Adoption

Les défis du petit james

Adopté au Viêtnam en 2015, James souffrait notamment d’une fissure au palais et de surdité. À presque 3 ans, il ne parlait pas. Avec l’appui de sa mère et d’une dizaine de spécialistes de la santé, le garçon, qui ne cesse de prendre du mieux, s’apprête à faire son entrée à l’école dans une classe régulière. Récit.

Vous souvenez-vous de James ?

Il a été adopté au Viêtnam par une Québécoise célibataire à l’hiver 2015. La Presse avait accompagné sa mère adoptive, Annie Francis, lorsqu’elle était allée le chercher dans un orphelinat de la ville d’Hô Chí Minh.

James s’appelait alors Tri Phong. À presque 3 ans, il ne parlait pas. Il peinait à manger à cause d’une fissure au palais.

Une malformation au bras ralentissait son développement.

Les autres enfants fixaient sans gêne son visage partiellement déformé.

À son retour au Canada, Annie avait découvert en plus que son fils était sourd.

Deux ans plus tard, qu’est-il devenu ? Nous sommes allés prendre des nouvelles de lui et de sa maman.

« James va bien. Il va très bien même. »

Annie Francis nous accueille dans le jumelé qu’elle a acheté récemment dans le quartier Fleurimont à Sherbrooke. Elle tenait à ce que son fils ait une cour pour jouer.

La vie du garçon a bien changé.

La dernière fois que nous l’avions vu, c’était quelques semaines après son arrivée au Québec, lors d’un rendez-vous médical avec l’un des nombreux spécialistes qui le suivent. Une intervention chirurgicale et une douloureuse convalescence attendaient alors le petit afin de lui recoller le palais.

« Ç’a été difficile, mais ç’a bien été », raconte Annie. Depuis, James mange normalement, et avec beaucoup d’appétit. Il raffole du jambon en tranches et des popsicles aux fruits. Ceux avec un singe sur la boîte.

Surtout, il a appris, grâce à l’aide de son orthophoniste, à prononcer quelques mots. « En haut », « en bas », « non », « ouai » et le plus important : « maman ».

« On ne sait pas s’il va parler. Chaque syllabe est un défi », explique cette dernière.

En plus d’être sourd, James souffre de dyspraxie verbale, un retard dans l’apprentissage et la production des sons.

Cela ne l’empêche pas de communiquer.

Grâce à un appareil auditif, il entend et comprend ce que lui dit sa mère. Malgré son bras handicapé, il apprend le langage des signes, qu’il parle « avec un accent », rigole Annie.

Il arrive malgré tout à lui dire toutes sortes de choses, certaines simples, comme demander du lait, d’autres compliquées, comme raconter ce qu’il a fait la veille, ou négocier vigoureusement pour que ça soit maman qui range ce qu’il vient de sortir du frigo.

Le jour de notre visite, il lui expliquait avec moult détails comment et à quoi il avait joué dehors avec un de ses chiens, Pixie, une jeune labrador.

Pour différencier les deux chiens, Pixie et Cooper, dont il ne sait pas dire le nom, il fait le signe de noir pour l’un et de blanc pour l’autre.

Même de ceux qui ne connaissent pas le langage des signes, il arrive à se faire comprendre. Au moment du repas, il a ainsi demandé à notre photographe de lui couper son jambon en quatre morceaux et, surtout, pas un de plus.

Juste avant, dans la cour, l’enfant lui avait expliqué qu’il avait fini de jouer dans sa piscine en plastique et qu’il voulait sa serviette.

« Avec les autres enfants, des fois, c’est même lui le leader. Il décide à quoi ils jouent. Il rit tellement que les autres veulent faire comme lui parce que ç’a l’air trop l’fun », dit Annie, qui en est très fière.

« C’est un petit garçon vraiment intelligent », vante-t-elle.

En septembre, James commence la maternelle. Il n’ira pas dans une classe spéciale. Le centre de réadaptation où il est suivi juge que ce n’est pas nécessaire. Il est capable, croit-on, de suivre les autres enfants de son âge.

Une interprète passera toutefois l’année avec lui pour l’aider à se faire comprendre de son enseignante et de ses camarades de classe.

Nerveuse, Annie ?

« Un peu, admet la principale intéressée. Je m’inquiète de la réaction des autres enfants à cause de ses différences. »

Annie sait à quel point les enfants peuvent être cruels. Elle enseigne au secondaire.

« En même temps, dit-elle, il va au CPE et il n’a pas de problèmes. »

En deux années de garderie, elle ne se souvient que d’un incident où elle a surpris une éducatrice en train de réprimander des fillettes qui s’étaient moquées de lui. « Et James ne s’en est même pas rendu compte. »

Pour l’instant, souligne la maman, son fils ne semble pas complexé par ses handicaps. Elle-même ne les remarque presque plus.

« Il est autonome. Ça ne l’empêche pas de faire des choses. C’est un petit garçon heureux, rieur et enjoué. Je ne sais pas ce que ça va être plus tard, mais pour l’instant, ça n’a pas l’air de le déranger, sauf si des gens pointent ou touchent trop. On prend ça au jour le jour. »

Elle suit la même philosophie au sujet des nombreuses interventions chirurgicales qui attendent le garçon.

Des opérations pour lui reconstruire la mâchoire, les dents et les oreilles l’attendent notamment. Il est possible qu’il soit opéré à une main. Il souffre aussi d’une scoliose pour laquelle il est suivi de près.

Bientôt, les médecins lui installeront une vis dans le crâne pour tenir son appareil auditif, présentement fixé à un bandeau.

En tout, ce sont plus d’une dizaine de spécialistes : médecins, chirurgiens, ergothérapeute, orthophoniste, dentiste, etc., qui sont dans la vie de James.

Les rendez-vous médicaux sont nombreux. Il faut souvent aller jusqu’à Montréal, mais Annie arrive à s’organiser. Elle apprend en plus le langage des signes. Et elle inscrit son garçon à toutes sortes d’activités : natation, soccer, gymnastique.

Comme si elle n’était pas assez occupée, elle vient d’entreprendre des démarches pour adopter un deuxième enfant. Comme elle l’avait fait pour James, elle a demandé à l’agence d’adoption de lui proposer le dossier d’un enfant pour qui on n’arrive pas à trouver une famille.

« Je veux que James ait un frère ou une sœur. Je veux qu’il ait une famille. »

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