Cuisine juive

Jeunes, juifs et fiers de leur cuisine

Depuis deux ans et demi, Sydney Warshaw et Katherine Romanow organisent des soupers pop-up qui mettent en valeur une cuisine juive peu connue des gens d’ici. Elles font rayonner les mets des communautés juives de l’Irak au Mexique en passant par l’Italie et la Finlande.

En créant The Wandering Chew, qui célèbre la cuisine juive et sa culture à travers des événements culinaires, les deux jeunes femmes ont en quelque sorte voulu élargir les horizons des Montréalais. « Il y a cette image assez puissante qu’un Juif vit nécessairement dans le Mile End ou dans Outremont. Et il y a même certains Juifs d’ici qui pensent que notre cuisine, ce sont seulement les bagels et le smoked meat. Ce sont pourtant des images complètement erronées », affirme Sydney Warshaw.

Pour combattre cette idée préconçue, plusieurs initiatives ont vu le jour dans les derniers mois. En juillet dernier, lors de la première présentation de la semaine Kosh, une dizaine de restaurants, dont les Enfants terribles et la Maison sociale, ont revisité des plats de la cuisine juive pour les rendre quasi gastronomiques. Dans le cadre du Projet bouffe juive qui avait lieu il y a un an, des personnalités comme Marlee Felberbaum, sous-chef au restaurant Graziella, et Dustin Gilman, gagnant de la téléréalité Pressure Cooker, ont offert des ateliers.

Selon Michele Pepin, qui organise la deuxième présentation du Projet bouffe juive, il y a sans aucun doute une effervescence sur la scène culinaire juive à Montréal. « Les survivants de l’Holocauste se font de plus en plus vieux. On sent que leurs enfants et leurs petits-enfants veulent perpétuer la cuisine juive. Ils veulent être au courant des différentes influences, ils veulent connaître les recettes et veulent apprendre à les reproduire pour ne pas qu’elles se perdent », soutient l’agente de développement à la Fédération CJA.

Jamie Elman et Eli Batalion, deux comédiens qui diffusent des vidéos d’humour juif sur leur site Yidlife Crisis, sont emballés par ce vent de renouveau. Leurs capsules tordantes (vive l’autodérision !) tournent d’ailleurs toujours autour de la cuisine. « La plupart des jeunes ont grandi sans aimer la cuisine juive. Aujourd’hui, ce sont toutefois des plats que nous chérissons parce qu’ils nous rappellent la maison. Et il ne s’agit peut-être pas de fine cuisine, mais on se rend compte qu’il y a moyen de renouveler certains mets pour les rendre plus chics, plus à la mode », explique Jamie Elman, pour qui il est toutefois hors de question de manger casher.

INFLUENCES DU MONDE

Décrire la cuisine juive pour ceux qui ne la connaissent pas ? Cela s’avère aussi compliqué que raconter l’histoire du peuple juif, ou presque. Les ancêtres des Juifs ashkénazes viennent des pays de l’Europe de l’Est tandis que les séfarades viennent de l’Espagne, du Portugal et des pays du nord de l’Afrique. Leurs influences en cuisine sont extrêmement différentes, raconte Jamie Elman.

« Les séfarades viennent de la péninsule arabique. Leur cuisine est ponctuée de beaucoup d’épices et de couscous. Elle est très savoureuse. La cuisine des ashkénazes en est une de privation, de pauvreté. On trouve davantage de poissons, de pommes de terre, de conserves. »

— Jamie Elman, du site Yidlife Crisis

La cuisine juive est variée, mais il y a quand même des mets qui se ressemblent d’un pays à l’autre. Pour le shabbat par exemple, une fête qui a lieu du vendredi au coucher du soleil au samedi à la fin du jour, les Juifs doivent limiter au maximum leurs activités pour se concentrer sur leur famille. Comme c’est une célébration religieuse qui revient chaque semaine, ils cuisinent des plats qui peuvent mijoter pendant de longues heures sur la cuisinière.

Qu’on les appelle tcholent en Europe, tebit en Irak ou dafina au Maroc, ces ragoûts contiennent un peu plus de piments s’ils sont cuisinés au Mexique ou quelques pois chiches s’ils viennent du Maghreb.

« Au fond, les Juifs vivent partout alentour du globe, explique Katherine Romanow. Les communautés adoptent les mets du pays et les adaptent aux lois casher. Donc, quand on parle de cuisine juive, on parle bien sûr de bagels et de viande fumée, mais on parle aussi de salade cuite (Maroc), de ravioli (Italie), de tentation de Jansson (Suède), de gravlax (Norvège). C’est vraiment très varié », explique l’historienne et responsable des visites culinaires organisées par le Musée du Montréal juif.

La cuisine juive prend ses origines partout dans le monde. Et lorsqu’elle est arrivée au Québec, elle a assurément influencé la restauration d’ici. Il n’y a qu’à penser aux nombreux delis.

Et ça, il y a des jeunes ambitieux qui travaillent fort à ce que personne ne l’oublie.

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