Opinion  : Boucar Diouf

L’ouragan Pédo menace le Vatican !

L’Église catholique traverse une des grosses tempêtes de son histoire. Dans beaucoup de pays, les scandales sexuels impliquant des prêtres révèlent des victimes par centaines incluant des religieuses prises au piège et bien vulnérables dans cette grosse machine.

Partout, des gens meurtris et détruits par le clergé sortent de l’ombre et réclament des réparations et des changements majeurs dans cette gigantesque structure jusque-là imperturbable. L’arbre que le Tout-Puissant retient par les racines n’a pas besoin de s’inquiéter de la force du vent. Ainsi dirait mon aïeul. Pourtant, on ne parle pas ici de simples patrons à la main baladeuse, mais de gens qui s’attribuent une autorité morale s’étendant bien au-delà de la vie ici-bas.

En fait, l’Église catholique ressemble de plus en plus à un énorme et puissant ordinateur qui souffre d’une infection virale généralisée depuis trop longtemps.

Aujourd’hui, la seule façon de régler la chose est de formater le disque dur et de tout réinstaller en prenant évidemment soin de remettre à jour les logiciels. Il faudra bien plus qu’un simple sommet sur les abus sexuels pour redonner un peu de dignité à cette institution où l’hypocrisie, les cachotteries et la délinquance sexuelle semblent banalisées depuis trop longtemps. Entre organiser un sommet sur les abus sexuels et régler les abus sexuels au sommet, le chemin sera très long avant de déloger la crasse incrustée dans ses murailles. Ce n’est pas compliqué : moi, le simple fait de voir tous ces hommes d’un certain âge, incluant certainement des coupables et des complices, réunis dans un amphithéâtre pour parler de pardon me donne la nausée.

Oui, je sais qu’il y a beaucoup de gens irréprochables qui ont adopté la prêtrise pour les bonnes raisons. Mais force est d’admettre qu’ils payeront pour l’irresponsabilité des délinquants et des détraqués sexuels qui ont choisi stratégiquement de se draper dans une fausse pureté pour mieux assouvir leur attirance pour les enfants à l’abri des regards. Je dois d’ailleurs préciser ici que je trace clairement une ligne entre ces pédophiles et les homosexuels dans l’Église catholique qui n’ont rien de criminel à se reprocher.

Les mesures concrètes et efficaces réclamées par le pape François gagneraient à arriver vite. En plus du combat contre les agresseurs sexuels, pourquoi ne pas permettre aussi aux prêtres de se marier et d’assumer leur sexualité, qu’ils soient homosexuels, hétérosexuels ou intersexués ? Certains prêtres se marient en cachette en Afrique et personnellement, je trouve ça très normal. Entre vous et moi, pour jouer au conseiller familial, avoir expérimenté la parentalité, ça aide. J’ai encore en mémoire les sorties du cardinal Marc Ouellet en 2007 s’inquiétant de la baisse de natalité au Québec. On avait presque envie de répondre à ses salves clientélistes : « Monseigneur, si la baisse de natalité vous inquiète vraiment, pourquoi ne pas commencer par faire votre part en fondant une famille ? Ce serait une belle façon de nous prouver la sincérité de votre préoccupation. »

Il faudrait aussi permettre aux femmes d’intégrer la prêtrise pour que l’Église catholique soit un peu plus représentative de la société qu’elle regarde de haut.

On refuse systématiquement toute ouverture à l’autre moitié de l’humanité que sont les femmes, mais on continue de sermonner les croyants à genoux sur l’importance de s’ouvrir aux autres et de partager. Pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas être prêtres ? Le pénis est-il l’antenne du routeur sans fil qui permet d’avoir une connexion WiFi avec Dieu ? Si c’est le cas, pourquoi les femmes ne méritent-elles pas d’avoir le mot de passe ?

Après la remise en cause de sa misogynie systémique, le Vatican devra se pencher sur le déni sexuel qui entoure la prêtrise.

Toutes les personnes sexuées qui ont traversé la vingtaine savent qu’on n’a pas besoin d’être initié à la théorie de Darwin pour comprendre qu’il y a quelque chose de contre-nature à renoncer à la sexualité au moment où la testostérone est à son maximum dans son corps. Ce déni de sexualité est une hypocrisie à laquelle seuls des gens déconnectés de la nature peuvent adhérer avec la complicité de ceux qui les adulent aveuglément.

Quand l’éveil sexuel d’un mâle sapiens coïncide avec son désir de chasteté mû par un appel à Dieu, il faut se poser de sérieuses questions sur les motivations tapies au fond de son être. Oui, on pouvait très bien comprendre ce choix que faisaient certains de se réfugier dans la prêtrise pour se protéger et survivre dans les sociétés occidentales très homophobes d’il y a une cinquantaine d’années. Mais en 2019, l’hypocrisie a assez duré.

La sortie récente de Sodoma, le dernier bouquin du journaliste d’enquête Frédéric Martel, qui a noyauté les hautes sphères cléricales pendant quatre ans, nous donne une percutante réponse qui risque de faire très mal au Vatican. L’Église ne peut continuer de condamner violemment l’homosexualité et de nourrir l’homophobie quand l’auteur rapporte que près de 80 % des ecclésiastiques du Vatican seraient homosexuels eux-mêmes.

L’Église catholique doit s’adapter pour ne pas périr tranquillement, emportée par ce que Darwin appellerait la sélection surnaturelle.

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