CHRONIQUE

Bénie soit cette série

Vous le savez, je suis complètement obnubilé par The Handmaid’s Tale, la meilleure télésérie de l’année, à mon avis, toutes catégories confondues.

La signification des costumes, la musique oppressante, le langage biblique, les décors sombres, l’ambiance glauque, le jeu nuancé des acteurs, le texte terrifiant et – surtout – le sous-texte affolant : tout est réussi dans cette production américaine, qui dérive du roman dystopique de la Canadienne Margaret Atwood, publié au milieu des années 80.

Au Québec, l’acquisition des droits de la version française (La servante écarlate) de cette émission prestigieuse a fait l’objet de beaucoup de convoitise, me dit-on. Plusieurs groupes et réseaux, dont Radio-Canada et Bell Média, ont cherché à l’obtenir. En vain.

C’est le Club illico de Vidéotron qui aurait offert le plus d’argent pour La servante écarlate, portée par l’actrice Elisabeth Moss (Peggy Olson dans Mad Men) avec une vulnérabilité bouleversante. Or, il n’a pas été possible d’obtenir, hier, la réponse à une question pourtant toute simple : Club illico a-t-il acheté les droits de diffusion en français de The Handmaid’s Tale ?

Chose certaine, l’arrivée de cette série haut de gamme gonflerait assurément le nombre d’abonnés du Club illico de Québecor Média. 

The Handmaid’s Tale, dont le propos touffu fait dans le pointu, n’est pas une émission pour une antenne généraliste comme TVA. Ses fans ne se comptent pas par millions, mais leur dévotion frise l’obsession.

Au Canada anglais, la chaîne Bravo, propriété de Bell Média, a relayé le dixième et dernier épisode de The Handmaid’s Tale dimanche soir. Et quelle finale ce fut ! J’aurais le goût de la revoir encore et encore. Cette heure de télévision a renfermé le moment le plus cruel de toute la saison. À l’opposé, un rayon de lumière a enfin percé ce monde étouffant dirigé par des ultraconservateurs aux idées moyenâgeuses.

Si vous ne désirez pas subir la torture par bâton électrique de la vile Tante Lydia, arrêtez de lire cette chronique remplie de divulgâcheurs. « Béni soit le fruit », comme on dit dans la République de Gilead.

Non, mais, pauvre Offred (Elisabeth Moss). En plus d’être violée à répétition par le commandant Fred (Joseph Fiennes), la pauvre servante a goûté au sadisme de son épouse, la glaciale Serena Joy (Yvonne Strahovski). Le moment où Offred a vu pour la première fois depuis des années sa fille – sans pouvoir lui parler ou la serrer dans ses bras – a été crève-cœur.

Heureusement, la défection de Moira (Samira Wiley) au Canada a embelli cet univers gris souris. Dans l’avenir rapproché de The Handmaid’s Tale, le Canada met sur pied des camps de réfugiés pour accueillir les Américains qui fuient, au péril de leur vie, la dictature religieuse de leur pays. Au Canada, ces migrants reçoivent un téléphone cellulaire prépayé, de l’argent liquide, de la nourriture et une assurance maladie.

Il existe même un quartier de Toronto baptisé Little America qui héberge une forte concentration de réfugiés du sud de la frontière. 

Cette image idyllique de notre pays doit valoir des millions de dollars en visibilité publicitaire.

Dans The Handmaid’s Tale, la population mondiale souffre d’un grave problème d’infertilité. Seules quelques femmes américaines – les fameuses servantes vêtues de rouge – arrivent encore à tomber enceintes. Elles sont d’office enrôlées dans une école de réforme très stricte, où elles apprennent la soumission et l’humilité.

Mains jointes à l’avant, regard vers le sol. C’est ce que leurs formatrices, de vieilles femmes acariâtres en habit brun, leur enfoncent dans le cerveau.

Si les servantes désobéissent, on les torture ou on leur crève les yeux. L’important, c’est qu’elles continuent à porter des enfants. Et comme du bétail, on leur implante une micropuce dans le crâne afin de ne pas perdre leur trace.

Toute forme de révolte est rapidement étouffée par les milices postées partout. Offred a cependant réussi à éviter la lapidation de l’une de ses consœurs, et une petite brèche dans ce système totalitaire a été ouverte.

Comme La servante écarlate n’a jamais connu de suite et que le matériel original a été épuisé, la romancière Margaret Atwood a été consultée pour l’échafaudage de la deuxième saison, qui passera de 10 à 13 épisodes en 2018.

Ça se passera donc « sous son regard », pour emprunter les termes de Mme Atwood.

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