« Ce que j’écris, c’est un peu  ce que je vis »

Des séries « de gars ». Oui, c’est un raccourci. C’est quand même la meilleure façon de décrire en peu de mots ce que fait Jonathan Roberge. Son ton faussement niais, son côté adulescent assumé, son gros bon sens à lire au deuxième degré, ses vérités assénées de façon à révéler l’absurdité qu’elles masquent, sa manière de détourner les stéréotypes masculins, bref, le fonds de commerce de cet auteur, humoriste, acteur et réalisateur, c’est l’image du gars.

Avec son ami Alexandre Champagne, Jonathan Roberge a d’abord fait Contrat d’gars, une série web d’un loufoque extrême qui parodiait les émissions s’adressant aux « vrais gars ». Fiston, une autre série conçue pour être diffusée sur l’internet, se présente comme un testament constitué de capsules vidéos destinées à son jeune fils dans lesquelles il lui explique les choses de la vie au sujet des chars, des filles ou des rénos. C’est un peu con, un peu vrai et pas mal drôle.

Jonathan Roberge reconnaît qu’il en a eu marre, à un moment donné, de voir des gars épais ou immatures dans les publicités. « Le gars qui change une couche dans une pub, il a toujours l’air d’un attardé », regrette-t-il. Or, ce n’est pas pour prendre la parole « en tant que gars » ou porter un message sociopolitique qu’il a fait Contrat d’gars, Fiston et Papa, son dernier bébé, diffusé depuis le 19 novembre. Sur l’internet, oui.

« Ce que j’écris, c’est un peu ce que je vis », dit-il. Son projet avec Alexandre Champagne correspondait à son état d’esprit dans la jeune vingtaine, période où il appréciait l’humour absurde. « Quand je suis devenu papa, c’est venu tout seul d’écrire sur la paternité, poursuit le sympathique barbu de 32 ans. Je ne me suis jamais dit que j’allais écrire pour les gars… »

UN GARS S’ESSAYE

Pas de révolution masculine au programme, soit. Jonathan Roberge a néanmoins rapidement pris conscience que les spectateurs devaient avoir le sentiment que son personnage de « gars cave » avait un bon fond et même des choses à dire malgré son langage qui pouvait manquer de fini. « Dans la série Papa, on va rire de moi, mais on va avoir pitié de moi aussi. On va se dire : pauvre gars, il essaie. Je ne revendique rien, insiste-t-il, mais je trouve ça plate que le gars soit toujours perçu comme un con. »

Son Jonathan de la série Papa est un père qui ressemble à bien d’autres pères d’aujourd’hui : un gars qui veut s’impliquer, qui essaie de bien faire, mais qui n’a pas vraiment eu de modèle. Il fait son possible, tourne les coins rond et ne paraît pas toujours à la hauteur en société ou aux yeux de la mère du petit Xavier. Et c’est aussi un père qui, comme bien d’autres pères, serait du genre à dire des affaires de pères comme : si tu te fais écœurer dans la cour d’école, tu le dis à un adulte, et si ça ne donne rien, eh bien, défends-toi !

Son Jonathan a quelque chose de risible. En tant qu’auteur, il exploite lui aussi le filon du gars épais. Avec plus d’humanité qu’un publicitaire, par contre. 

« On ne peut pas tout réinventer : ça reste drôle un père maladroit, ça va toujours l’être. »

— Jonathan Roberge

Et puis, les modèles traditionnels pèsent encore lourd : pour un papa qui ne verrait pas d’inconvénient à ce que son fiston fasse du ballet, combien s’inquiéteraient que cette activité puisse en faire un « fifi » ?

Jonathan Roberge, lui, se soucie surtout de garder ses distances avec un certain discours qui tend à faire des hommes des victimes des méchantes féministes – sinon de toutes les femmes. « L’homme hétérosexuel a encore le beau rôle. On ne peut pas se permettre de chialer et d’avoir l’air de victimes avec tous les privilèges qu’on a encore, insiste-t-il. Je pense que les filles peuvent rire de nous encore un peu. » Que des gars rient des gars eux aussi, ce n’est pas malsain non plus.

Le feu par le feu

Un jour qu’il mangeait au restaurant avec son fils, Jonathan Roberge a dû expliquer ce qu’était l’homosexualité. Son petit a compris. Ce n’est pas aussi simple pour tout le monde. Interpellé par des agressions homophobes et par le discours antigai qui prévalait alors en Russie, Jonathan Roberge a concocté une vidéo au scénario tout simple : montrer des femmes qui embrassent des femmes et des hommes qui embrassent des hommes, pour ensuite les faire examiner par un médecin afin de savoir si les hétéros du groupe avaient « attrapé l’homosexualité ». « Après cette vidéo-là, une bonne partie des fans de Contrat d’gars s’est mise à me blaster, dans le sens de menacer de me péter la gueule, raconte Jonathan Roberge. [Leur réaction] me donnait raison d’avoir fait la vidéo. »

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