Grande entrevue Ernest Yale, PDG de Triotech

Dans les ligues majeures

L’an dernier, la société montréalaise Triotech avait annoncé vouloir réaliser un virage important dans la foulée d’un investissement de 80 millions consenti par la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité. Ernest Yale, PDG et fondateur de l’entreprise qui conçoit et fabrique des manèges immersifs et interactifs, confirme que Triotech a bien amorcé sa transformation qui va lui permettre de devenir un acteur de plein droit de l’industrie du divertissement familial.

Avant d’expliquer où est rendue exactement l’entreprise, un petit rappel historique s’impose.

Triotech a entrepris ses activités en 1999 en concevant et en fabriquant des petites machines de jeux pour arcades. En 2005, l’entreprise a fait un pas de plus en concevant et en manufacturant des manèges immersifs pour les centres de divertissement.

En 2012, Triotech a raffiné encore davantage son expertise et son offre de produits, en intégrant des fonctions interactives à ses manèges immersifs qui se transforment, selon Ernest Yale, en « gros jeux vidéo dans lesquels plusieurs participants peuvent jouer entre eux en même temps ».

En 2014, une nouvelle et ultime étape a amené Triotech à intégrer ses univers de jeux immersifs et interactifs à se mouvoir dans des véhicules pour le marché des grands parcs d’attractions traditionnels.

En 2014, le parc thématique Canada’s Wonderland a commandé une première montagne russe immersive et interactive à Triotech.

« On est les premiers à intégrer l’univers des jeux vidéo dans de gros manèges. On a réalisé la numérisation de l’attraction, ce qui permet aux usagers de participer à plusieurs expériences à la fois », résume Ernest Yale.

Un virage participatif

Depuis 2005, les différents produits de Triotech ont vraiment trouvé un vaste marché qui ne cesse pourtant de s’agrandir.

L’entreprise a conçu jusqu’à maintenant 250 attractions qui ont été implantées dans plus de 50 pays. Depuis quatre ans, ces attractions ont attiré 72 millions de visiteurs à un rythme qui s’élève aujourd’hui à 18 millions d’usagers par année.

« Nos attractions génèrent plus de visiteurs par année que le Cirque du Soleil », illustre Ernest Yale. Le coût d’entrée entre les deux types d’expérience n’est évidemment pas comparable, mais Ernest Yale veut tout simplement démontrer la popularité des manèges immersifs que conçoit et fabrique Triotech.

Le groupe, qui compte 200 employés, divisés à parts égales entre son bureau de conception de Montréal et son usine d’assemblage à Joliette, a dû embaucher 40 personnes l’an dernier et devra pourvoir 40 postes additionnels cette année.

« On a besoin d’ingénieurs mécaniques et électriques, de gestionnaires de projet, de scénographes… et on peine à les trouver », déplore le PDG de Triotech, en pleine poussée de croissance.

L’entreprise devra livrer cette année une cinquantaine de manèges immersifs stationnaires et cinq gros manèges avec véhicules mobiles. De plus, Triotech innovera en livrant quatre nouvelles grosses attractions qu’elle commercialisera en copropriété.

« On a changé notre modèle d’affaires. Avant, on développait et fabriquait des manèges que l’on vendait à nos clients. Là, on veut implanter de nouvelles attractions tout en conservant la moitié de leur propriété pour nous assurer des revenus récurrents », précise l’entrepreneur.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Triotech a vendu, l’an dernier, 40 % de ses actions à la Caisse de dépôt et au Fonds de solidarité pour 80 millions. L’argent obtenu de ces nouveaux partenaires va lui permettre de réaliser son nouveau modèle d’affaires, qui vise à réaliser 50 % de son chiffre d’affaires par l’entremise des revenus courants de ses propriétés.

Las Vegas et l’Asie

Triotech a conçu une nouvelle attraction, Fear the Walking Dead, la maison hantée du futur, après avoir racheté une licence de la populaire télésérie américaine.

« On a un partenaire immobilier et notre maison hantée immersive et interactive sera implantée sur l’avenue Fremont, à Las Vegas, la rue piétonnière la plus achalandée de Vegas », précise Ernest Yale.

La même attraction sera implantée dans trois villes en Asie, selon le même modèle de partenariat 50-50 avec des partenaires asiatiques.

Parallèlement, Triotech a conçu une nouvelle attraction, baptisée Fly, qui sera implantée à San Francisco et qui permettra au public de vivre une visite en hélicoptère de la ville grâce à une expérience immersive qui prévoit des chutes d’altitude vertigineuses.

« Le concept de Fly, on veut l’implanter dans toutes les grandes villes touristiques. On va le faire à New York et en Europe, où on va s’associer avec des opérateurs. C’est une attraction qui a un très fort potentiel partout dans le monde », estime le PDG de Triotech.

À cet égard, Ernest Yale souligne que c’est une des raisons pour laquelle il s’est associé avec la Caisse de dépôt.

« La Caisse nous ouvre à tout le réseau dont dispose sa division immobilière Ivanhoé Cambridge en Europe. Ça va nous permettre d’avoir rapidement des vitrines à Londres et à Paris », anticipe Ernest Yale.

« On a un bureau de vente en Allemagne avec 4 employés, un bureau à Dubai avec 8 employés et un autre en Chine qui va passer de 7 à 20 employés au cours de la prochaine année. On ne fait rien fabriquer en Chine, mais on leur vend beaucoup de manèges », insiste, avec un large sourire, le président de Triotech.

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