Chronique

Valentin pour les délaissés

Ma Valentine des douze dernières années n’est plus ma Valentine. C’est pas un scoop. Ça va faire un an en mars. Le 14 février, je ne recevrai pas de mots doux de l’être aimé. Et je ne lui en écrirai pas non plus. Triste. Mais je vais écrire quand même. Parce qu’écrire, c’est aimer.

Mon valentin de cette année, je veux l’envoyer à tous les gens seuls, comme moi, le jour de la fête des amoureux. On oublie trop souvent, quand on est seul, qu’on n’est jamais le seul à être seul. On se croit l’unique solitaire, alors qu’on est des milliers.

Juste à y penser, on est déjà moins seul. On s’est déjà rapproché.

Mes chers délaissés de la Saint-Valentin, je vous en souhaite une joyeuse quand même ! Allez, souriez ! Ben non, on fait pas pitié. Ben non, faut pas déprimer. Je sais, on va voir, toute la journée, plein d’amoureux recevoir des fleurs et des chocolats, pendant que nous, on va recevoir des pots et des céleris. Je sais, sur Instagram, ça va être le festival des beaux couples, bien habillés, soupant dans des beaux restaurants, la tête collée comme des perruches, pour qu’on les voie les deux sur la photo. Pendant que nous, il n’y aura que nous sur notre selfie, dans le fond de la cuisine, avec notre restant de pâté chinois et notre chat qui dort. Je sais, sur Facebook, il va y avoir plein de messages d’amour, de grandes déclarations, de demandes en mariage. Plein de gens exposant allégrement leur bonheur. Pendant que nous, on va publier un statut sur la façon la plus rapide d’assembler un meuble IKEA. Qui va récolter seulement deux J’aime. De gens qu’on ne connaît pas. Et dont le statut du jour est leur pointage à Candy Crush.

Je sais, c’est une dure journée à passer, une journée qui ne cesse de nous rappeler qu’on est tout seul, tout seul, tout seul. Si on était Donald Trump, on signerait un décret interdisant aux gens matchés de faire chier à la Saint-Valentin.

Mais on n’est pas Donald Trump. Heureusement. On n’agit pas en frustré. Il faut se réjouir du bonheur des autres. Même si ça réveille nos rêves brisés.

Surtout, n’essayons pas, durant les trois prochains jours, de nous accoupler avec le premier pas encore venu, pour nous éviter le blues de la journée rouge. Vivons-la en solo. Bien dans notre peau. Avec espoir.

Mardi, au lieu de célébrer l’amour à côté de nous, célébrons l’amour en nous. Pas l’amour avec qui on habite, mais l’amour qui nous habite. L’amour de la famille et des amis, l’amour du pays et de l’étranger, l’amour du travail et des vacances, l’amour de la terre et du soleil, l’amour des bêtes et des pas bêtes, l’amour des extravagances et des secrets, l’amour du prochain et de la prochaine.

Ce n’est pas parce qu’on ne vit pas le grand amour qu’on ne peut pas aimer en grand.

Ce n’est pas l’amour toujours, mais c’est toujours l’amour. C’est toujours l’amour qui nous fait avancer. Même quand on est seul. C’est l’amour, l’étoile au loin. Qui guide notre chemin.

Quand la personne qu’on aimait le plus au monde s’en va, il nous reste quoi ? Il ne nous reste rien. Il ne nous reste que la vie. Alors, il faut aimer la vie. L’aimer aussi fort qu’on a aimé Elle. Qu’on a aimé Lui. Parce qu’elle le mérite. Peu importe la noirceur du drame, l’intensité de la catastrophe, la profondeur de la peine, la vie est toujours là. Elle ne nous lâche pas. Même quand on est très malade, elle est encore là. Elle s’accroche à nous, encore plus que l’on s’accroche à elle. Et quand la mort arrive, elle se dresse devant elle. Et pour pouvoir nous prendre, la mort doit lui passer dessus. La vie ne nous quitte pas. Elle meurt avec nous. Elle quitte notre corps en même temps que nous. Elle part avec notre âme. Pour partout ou pour nulle part.

Il faut aimer la vie, de notre premier cri à notre dernier souffle. Même quand elle est dure. Même quand elle fait mal. La peine, c’est de la joie qui fond. Mais elle reviendra, c’est certain. La joie. Sous une autre forme. Avec d’autres traits. Nous tombant du ciel. Au moment, où l’on s’y attend le moins.

Le 14 février, les amoureux fêtent la vie à deux.

Les célibataires fêtent la vie tout court.

Dans tous les cas, ça reste de l’amour.

Joyeuse Saint-Valentin aux deux !

Joyeuse Saint-Valentin aux trois !

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