme vérificateur, avait administré une volée de bois vert à Transports Québec, à l’époque dirigé par Julie Boulet.
La semaine dernière, le premier ministre Couillard a souligné que M
Savoie avait d’elle-même démissionné. Hier, à l’Assemblée nationale, le ministre Jacques Daoust était plus proche de la vérité. « On a retiré M Savoie de son poste », « c’est une punition pour le moins inhabituelle » pour quelqu’un qui a 25 ans de carrière dans la fonction publique, a souligné M. Daoust. En fait, le ministre était fort satisfait de cette collaboratrice, même s’il ne la connaissait pas au début – il aurait préféré Christine Tremblay, qu’il avait connue lorsqu’il était président d’Investissement Québec.La décision de limoger M
Savoie est manifestement venue du « bunker », le cabinet politique du premier ministre Couillard. Bien sûr, elle a gaffé en soutenant en commission parlementaire qu’un sous-ministre « n’avait pas d’ordres à recevoir d’un ministre ». Une erreur, conviendront rapidement deux anciens secrétaires généraux du gouvernement joints par .Techniquement, pour les grandes orientations d’un ministère, le sous-ministre est redevable au secrétaire général, le premier fonctionnaire. Mais dans la gestion quotidienne d’un ministère, c’est le ministre, l’élu, représentant du gouvernement choisi par la population, qui dirige. La situation à Québec diffère de celle d’Ottawa. Dans la capitale fédérale, le sous-ministre a plus de pouvoir, davantage que le ministre – il en réfère directement au Conseil privé, le centre nerveux du gouvernement.
Dans l’administration québécoise, les relations entre un ministre et son sous-ministre sont souvent complexes. Le désir d’autonomie du politicien est souvent difficile à concilier avec la rigueur que doit imposer son sous-ministre.