Justice québécoise

De 40 à 50 millions pour désengorger les tribunaux 

QUÉBEC — Le gouvernement Couillard est sur le point d’allonger entre 40 et 50 millions de dollars pour désengorger les tribunaux du Québec.

Selon nos informations, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, annoncera en début de semaine un plan à grand déploiement pour aider le système judiciaire à diminuer les temps d’attente dans les tribunaux. Une situation qui a entraîné l’avortement de nombreux procès criminels dans la foulée de l’arrêt Jordan de la Cour suprême.

Québec annoncera l’embauche de plusieurs juges, de procureurs, de constables spéciaux ainsi que de personnel de soutien. Une stratégie de recrutement accéléré permettra de pourvoir rapidement les postes vacants et d’ajouter des ressources là où elles sont requises.

Québec ouvrira aussi de nouvelles salles d’audience dans les palais de justice.

Mme Vallée a laissé entrevoir une annonce « au cours des prochains jours », bien qu’elle n’était pas encore prête à confirmer des ressources additionnelles hier.

« L’évaluation des besoins, elle a été faite, elle a été identifiée. Maintenant, on va vous revenir. C’est clair qu’on va investir. »

— Stéphanie Vallée, ministre de la Justice

Mme Vallée a souligné à gros traits que l’arrêt Jordan forçait l’ensemble du milieu judiciaire à revoir sa « culture ». Elle a rappelé qu’elle a présenté en octobre un plan d’action assorti d’une série de mesures pour accélérer les procès, notamment la comparution par vidéoconférence.

Ce plan avait toutefois laissé sur leur faim l’opposition et le milieu judiciaire, car il ne prévoyait pas d’argent supplémentaire pour augmenter la capacité des tribunaux.

« Le changement de culture souhaité par la ministre, par le Barreau et par tous les intervenants autour de la table est possible, mais il va porter ses fruits dans un plus long laps de temps. […] Ça prenait vraiment, à court terme, une injection de ressources. »

— Me Claudia Prémont, bâtonnière du Québec

C’est pourquoi la bâtonnière du Québec, Me Claudia Prémont, a qualifié d’« excellente nouvelle » l’injection de fonds prévue par le gouvernement Couillard.

Au cours des derniers mois, plusieurs intervenants du milieu judiciaire ont réclamé des sommes supplémentaires pour réduire l’engorgement des tribunaux. Le juge en chef de la Cour supérieure, Jacques R. Fournier, qualifiait déjà la situation de « crise » en janvier.

Ce même juge a lancé un nouvel avertissement, hier, en déclarant au Journal de Montréal qu’à peu près tous les procès prévus en Cour supérieure risquent d’avorter à cause des délais. Il a évoqué un « potentiel de 70 requêtes » en arrêt des procédures, et ouvertement sollicité une « assistance financière » du gouvernement.

« Évaluer les besoins »

Mme Vallée n’a pas nié que de nouveaux fonds sont nécessaires, mais elle a précisé qu’il fallait d’abord évaluer avec précision les besoins du système judiciaire.

« Il fallait évaluer les besoins réels, a dit Mme Vallée. Qu’est-ce que c’est, l’impact, au Québec cette décision de la Cour suprême ? Il fallait déterminer ce que ça va nous amener comme volume additionnel, comme besoin de traiter, combien de salles on a besoin, dans quels districts, où sont les problématiques les plus pressantes, dans quels districts judiciaires on doit mettre ces ressources. »

Le Parti québécois a bombardé la ministre Vallée à l’Assemblée nationale cette semaine, réclamant chaque jour des sommes additionnelles pour les tribunaux.

La députée péquiste Véronique Hivon a souligné hier que le gouvernement devra changer la loi s’il veut augmenter le nombre de juges à la Cour du Québec. Or, l’Assemblée nationale doit ajourner ses travaux vendredi.

« Nous demandons qu’un projet de loi soit déposé dès la semaine prochaine et nous offrons bien sûr toute notre collaboration pour l’adopter avant la fin de la session », a indiqué Mme Hivon.

L’arrêt Jordan, rendu en juillet, a fixé des balises quant à la durée raisonnable des procès criminels. Il indique que les procédures ne devraient pas dépasser 30 mois à la Cour supérieure et 18 mois à la Cour du Québec.

Dans la foulée de cette décision, 222 requêtes en arrêt de procédures avaient été intentées en date de mardi. L’homme d’affaires Luigi Coretti et le membre influent des Hells Angels, Salvatore Cazzetta, ont tous deux réussi à faire annuler leur procès à cause des délais indus.

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